LES RAVAGES DU STORYTELLING
Depuis cinq ans on a vu une équipe présidentielle enfermée dans une bulle avec ses communicants, passant son temps à se raconter une histoire sur la geste sakozienne, de plus en plus déconnectée de la réalité. Il suffit de regarder la presse étrangère pour voir quelle crédibilité on peut accorder à des scénarios comme : Sarkozy rétablissant la paix en Georgie, Sarkozy sauvant l’euro, Sarkozy jugulant la crise etc. Le malheur est qu’à force de raconter ces histoires, l’équipe a fini par les croire.
Manipuler les médias est un jeu dangereux.
En fin de campagne toute la Sarkozie s’est déchaînée contre le monde journalistique supposé lui être hostile, oubliant au passage le début de l’histoire. Celle d’un candidat qui avait fortement courtisé les médias jusqu’à 2007, jouant le copinage à fond. Celle de médias qui à cette époque jouaient le jeu, fascinés par la capacité du Ministre de l’Intérieur à produire quotidiennement de la matière étincelante, la fameuse théorie du : une carte postale par jour. Mais il est devenu président. Et les journalistes ont repris leur distance critique. Et le président ne l’a pas supporté. Aucun autre que lui n’aura intenté autant de procès à la presse, effectué autant de pressions sur les rédactions. Cette hostilité, c’est lui qui l’a déclenchée.
Rien compris aux réseaux sociaux
En 2007, les réseaux sociaux politiques n’étaient déjà pas au point. Quelques initiatives intéressantes du côté de la Ségosphère, on essayait quand même de dialoguer, il fallait contourner l’appareil du PS. Mais en 2012 retour en arrière. Les Tweeter, Faceboofk, SMS ne servent plus que de chambre d’écho à la propagande officielle, du push, du décervelage traditionnel. Elle est où l’interactivité ?
Le grand retour de la propagande
Une grande partie de la campagne s’est faite par la course aux meetings, 100 000? 200 000? Et tout le monde a voulu y voir un nouvel élan. Enfin on contourne les médias, enfin de la communication directe ! On n’avait jamais vu ça ? Oh que si on l’a déjà vu. Dans les années 30. C’est le moment de relire «?Le viol des foules par la propagande politique?», écrit par Tchakhotine en 1938. Il explique comment un tribun peut canaliser sur lui l’énergie d’une foule et lui faire faire n’importe quoi. Travaux pratiques : Hitler. Est-ce vraiment une bonne nouvelle, le retour de cette forme de communication qui vise à l?’abolition de tout sens critique ?
Echec cuisant du côté des écolos
Ce n’est pas tant le score d’Eva Joly qui est en cause. Il n’est pas pire que celui de ses précécesseur-e-s. C’est l’incapacité à imposer des thèmes liés à l’écologie. La comparaison avec 2007 est terrible. Nicolas Hulot avait créé l’évènement autour de son pacte, justement parce qu’il n’était pas candidat. Cette année, l’écologie a disparu des écrans radars. Il y aura bien quelques députés, quelques ministres, mais pour faire quoi? EELV aurait sans doute des questions à se poser sur sa manière d’envisager la communication politique, c’est à dire sur sa politique de communication (ou son absence)
Il est grand temps pour les écolos et pour les politiques en général de reconstruire la communication politique de la re-concevoir sur de nouvelles bases. Et d’abord se poser la question de ses finalités. Est-ce qu’on cherche seulement à «?vendre le produit?» ? A convaincre, à faire adhérer? Mais qui croit encore aux promesses? La surenchère du toujours + d’illusions conduit à celle du toujours plus de désillusion. A quoi doit servir la communication politique? A mon avis, à faire vivre la politique dans le monde des idées et dans le monde de l’action.
Dans le monde des idées les corpus sont à peu près cohérents, mais les écolos échouent à les partager. Les socialistes ont-ils évolué sur le nucléaire? Dommage Mélenchon l’a fait. Dommage ce n’est pas lui qui a gagné. Et sur les OGM? Et sur la politique de transports?
Dans le monde de l’action de multiples initiatives sont prises partout dans le monde, depuis le maçon jusqu’à l’épicier en passant par le maire de village ou le président de conseil général, même de droite. On ne peut pas dire que les écolos politiques y soient vraiment pour quelque chose, qu’ils soient là ou non les choses se font quand même plus ou moins. Et se feront. Ils ne sont pas l’élément moteur.
Il y a urgence, parce que les écolos vont faire partie d’une majorité nationale et parce qu’ils ont des ministères à gérer.
Générique de la série Mad Men (Opening Credits) par HollywoodInside
DEUX AXES DE LA COMMUNICATION POLITIQUE
-# Produire une parole officielle, labellisée qui rende compte de l’action et des propositions politiques. En « push », mais surtout en « pull », la mettre à disposition, la partager.
-# Faire vivre et animer les réseaux On Line et IRL , dans un esprit d’interaction, c’est à dire en ne cherchant pas à tout contrôler mais écouter, rendre service, à prendre en compte le point de vue de l’autre autant qu’à défendre le sien. Ce sont les nouvelles règles du jeu de la communication et il serait grand temps que la politique s’en préoccupe.
En plus de la réflexion sur les finalités, cela suppose de définir une stratégie mais surtout de commencer par tracer une architecture, celles des écosystèmes sociaux avec lesquels on communique : les médias, les militants, les partenaires… Bref d’écologiser la communication politique.