Sous-marins nucleaires : combien de divisions ?

SOUS MARINS ET COURSE AUX ARMEMENTS

Qu’ils soient à propulsion nucléaire ou diesel/électrique, il apparaît qu’en cette fin de décennie, nous assistons à une prolifération de ces bâtiments de guerre (Un rapport de Forecast International, indique que 111 sous-marins conventionnels et nucléaires seront construits sur la décennie 2011-2020, dont une large majorité de type diesel-électrique), induisant clairement une nouvelle course aux armements.

La propulsion nucléaire a révolutionné le monde maritime ; apportant discrétion, rapidité et capacité de tirs en second. Cette technologie reste encore l’apanage des 5 puissances (Etats-Unis, Russie, Royaume-Uni, France, Chine) possédant officiellement un arsenal nucléaire. Mais des outsiders (Inde, Brésil, Argentine, Australie, Malaisie, ?) sur les quatre coins de la planète sont en course pour maîtriser ce type de propulsion, qui permet un saut qualitatif majeur dans le monde de la défense.

Cette prolifération de sous-marins nucléaires est encouragée par la France et la Russie pour des raisons purement commerciales. Clairement, s’ils n’ont enfreint aucune règlementation internationale sur les transferts d’armements, ils ont ouvert une boite de Pandore qui sans nul doute ne pourra que faire peser des menaces supplémentaires sur la paix dans le monde comme des risques majeurs sur l’environnement.

BOITE DE PANDORE

En Amérique du sud, c’est le Brésil qui a donné le départ de cette course en signant en décembre 2008 un contrat d’achat auprès de la France pour une coque de Sous-marin Nucléaire d’Attaque – SNA- (très similaire semble t-il au futur SNA français de classe Suffren). Le montant de ce contrat pour DCNs est de 2 milliards ?. Ã charge aux Brésiliens d’incorporer toute la technologie nucléaire nécessaire à la propulsion de ce bâtiment.

Normalement – sauf close secrète- le Brésil réalisera seul ce réacteur nucléaire. Pourquoi ce besoin, selon la Présidente actuelle, Dilma Rousseff, pour « garantir la souveraineté du pays » et selon le Président Lula da Silva, alors au pouvoir en 2008, pour protéger « les grandes richesses nationales de l’océan Atlantique» comme le pétrole et pour prévenir « l’invasion d’un autre pays ou les actes de terrorisme »?

Evidemment, histoire de posséder une flotte complète, d’autres exemplaires sont prévus. En attendant, le Brésil s’est aussi lancé dans la construction de sous-marins conventionnels, en achetant à l’entreprise française DCNs 4 Scorpène (415 millions ? l’unité), livrables entre 2017 et 2021. Ces bâtiments seront armés de torpilles lourdes et de missiles antinavire Exocet SM39. L’ennemi d’hier l’Argentine, n’est pas en reste non plus. Malgré le coût (près de 2 milliards $) et les contraintes (démantèlement, déchets nucléaires, ?.) de ce type de propulsion, la Secrétaire à la Défense Nilda Garré a annoncé le 4 juin 2010 qu’un vaste programme de propulsion nucléaire pour des sous-marins était lancé.

L’Argentine compte bien ainsi être la seconde marine nucléaire d’Amérique du sud, quelques mois après le lancement du projet brésilien. Une coopération entre ces deux pays, n’est d’ailleurs pas à exclure dans le domaine de la conception du réacteur nucléaire (en se basant sur le réacteur nucléaire argentin de type CAREM), de nombreuses rencontres ayant eu lieu ces derniers mois. Si cela se confirme, cette militarisation de l’océan Atlantique Sud sera suivie de près par les britanniques. Leurs relations restant très tendues avec les argentins, qui revendiquent toujours les Malouines. Alors, se dirige-on vers un scénario noir ou un SNA argentin serait le fer de lance d’une invasion des Malouines ? En tout cas, ce schéma militaire va devoir être pris en compte par l’amirauté britannique.

En Asie, la situation est bien différente de l’Amérique du Sud. D’une part, il existe une rivalité ouverte entre les puissances nucléaires chinoise et indienne (problématique de frontières) et d’autre part, l’Inde à la volonté de se doter d’un sous-marin porteur de l’arme nucléaire, pour s’assurer une frappe nucléaire en second (principalement destinée à la Chine). Enfin, l’Inde peut désormais être considérée comme la sixième marine nucléaire du monde. La quête de ce premier SNA, réalisé avec l’aide de la Russie ([Tant sur le plan de l’ingénierie que de l’entrainements des équipages comme de la location dans les années 1990 de SNA)] est désormais une réalité. Le SNA indien, l’INS Arihant devrait être opérationnel en 2013 et un second exemplaire est déjà en cours de construction pour des essais à la mer en 2015. Dans l’optique de se construire une large composante océanique, dans la prochaine décennie, l’Inde louera également pour 10 ans le SNA russe Nerpa (classe Akula-II).

à cette liste, n’oublions pas d’autres états qui s’interrogent officiellement (l’Australie avec l’aide des Etats-Unis) ou officieusement (le Canada) sur ce type de propulsion.

Le marché est ouvert, « business is business », mais à quel prix ?

Maroc : à Rabat-La-Joie, qu’importe le résultat

A force de meetings à l’américaine et de campagnes virales, ils bousculent résolument leurs institutions. A quelques coups tordus près. A Fès, on a pris la main dans le sac quelques notables sur le point d’acheter des paquets de voix auprès des nombreux citoyens en hères([ Quotidien Le Matin, 23 novembre 2011)]. On évoque à demi-mot les voitures qui emmènent les «?hésitants?» aux bureaux de vote. Mais cette campagne aura davantage été marquée par les premiers débats télévisés et des cortèges de militants vantant leurs champions dans une capitale jonchée de tracts aux logos très imagés.

Avec près de 40% d’analphabètes dont une majorité de femmes, le matériel du candidat doit être explicite et aller à l’essentiel: ainsi tel parti prônant la modernité a pour emblème un tracteur, dessin qui figurera sur le bulletin de vote, à côté des pictogrammes des autres partis et qui sera coché ou non par le votant. Tel autre parti a pour symbole une poignée de mains. On trouve également la rose socialiste. Sur les affiches, les besoins de renouvellement, de lutte contre la corruption et de redistribution sont le plus souvent évoqués.

ANCIENS CONTRE NOUVEAUX

Cependant, les vraies lignes de clivages dépassent l’antagonisme droite/gauche largement éludé par rapport à l’opposition entre les «?anciens?», ceux de l’ancien système, et les «?nouveaux?» ou plutôt ceux qui se présentent comme tels. Revêtus de leurs habits pas tout à fait neuf (ils participent aux élections depuis 1997), les islamistes du PJD jouent sur cet axe en multipliant les appels du pied vers la bourgeoisie et la communauté financière pourtant peu courtisés jusqu’alors. Pour contrecarrer leur poussée annoncée, une coalition dite du G8 regroupant des modérés est conduite part un technicien, l’actuel Ministre des Finances. La gauche, dispersée, se retrouve en partie dans la Koutla qui a participé au pouvoir. Au moins trente partis sont dans la course. Pas évident pour les citoyens-novices de cette jeune démocratie.

La nouvelle majorité sera forcément le fruit d’une large coalition. Le Roi quant à lui, figure de consensus national, jouera toujours un rôle central dans les politiques publiques, développant des Plans thématiques : littoral, énergies renouvelables, infrastructures….

L’édito du magazine «? Telquel », dénonce la censure sous forme de pressions par un groupe de conservateurs contre un film marocain décrivant les moeurs sociales de façon trop crue, alors même que «?l’Etat policier?» a laissé le film sortir. D’un côté de la rue, le Cinéma Royal de Rabat dont la devanture montre l’affiche du décapant «?La source des femmes?» de Radu Mihaileanu. De l’autre la mosquée où un groupe de religieux prie à l’appel du muezzin. Le Maroc trace sa voie au rythme d’un incessant balancement. Les vagues de la Révolution Tranquille onduleront encore longtemps.

L’aube de la démocratie marocaine a déjà un parfum de désenchantement. Pour une cliente habituée d’un grand café chic du quartier des ministères de Rabat: «?Le PJD, c’est les islamistes, et pour moi c’est walou?». Quant à ce chauffeur de taxi, il se décidera ou pas selon l’humeur du moment. Un retraité qui a vécu pas mal d’années en France exulte et commente le processus en cours : «?nous sommes joyeux comme si nous n’étions pas tout à fait murs mais il faut nous laisser du temps!?». Apostrophes dans les cafés où sans raison, parce qu’on est français, un marocain de but en blanc vous parle de cette élection. Rabat étourdie, inhale sa première bouffée de démocratie. Au soir d’une participation inédite, qu’importe le résultat, c’était Rabat-La-Joie.

Le Cap Vert, exemple de démocratie africaine

En tant que touriste un peu conscient de ses déplacements, le Cap Vert est un « petit pays » attachant pour de multiples raisons :

-* les différentes personnalités de ses différentes îles,
-* sa culture créole entre Afrique, Portugal colonial et Brésil,
-* ses habitants au portugais si chantant mâtiné de mots créoles,
-* c’est une démocratie.


Cesaria Evora – Petit pays par cordelaranja

C’est ce dernier point, en gras, dont nous allons parler. Le 6 février 2011, les Cap-Verdiens étaient appelés à élire leur parlement : 72 députés dans 13 circonscriptions (dont 6 députés de l’étranger(700 000 Cap-Verdiens vivent à l’étranger – grosse diaspora – et sont représentés par 2 députés Afrique, 2 Amérique et 2 Europe et reste du monde)).

Le PAICV (socialiste) a gagné avec une majorité de 2 sièges. Son adversaire, le MpD, de tendance libérale, a 4 sièges de moins car 2 petits sièges ont été conquis par le petit parti UCID, dans la circonscription de Sao Vicente.

Sources :

-*dép?che AFP
-*sa reprise sur afreekelection

Un peu d’histoire

Si on laisse de côté l’Antarctique, le Cap Vert doit être une des terres dont le peuplement humain est le plus récent. Les îles de l’archipel ne sont en effet peuplées que depuis l’arrivée des européens, au 16e siècle. Dans leur sillage, des esclaves des côtes d’Afrique de l’Ouest. Aucune culture ne précédait les Cap-Verdiens sur cette terre, aucun ancien territoire. C’est bel et bien d’une nation créole dont on parle, née dans l’esclavage et la libération.

Libéré du joug portugais et salazariste en 1974, le Cap Vert opte pour un régime à parti unique. Ã l’époque c’est le PAICV qui gère. En 1990 fin de la plaisanterie dictatoriale, la démocratie pluraliste s’installe, sans violence. Les opposants de toujours du MpD (le Mouvement pour la démocratie, essentiellement fondé par la diaspora) remportent les 2 législatives de 1991 et 1996. Pour perdre ensuite en 2001, 2006 et 2011.

Pour prouver que la démocratie est bien installée, intéressons-nous à deux anecdotes.

-#L’élection présidentielle de 2001 s’est joué à quelques voix près (12 ! oui, douze; voir la dépêche AFP de l’époque) et aucun coup de feu n’a été tiré. Par ailleurs, le pays est classé 26e par Reporters sans frontières (à titre de comparaison, la France est 44e…)(3 hebdomadaires se partagent le lectorat : A Semana, A Naçao et Expresso das Ilhas.).
-#Pour la prochaine élection présidentielle, Maria Cristina Fontes Lima, alors ministre de la réforme d’État et de la défense (le premier maroquin l’occupant sans doute plus que le second) avait des ambitions. Membre du PAICV, elle devait se conformer au calendrier interne. Apparemment, sa candidature déplaisait pas mal aux caciques du parti qui ont invoqué un argument réglementaire pour qu’elle ne soit pas candidate à la « primaire interne ». A-t-elle quitté le PAICV ? A-t-elle fondé dans le sang son groupe de guérilleros ? Non plus, elle continue la politique.
Une démocratie mature donc, à l’épreuve des magouilles. Et même plutôt à l’abri de la corruption puisque le pays n’est que 45e sur 178 du classement de Transparency International (téléchargez directement le PDF du classement 2010).

Une démocratie tellement bien mature que le taux de participation a bondi de 54 % en 2006 à plus de 75 % en 2011.

Pas de pétrole, mais une diaspora et des financements internationaux

Le Cap Vert a paradoxalement une chance inouïe : il n’a aucune ressource naturelle. Pas de pétrole, pas de diamant, même pas de guano en quantité. Les classes dirigeantes n’ont jamais pu préempter la richesse nationale sans travail, sauf les colons qui vivaient du commerce triangulaire, mais c’est une autre histoire. La richesse nationale a donc été créée par le travail de la population et une gestion serrée des ressources (le pays dépend à 80 % de l’importation pour sa nourriture). Aujourd’hui, les financements européens(l’Union européenne elle-même ou des États membres comme la France, le Luxembourg, le Portugal, l’Espagne et l’Italie.), chinois et brésiliens sont une manne pour la construction de nouvelles infrastructures (une route sur l’île de Santo Antao, le palais du gouvernement ou encore l’Assemblée nationale).

Aujourd’hui, outre sa musique, le pays n’a aucune richesse à exporter et vit des envois d’argent de la diaspora et du tourisme. Il investit à fond dans l’éducation (des dizaines de lycées neufs parsèment le pays) et les nouvelles technologies. Le NOSI, noyau opérationnel de la société de l’information, est le nom donné au plan de déploiement censé doter le Cap Vert d’une infrastructure d’e-gouvernement exemplaire et de techniciens et ingénieurs capables d’exporter du savoir-faire. Le marché visé est l’Afrique de l’Ouest.

La campagne

Le parti d’opposition, le MpD, a comme slogan « Mesti Muda » (il faut que ça bouge), que vous pouvez entendre en chanson dans le diaporama photo ci-dessous.



Après 10 ans de pouvoir du PAICV, l’opposition dénonce les promesses non-tenues (où sont les 130 000 ordinateurs promis ?), la pauvreté (40 000 familles sans sanitaires, 135 000 habitants sous les 135 escudos par jour soit environ 1 ?). Le tout en musique évidemment, dans un pays où c’est le principal loisir culturel (avec la danse évidemment) et donc un bon média populaire potentiel.

De son côté, le PAICV joue sur l’image rassurante de la continuité avec sans doute un des pires slogans que jamais vu en politique : « Mais Cabo Verde », c’est-à-dire « Plus Cap Vert » ou « Plus Cap-Verdien ». Ça ne veut rien dire mais les tee-shirts(Des Fruit Of The Loom s’il vous plait !)] sont jolis(votre serviteur en a rapporté un, récupéré au siège national du PAICV, à Praia. 🙂) (on les voit portés par les militants ci-dessous).






Le parti majoritaire n’a pas à rougir de son bilan, comme le note la dépêche AFP sur la victoire du PAICV :

«Sous le gouvernement de M. Neves et du PAICV, le Cap-Vert, archipel ouest-africain de dix îles dont neuf sont habitées, a quitté en janvier 2008 la catégorie des pays les moins avancés pour celle des « pays à revenus intermédiaires ». Pendant leur campagne, le Premier ministre et son parti ont mis en avant un bilan économique flatteur: croissance moyenne de 6% au cours des dix dernières années, construction de nombreuses infrastructures, des ports, trois aéroports internationaux, des routes dans toutes les îles habitées de l’archipel.»

On peut regretter que bien souvent hélas, le développement se fait au détriment de l’environnement (o ambiente) malgré une volonté afficher de le préserver. Pas de loi littoral comme en France par exemple. Il est dommage que les mêmes bêtises soient faites au nom d’un développement que nous commençons à remettre en cause (du bout des lèvres, c’est certain).

Au rayon des bêtises, le MpD souhaite privatiser les compagnies nationales (énergie, téléphonie, aviation…) sous prétexte de lutte contre le népotisme. Un peitt stage en France leur montrera que le privé sait disputer ce genre de gangrène au public.

Le programme du vainqueur, de manière classique, parle de « pacte pour l’emploi », afin de lutter contre un chômage qui dépasse les 15 %. Un des leviers envisagés est la fortification du secteur privé, contsitué de PME peu dynamiques. Tâche ardue s’il en est.

Prochain rendez-vous électoral cap-verdien, l’élection présidentielle en septembre ou octobre prochain. La couverture médiatique française sera probablement maigre, à l’image des législatives, ce qui est bien dommage. Alors que la Côte d’Ivoire a manqué son rendez-vous avec la démocratie ou que le Sénégal voit Abdulaye Wade tenté par la dynastie familiale, le Cap Vert prouve que la démocratie en Afrique est possible.

Cliquez sur les photos pour les voir en plus grand.

Article publié initialement sur le blog d’Adrien Saumier : [Le Cap Vert, la démocratie africaine est possible et existe

Propositions pour une coopération écologiste

?Dans un communiqué de presse (http://www.eelv.fr/actualites/communiques/communiques-semaine-du-6-au-12-decembre-2010/5541-visite-de-nicolas-sarkozy-en-inde-une-diplomatie-reduite-a-celle-du-nucleaire/) publié le jour de la rencontre entre le Président français et le Premier ministre indien, le 6 décembre dernier, Europe Ecologie-les Verts a contesté « cette diplomatie du nucléaire dans des pays tiers » et demandé que la France tienne ses engagements internationaux « quant aux financements de l’adaptation aux changements climatiques avec la promotion de l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables, au lieu d’exposer l’humanité au risque du nucléaire. »

Désarmement et règlement non violent des conflits

Quelques jours après la visite de Nicolas Sarkozyse tenait à Delhi une conférence nationale pour le désarmement nucléaire et la paix. La déclaration finale, entre autres points, dénonce la diversion des ressources vers l’armement nucléaire alors qu’elles pourraient répondre à des besoins sociaux vitaux. Il est ainsi préconisé que tous les budgets militaires de la région soient amputés de 10%. Tout en condamnant tous les actes terroristes, la coalition a aussi déclaré son opposition à la manipulation des discours sur le terrorisme pour justifier la répression et les restrictions des droits civiques ([http://www.cndpindia.org/)].

Quelques pistes de travail

? Retrait du soutien aux projets EPR et au développement du nucléaire civil

? Appel au désarmement en Inde et au Pakistan et au règlement pacifique des conflits au Cachemire et dans les états centraux de l’Inde

? Appui à la coopération pour l’adaptation au changement climatique, au développement des énergies renouvelables, au transfert de technologies « vertes » et au développement de solutions locales, à l’accès à l’eau, à l’économie solidaire, à l’agriculture paysanne, au commerce équitable, à la coopération dans les domaines de l’éducation et de la culture

? Et enfin, plus largement, soutien à une juridiction internationale pour l’environnement et contribution à la mise en oeuvre d’un système de protection sociale mondiale.

Pour en finir avec la diplomatie du nucléaire

«?Il est vital de bâtir des programmes nucléaires civils pour assurer notre indépendance énergétique et nous procurer une énergie qui n’émet pas de gaz à effets de serre?»(http://www.livemint.com/2010/12/04162742/Sarkozy-backs-India8217s-pe.html) a déclaré Nicolas Sarkozy lors de sa visite en Inde, alors même que se tenait à Cancun la conférence sur le climat.

Représentant de commerce patenté d’Areva, notre Président de la République tente donc d’exporter à l’étranger nos EPR, emballés dans une rhétorique bien connue en France : pourquoi développer des énergies alternatives aux énergies fossiles puisque nous disposons du nucléaire ?

Oublions Tchernobyl et Bhopal, oublions les surcoûts et les retards des deux projets d’EPR en France et en Finlande, oublions le toit du bâtiment annexe de la centrale de Flamanville effondré sous le poids de la neige (http://www.lejdd.fr/Ecologie/Energie/Actualite/Flamanville-Un-toit-s-effondre-a-la-centrale-nucleaire-238481/ http://www.michele-rivasi.eu/a-la-une/le-gouvernement-veut-la-mort-du-photovoltaique/). Oublions la faille sismique sur laquelle les centrales indiennes doivent être implantées, les risques d’attentats, les populations qui vont perdre leurs terres au nom du sacro-saint développement. Oublions les mesures de sécurité, les risques de fuites radioactives, le traitement des déchets. Oublions le Traité de non prolifération nucléaire, non ratifié par l’Inde, ce qui devrait, conformément aux engagements signés par la France empêcher toute collaboration dans le domaine du nucléaire civil.

Irrationalité comptable et mise en danger

4% de l’énergie produite en Inde aujourd’hui est d’origine nucléaire. Un plan de développement du nucléaire en Inde prévoit de passer à 60 000 megawatts d’ici à 2020, soit presque autant que la France aujourd’hui (62 000 megawatts). Quels qu’en soient les coûts, la lourdeur des infrastructures, et les risques pour la population et l’environnement.

Une étude menée par le Dr S.P. Udayakumar ( Emergency Unpreparedness at Koodankulan, Dr. S.P. Udaykumar, People’s Movement Against Nuclear Energy, National Alliance of Anti-nuclear Movements) sur le site de la centrale nucléaire de Kalpakkam montre que seulement 12% de la population possède une connaissance minimale des risques induits par une exposition aux radiations, et 5% seulement sait quelles mesures appliquer en cas d’accident nucléaire. Les responsables des villages eux-mêmes sont peu au fait des précautions à prendre, tandis que les plans de secours semblent quasi inexistants de l’aveu même des autorités.

Contrairement aux idées reçues sur les retombées économiques d’un tel chantier, l’étude montre que seulement 8% de la population locale est employée par la centrale, que de nombreuses promesses de travail en échange de la vente des terres n’ont pas été tenues, mais que le prix des denrées de base a fortement augmenté. Un résultat pas très brillant au regard des 7 milliards d’argent public investi dans la centrale.

Le projet EPR en Inde

Aujourd’hui, les deux projets d’EPR en construction, en France et en Finlande, présentent des retards importants. Non seulement ils s’avèrent beaucoup plus coûteux que prévu, mais ils présentent des risques encore plus élevés que le nucléaire civil «?classique?».

Le réseau Sortir du nucléaire
( Dix bonnes raisons de refuser l’EPR -Réseau Sortir du nucléaire
http://www.sortirdunucleaire.org/index.php?menu=sinformer&sousmenu=themas&soussousmenu=epr2&page=1
) avance ainsi dix bonnes raisons de refuser l’EPR, notamment parce que cette technologie présente «?des risques d’accidents majeurs : fusion du c?ur (par exemple, par perte du liquide de refroidissement du circuit primaire), destruction de l’enceinte de confinement (par explosion de l’hydrogène produit lors de l’accident).?»

Pourtant Areva a signé un accord préliminaire avec l’Inde pour un montant de 7 milliards d’euros. Les deux réacteurs EPR devraient être installés à Jaitapur, dans l’Etat du Maharashtra, zone classée à risques pour sa forte activité sismique. Des études de la Société d’Histoire naturelle de Bombay montrent que le projet aura des conséquences irréversibles pour l’environnement, et Greenpeace Inde dénonce son implantation. Les habitant-es multiplient les actions non violentes pour protester contre cette installation.

Avant que le contrat soit finalisé, il faudra un accord commercial supplémentaire. Et surtout, il faudra qu’Areva accepte de jouer le jeu de la législation indienne, qui, l’été dernier, s’est dotée d’une loi, la Civil Liability for the Nuclear Damages Bill, qui estime qu’en cas d’accident nucléaire le constructeur de la centrale peut être tenu financièrement responsable.

Nicolas Sarkozy a publiquement déclaré qu’il allait évoquer cette question avec le Premier ministre indien. Areva, et ses assureurs, ne cachent pas leurs inquiétudes devant ce cadre juridique qui reste peu restrictif, mais qui de fait engagerait la responsabilité de constructeur tout-au-long de la durée de fonctionnement de la centrale. Au lieu de se soucier de la sûreté pour les populations, le Président de la République française a donc été plaider la cause d’Areva et fait pression pour modifier la loi indienne. L’industrie nucléaire ne saurait rêver plus ardent lobbyiste.

Climat : Nicolas Sarkozy n’a décidément rien compris

Un rapport OXFAM-Réseau Action pour le Climat
(http://www.oxfamfrance.org/Quai-des-brumes-suivi-des,930) montre que la France, malgré ses promesses, n’a réellement dégagé que 18% des fonds promis à Copenhague pour accompagner l’adaptation au changement climatique des pays en voie de développement. Au-delà du greenwashing du nucléaire, Nicolas Sarkozy et son gouvernement continuent à tenir un double discours. Au lieu de prôner le nucléaire, il est plus que temps d’envisager des solutions durables et de bâtir une coopération qui ne soit pas basée sur les ventes de centrales ou d’armement. Car la visite de Nicolas Sarkozy s’est accompagnée aussi de négociations pour l’achat de Rafales et de missiles, ainsi que le développement conjoint d’un avion de combat. Bel effort de la République française en faveur d’un règlement pacifique du conflit entre l’Inde et le Pakistan, autre grand acheteur d’armement.