Après le choc fiscal de début de mandature, il reste l’image d’un quinquennat de « maintien » de notre Etat. Il n’a pas été déshabillé. Il n’a pas non plus été essentiellement réformé. Les fondamentaux sont préservés. Les failles de la coque du bateau France sont toujours aussi béantes. Le décrochage d’une frange de la jeunesse, les origines sociales déterminent les parcours plus que dans d’autres pays de l’OCDE. La persistance d’un chômage massif – singulièrement pour les travailleurs peu ou pas qualifiés- voilà pour quelques marqueurs persistants.
Ces maux traditionnels s’enkystent. L’environnement, lui, a bougé. L’implosion de l’Europe jette le discrédit jusqu’à l’horizon commun à construire. Elle met en lumière bien plus que des questions d’éthique et de gouvernance. Il est aujourd’hui question d’une communauté de croyances réduite, sur son périmètre large, aux acquêts de la monnaie unique. A l’intérieur, l’angoisse du pays s’alimente des transferts de souveraineté dont on ne perçoit pas toujours l’efficacité à l’échelon supérieur. C’est singulièrement le cas sur les questions de sécurité. Dans un contexte d’attentats et de massacres de masse. Faute d’avoir la main sur les politiques publiques ou à défaut de résultats, la tentation d’une partie de la gauche est de retrouver la confiance du peuple en se battant sur les « valeurs ».
Précisément, quelles sont les perspectives à ce niveau.
La hiérarchie est bousculée. Les traditionnelles attentes sur le chômage sont désormais concurrencées par les inquiétudes sur le terrorisme et le djihadisme. Ce sont les nouveaux moteurs de vote de la France en 2017. Dans une frange de la population[1] par ailleurs concernée par le racisme et les discriminations, elle s’incarne dans un système autoritaire « qui passe avant les lois de la République ». La France populaire se scinde en son sein entre une frange massivement attachée à la laïcité et une minorité travaillée par une Fitna. Un puissant moteur politico-religieux satellise par milliers jusqu’aux nouveaux convertis.
Nous avons à faire face à un problème de transmission des valeurs démocratiques dont les canaux se sont progressivement grippés. De l’école, où la tentation croissante des familles est d’accéder aux circuits de la meilleure éducation. Elle tend à les émanciper de la carte résidentielle, elle même soumise à une centrifugeuse sociale. Les rares chemins communs autrefois empruntés par le corps social tels que le service national se sont perdus sur la route de l’armée de métier. Le travail, rare et si difficile d’accès lorsqu’on ne dispose pas des diplômes ou des réseaux joue moins son rôle d’intégrateur.
En réponses, les stratégies auprès d’électorats ciblés se sont perdues dans le maquis du clientélisme
L’urgence pour les progressistes est de renouer avec les attentes fondamentales des ouvriers et des employés qui constituent leur socle politique historique. Cette voie permet au moins de renouer avec l’idéal de fraternité attendu par ces catégories. La peur les en éloigne. Ces classes sociales constituent la majorité de la population française. Cette réponse recentre la proposition politique autour d’un élément qui les unie, c’est-à-dire le contrat de travail. De la feuille de paie, la formation toute la vie, à la sécurisation individuelle des parcours. Enfin, elle desserre la tension traditionnelle entre les politiques de l’offre et de la demande.
Le gouvernement à la quinzaine
La redistribution du CICE est vécue comme au seul bénéfice des entreprises. Elle a de manière inattendue alimenter les salaires. En détachant dés l’origine les réformes du contrat de travail de la négociation de contreparties, les salariés, inquiets, se sont braqués. En négligeant la soupape de l’investissement public, le gouvernement a mis au second plan le niveau des carnets de commande. L’offre est certes plus compétitive mais elle manque de débouchés.L’intention vis-à-vis des entreprises est louable mais elle ne s’inscrit dans aucune perspective de progrès.
Réagissant au coups par coups, la majorité n’impose aucun rapport de force culturel. Elle donne à penser qu’elle serre les boulons d’un véhicule pour satisfaire des passagers qu’elle ne nomme pas, redonnant parfois à l’un ce qu’elle lui a pris quelques instants plus tôt. Elle s’apprête à défendre sa vieille traction sans indiquer dans quelle direction l’engager. faute de répondre aux insécurités sociales et culturelles, incapable d’assumer un mouvement de réformes juste après les attentats, elle a la tentation vaine de s’installer dans la conservation de l’existant « menacé par la droite ». C’est la défaite assurée.
[1] http://www.institutmontaigne.org/res/files/publications/institut_montaigne_-_un_islam_francais_est_possible.pdf#page=22
[2] Le mot peut être également traduit par « trouble, révolte, agitation, sédition