De la mode et de nos modes de consommation
De la production des matières premières à la transformation et la distribution, la mode, branche marketing et paillettes de la production de masse de tissus et de vêtements, porte une série d’enjeux environnementaux et sociaux transnationaux qui nécessitent réflexion et propositions d’action.
Le textile, une histoire entre l’Europe et l’Asie
De la route de la soie jusqu’aux cargos qui déchargent leurs containers de tee-shirts fabriqués à bas prix au Bangladesh, l’histoire du textile s’est tissée dans les relations entre l’Europe et l’Asie. La colonisation a permis de s’assurer un approvisionnement régulier de tissus de grande qualité, aux couleurs séduisantes, au point qu’on appelait « indiennes » ces tissus chamarrés importés des comptoirs français sur la côte est de l’Inde.
Soieries, cotons, madras… ont fait prospérer les villes et les négociants français, jusqu’au moment où il est apparu plus profitable de faire fabriquer localement ce qui demandait jusque-là des mois de transports hasardeux sur les océans. La mécanisation du métier à tisser a permis de concentrer la production, les premiers ateliers sont devenus des usines, la production de masse a commencé.
L’histoire de la révolution industrielle est ainsi indissociable de l’histoire de l’industrie textile, elle-même indissociable de l’histoire du capitalisme : à peine un siècle plus tard les délocalisations entraînaient la fermeture des grands centres de production dans l’Est et le Nord de la France, alimentant le chômage de masse qui caractérise nos sociétés post-industrielles. Depuis quelques années, l’industrie du vêtement s’est lancée dans une « course vers le bas », à la recherche d’une main d’?uvre toujours moins chère.
Des OGM dans le coton ou un pull marin bio et équitable ?
Parmi les différentes matières, naturelles ou synthétiques, utilisées par l’industrie textile, pointons le coton. Gros consommateur d’eau, le coton absorbe aussi près de la moitié des intrants agricoles (pesticides et engrais). Ce marché juteux n’a pas échappé aux apprentis-sorciers, qui proposent un coton OGM, un coton pas franchement performant : en mai dernier, une étude scientifique menée en Chine a démontré que cette plante génétiquement modifié a favorisé la prolifération de punaises qui ont infesté les 3 millions d’hectares de coton ainsi que les 26 millions d’hectares de cultures aux alentours.([ Coton OGM et punaises en Chine : voir l’étude parue dans Science http://www.sciencemag.org/cgi/rapidpdf/328/5982/1151.pdf?ijkey=iB5FxEN2XaG7g&keytype=ref&siteid=sci
)]
Sur le plan économique, la filière coton aux États-Unis, fortement subventionnée, a déstabilisé les marchés et entraîné la ruine des producteurs d’Afrique de l’Ouest. Aujourd’hui, la production de coton biologique se développe mais reste marginale.
Initiative intéressante : le Conseil régional de Bretagne, en partenariat avec le Mali et le Burkina, a mis en ?uvre une filière coton bio et équitable, assurant des débouchés de la production de ses partenaires africains auprès des fabricants bretons. La démarche, qu’il faudrait évaluer, a le mérite de vouloir construire une réelle solidarité économique en jouant sur l’offre et la demande et en consolidant des filières locales, au Nord comme au Sud.
Pollutions des eaux et maladies professionnelles
On dit que les fleuves en Chine changent de couleur au gré de la mode en Europe. Chlore, formaldéhyde, métaux lourds, dérivés du pétrole…De fait, la transformation textile, et notamment les teintures, utilisent de nombreux produits chimiques extrêmement polluants, entraînant des maladies professionnelles graves et des dégâts à grande échelle dans l’environnement, notamment via la pollution des eaux, qui à leur tour contaminent les populations qui vivent à proximité.
Les techniques de fabrication peuvent elles aussi se révéler extrêmement préjudiciables à la santé des ouvrier-es qui travaillent dans des ateliers de confection sombres et surchauffés. Dernier exemple en date, le sablage manuel des jeans, qui permet, paradoxe de la société capitaliste post-moderne, de vendre cher un jean auquel on a donné un aspect usé. La projection des particules destinées à blanchir les jeans provoque des cas de silicose, dont une cinquantaine de cas mortels rien qu’en Turquie. Suite à une mobilisation importante des ONG, et notamment du collectif de l’Éthique sur l’Étiquette (http://www.ethique-sur-etiquette.org/), deux grandes marques de prêt-à-porter se sont engagées à abandonner cette technique.