Le mouvement ouvrier et la politique (1ère partie)
INDEPENDANCE SYNDICALE
La méfiance vis-à-vis de l’Etat peut s’expliquer aisément par la répression que celui-ci a très longtemps utilisée comme réponse aux revendications sociales.
Celle exprimée par rapport aux partis est beaucoup plus paradoxale car liée avant tout à une certaine concurrence entre les deux organisations pour conduire l’émancipation totale de la classe ouvrière.
Le fait de vouloir débarrasser l’action syndicale de tout rapport partisan ne signifie pas pour autant que les syndicats se soient totalement désintéressés de la question politique.
Bien au contraire, à partir de sa reconnaissance légale en 1884, le syndicalisme français s’est emparé des théories socialistes naissantes pour construire son propre projet de société tout en menant ses combats pour faire avancer concrètement les revendications ouvrières. Pour expliquer ce phénomène si particulier à la France, il est nécessaire de retracer l’histoire du mouvement ouvrier au 19ème siècle au cours duquel ses luttes pour instaurer une république sociale et sa profonde attirance pour les thèses socialistes vont être déterminants.
POLITIQUE ET MOUVEMENT OUVRIER
Il faut en fait remonter à la Révolution française pour identifier les premiers liens entre la politique et un mouvement ouvrier encore très minoritaire dans une France rurale.
L’objectif des révolutionnaires est de provoquer la chute de la monarchie absolue et d’instaurer les libertés fondamentales. Le succès de l’entreprise aura d’ailleurs par la suite une importante influence sur le mouvement ouvrier en faisant naître un mythe révolutionnaire mêlé à un fort sentiment patriote. Des divergences apparaissent au sein de l’alliance formée de la bourgeoisie libérale et des classes populaires (petits commerçants, compagnons, artisans, ouvriers).
C’est tout d’abord la question institutionnelle qui fait débat entre monarchie constitutionnelle d’un côté et république de l’autre. Mais c’est surtout sur la question sociale que va porter la ligne de clivage la plus importante car c’est là que les besoins du peuple se font le plus sentir.
Etant dans l’incapacité d’y répondre réellement, le pouvoir en place doit faire face à une recrudescence de mouvements sociaux. Les élus de l’assemblée constituante, à très grande majorité des bourgeois libéraux, votent la loi Le Chapelier qui bannit les associations ouvrières, le droit de grève interdisant ainsi les ouvriers de s’organiser collectivement.
Réaffirmant le rôle centralisateur de l’Etat, cette législation constitue une première victoire d’une république modérée et libérale sur le mouvement ouvrier. L’élimination en 1794 des leaders extrémistes comme Jacques-Henri Hébert et Jacques Roux, surnommé le « curé rouge », renforce l’emprise du camp des conservateurs. L’exécution de Gracchus Baboeuf en 1797, véritable précurseur du communisme, semble sonner le glas d’une république sociale et égalitaire.