Entre l’idéal et la raison

Cette stratégie de gagner le parti sur la gauche a maintes fois fonctionné. Venu du Rocardisme, le tenant de « l’aile gauche » du parti l’use sans prendre de gants vis-à-vis de ses « tristes » camarades de parti. On le sait, le discours sur les contraintes ne fait pas rêver. Même si le document sur « l’égalité réelle » que vient d’adopter la direction socialiste avec une faible participation ressemble en l’état à un catalogue généreux.

Il comprend des intuitions intéressantes notamment dans le domaine de l’éducation et de la petite enfance. Les opposants s’entendent sur le manque de hiérarchisation des dispositifs tandis que Gérard Grunberg sur le site du think tank Telos évoque la traduction soit d’une « complète incompétence, soit un total cynisme, soit les deux ensemble ». Dans un contexte de gouffre abyssal des finances publiques, l’absence de chiffrage à quelques mois d’une primaire dont les dés semblent de plus en plus pipés, jette le doute sur la faisabilité d’un tel chantier.

A l’inverse, les candidat-E-s aux primaires écologistes semblent mettre l’accent sur la question des moyens dans leurs discours de pré-campagne. Dans son esquisse de « la sobriété joyeuse », Eva Joly prend le risque du décalage par rapport aux réalités sociales, déjà âprement discuté en interne. Dans sa récente intervention sur le budget à l’Assemblée Nationale, Yves Cochet pointe, à l’instar de quelques membres de la Commission économie des Verts, des « marges de man?uvre » réelles mais hors de proportion par rapport aux enjeux de la nécessaire restauration de la capacité d’action de l’Etat et des collectivités locales.

Quelle alchimie doit prendre pour ne pas verser dans le cauchemar d’une défaite en 2012 ?

Aller vers l’idéal sans balayer d’un revers de la main le réel. C’est de la réussite de cette double ambition que dépendra l’adhésion populaire à une alternative écologiste et de gauche. Pour le moment, elle semble mise au second plan sur l’autel du message interne envoyé aux troupes. Comme si la « radicalité » consistait, comme au début des années 80, à promettre pour ne pas tenir. Comme si le « réalisme » devait s’apparenter à une austérité bien triste. Au lendemain de leur unification, la marche à parcourir pour les écologistes est considérable. Décevoir en 2012 ouvrirait la voie à tous les populismes. Et trouver le chemin de l’adhésion populaire ne sera pas suffisant pour tenir et conduire les changements.