L’enjeu culturel des politiques sociales des Départements

Depuis la mise en place du RMI en 1989, mais aussi autour des politiques du handicap, de nombreux liens ont été créés entre les deux champs. La principale modalité légale s’est cristallisée autour de l’accès à la culture des populations stigmatisées (loi RMI en 1988, loi sur l’exclusion de juillet 1998, loi sur le handicap de février 2005). Les services d’inspection des affaires sociales, de l’administration, de l’Education nationale et de la recherche ont cependant longtemps déploré le fait que ces domaines de la loi soient restés des angles morts de l’action publique (rapports d’évaluation 2000-2007).

Un regard comparatif sur les politiques sociales départementales confirme que la culture, si elle est souvent citée comme un vecteur d’insertion, y fait l’objet d’un investissement qui reste faible en apparence. De nombreux programmes départementaux d’insertion (PDI) n’en font ainsi aucune mention. Lorsque c’est le cas, la modalité d’action la plus citée repose sur l’accès à la culture, au même titre que les loisirs et le sport, souvent sans précision supplémentaire. Les programmes les plus avancés sur ce plan évoquent cependant les pratiques artistiques amateurs, notamment en groupe, comme un vecteur de socialisation, de rupture de l’isolement, de reprise de confiance en soi etc. Enfin, de rares PDI évoquent la situation spécifique des artistes allocataires du RSA et les dispositifs qu’il s’agit de mettre en place à leur intention.

Ces modalités d’action dessinent cependant 3 grands axes : accès à l’offre culturelle, resocialisation par les pratiques amateurs et soutien aux artistes en difficultés. Sans être toujours formellement consacrés, ils constituent aujourd’hui de fait un répertoire d’action qui a fait ses preuves et se développe.

Favoriser l’accès à la culture : une obligation légale désormais bien admise

C’est l’axe le plus couramment cité dans les politiques sociales : il vise à favoriser la participation à la vie sociale des publics en difficulté, dans la mesure où il est accompagné d’un important travail de médiation en amont et en aval des sorties culturelles.

Il suppose ainsi la mise en place de dispositifs ad hoc de sensibilisation, d’information, de médiation et des politiques tarifaires bien ciblées. La gratuité n’est pas toujours une évidence ici, dans la mesure où l’expérience (notamment dans les musées) montre que celle-ci s’accompagne bien souvent d’un effet de dévalorisation de l’offre, tant pour les publics que pour les professionnels de la culture. Des tarifs (très) réduits apparaissent ainsi souvent plus adaptés, à la condition d’être accompagné d’un important travail de médiation.

Le soutien à des associations spécialisées dans la distribution de places gratuites ou à prix réduits est une déclinaison courante de ces politiques, mais d’autres dispositifs innovants sont expérimentés. Le Conseil général de la Mayenne propose ainsi un Chèque découverte (avec accompagnement personnalisé) pour l’accès à la culture et aux loisirs. Le dispositif était financé en 2007 à hauteur de 13 000 euros, sur une enveloppe de 23 500 euros consacrés à l’accès à la Culture, aux sports et aux loisirs et 336 000 euros au total pour le développement des stratégies de prévention. La mesure reste donc assez confidentielle mais mérite d’être mentionnée. Le Finistère propose pour sa part un « passeport loisirs » à prix réduit pour les jeunes en insertion. Le Département de Seine-Maritime renvoie quant à lui à la mobilisation des dispositifs existants et à la popularisation du Pass’Culture départemental.

La mise en réseau des médiateurs et des travailleurs sociaux, notamment par des formations communes, et la mise en synergie des acteurs est souvent préconisée, comme dans le Département de l’Yonne. Pour sa part, le Conseil général de la Gironde a chargé un opérateur, l’Institut départemental de développement artistique et culturel, de construire des « parcours de découverte culturelle » avec les travailleurs sociaux et les responsables d’équipement. La culture peut d’ailleurs fonctionner ici comme un outil de remobilisation des équipes dans le secteur social, en élargissant l’horizon de l’action traditionnelle et en y introduisant une dimension « plaisir ».

Certains départements, comme celui du Nord, ont privilégié la lecture publique comme ressource, via notamment le réseau des médiathèques, ce qui permet de faire des ponts avec les dispositifs de lutte contre l’illettrisme ? « accès aux savoirs de base » dans la nouvelle nomenclature européenne. En matière de lecture, l’action vise bien souvent à rompre avec la mémoire de l’échec scolaire qui marque les parcours et à amener les bénéficiaires, notamment les jeunes, à développer un nouveau rapport, moins institutionnel, à l’offre de lecture publique.

De façon générale, l’accès et l’accessibilité à l’offre culturelle deviennent un souci de mise en ?uvre de toute politique publique. Le Conseil général de l’Essonne préconise par exemple l’insertion de clauses de solidarité dans les conventions conclues avec les partenaires dans les domaines du sport, de la culture et des loisirs.

Les chroniques culturelles de Nicolas Defaud sont issues de Terrains de culture, le blog des élèves administrateurs territoriaux.