Les limites de la Responsabilité Sociale des Entreprises
Christophe Rieuze, syndicaliste dans le secteur bancaire
Green washing ?
La prise en compte accrue des questions de développement durable incite les entreprises à s’intéresser à la RSE pour ne pas voir leur image entachée et perdre des parts de marché du fait d’un éventuel boycott. Le fait de respecter une démarche RSE peut même permettre d’attirer de nouveaux clients à la recherche de produite plus respectueux de l’environnement.
Malgré cette prise de conscience, les progrès sont néanmoins lents et concernent plutôt les grandes entreprises. Le danger est que la RSE ne soit considérée que comme une opération de relations publiques et non pas comme un véritable outil pouvant réorienter l’activité vers plus d’éthique. Comme la plupart des grandes entreprises, Renault se targue de mener ses activités dans le cadre d’une réelle politique de développement durable. Cela ne l’empêche pas néanmoins de créer un nouveau modèle de 4X4 en dépit du bon sens étant donné les problèmes de réchauffement climatique et du prix très élevé du baril de pétrole. Cet exemple démontre qu’en dehors de toute contrainte, la RSE a du mal à s’imposer lorsqu’il s’agit du c?ur de l’activité.
Résolution de congrès, participation à des groupes de travail, création du Comité Intersyndical de l’Epargne Salariale? les syndicats se sont peu à peu approprié la question de la RSE. Ils ont intégré logiquement, en plus des thématiques sociales, les questions environnementales, d’où la volonté de faire de la RSE un nouveau levier pour l’action syndicale. Par conséquent, le dialogue social peut être un vecteur important pour développer la RSE à condition que toutes les parties en présence aient la volonté d’aboutir. Dans certains grands groupes, les partenaires sociaux se sont mis autour d’une table pour négocier un accord-cadre sur la RSE à l’échelon mondial. Ces démarches s’accompagnent de partenariats avec les ONG à l’échelon national ou des fédérations professionnelles. Cette possibilité d’union peut fédérer et découpler l’action de la société civile. Comme dans toute négociation, la portée et l’efficacité de ce type d’accord résident dans la volonté de chaque partie de s’impliquer pour le faire vivre une fois signé. C’est pourquoi il est très important que le thème de la RSE sorte du seul champ des grandes entreprises et s’étende aux TPE-PME pour des changements radicaux. C’est là que l’on touche les véritables difficultés, à savoir le manque d’implantation des organisations syndicales et le l’absence de volonté de la part des petits employeurs.
La nécessaire implication des partenaires sociaux
Le suivi complexe de ce type d’accord nécessite des outils de reporting adaptés qui permettent de mieux appréhender la politique de l’entreprise en matière de RSE. La loi de 2001 sur les Nouvelles Régulations Economiques (NRE) invite les entreprises cotées en bourse à intégrer annuellement des informations sur les impacts sociaux et environnementaux de leurs activités. Même si cette démarche va dans le bon sens, elle reste insuffisante car elle exclut les sociétés non cotées et n’est pas absolument contraignante. Grâce à une législation plus volontariste, les comités d’entreprise ou les Comités d’Hygiène de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT) peuvent aider à la mise en place d’une véritable démarche de RSE d’autant plus efficace si on y associe les salariés. C’est ainsi que l’on pourrait imaginer la mise en place systématique d’un bilan carbone qui serait remis chaque année au comité d’entreprise pour qu’il donne son avis.
A l’instar du bilan social ou du rapport sur l’emploi, ce document indiquerait les impacts environnementaux issus de l’activité de l’entreprise sur les 3 dernières années. Il permettrait de mieux identifier les forces et les faiblesses de l’entreprise sur les questions environnementales et aiderait les représentants du personnel qui entreprendraient un travail de leur côté. Les élus du CE ou du CHSCT pourraient aussi faire appel à des experts en RSE comme pour un dossier juridique avec un avocat, pour un dossier économique avec un expert-comptable ou pour un dossier de conditions de travail avec un ergonome.
Former les militant-e-s syndicaux
Ceci étant dit, il reste beaucoup de progrès à faire. Déjà chargées de nombreux dossiers (emploi, salaires, conditions de travail, lutte contre les discriminations, etc.), de nombreuses équipes syndicales d’entreprise ont énormément de difficultés à se consacrer à la RSE et n’en font pas leur priorité. Il faut donc commencer par sensibiliser ces militants syndicaux de terrain à travers notamment des formations spécifiques dans lesquelles pourraient intervenir des membres d’ONG spécialisés dans les questions environnementales.
Tous les acteurs socio-économiques, pouvoirs publics, administrations, collectivités locales, entreprises, artisans, syndicats, associations ou simples citoyens, doivent investir à grande échelle la question de l’urgence écologique. Il est indispensable d’enclencher dès maintenant un mouvement destiné à modifier non seulement nos comportements mais aussi notre système de production dont il faut réduire l’empreinte écologique.
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