Investissement des entreprises : un crédit d’impôt pas si bête
Dès août dernier, Eurostat publiait en effet les comptes des entreprises de la zone euro, et fournissait des données très intéressantes sur les profits et les investissements en Europe, et inquiétantes pour la France.
En niveau, d’abord, la France se caractérise par des profits plus faibles, et des investissements également plus faibles en moyenne depuis 10 ans. Ces niveaux doivent cependant être considérés avec prudence, car ils comparent des choses différentes (notamment l’entreprise moyenne en France ou au Royaume-Uni n’est pas la même en termes de secteur ou de taille).
Il est donc plus intéressant d’analyser les évolutions. Ces dernières montrent que les entreprises françaises se caractérisent par une bonne tenue des investissements par rapport à la moyenne. C’est a priori une bonne chose.
Cette évolution est-elle liée à celle des profits ? Pour le moment, non : depuis 10 ans, la France est le seul pays dans lequel les entreprises ont augmenté leurs investissements malgré la baisse des profits.
UN COUT DIFFERE A 2014
Est-ce durable ? Evidemment non : continuer à investir malgré des profits qui baissent reviendrait à « courir sur l’air », à la façon du coyote de Tex Avery : à un moment, la gravité reprendrait ses droits et une chute serait inévitable. Pour soutenir une telle croissance des investissements, il faut que les entreprises disposent des marges qui permettent de les soutenir.
Autrement dit, sauf mesures permettant aux entreprises de ne pas trop dégrader leur taux de marge on pouvait s’attendre à un effondrement des investissements des entreprises, négatif pour la croissance à court terme et pour la productivité et la compétitivité à moyen terme.
Comment traiter ce risque alors que le budget 2013 est serré à l’extrême ? Il fallait pour cela une mesure qui donne de l’air aux entreprises dès 2013, mais dont le coût sur les finances publiques ne se fasse sentir qu’en 2014 – et c’est exactement ce que permettra la mesure de crédit d’impôt…
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CREDIT D’IMPÔT : MODE D’EMPLOI
A partir de 2013, un «crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi» (CICE), d’un montant global de vingt milliards d’euros, sera accordé à toutes les entreprises à proportion de leur masse salariale, sur les salaires compris entre 1 et 2,5 fois le Smic. Le remboursement d’une partie de l’impôt sur les sociétés (ou le versement net pour les entreprises qui n’y sont pas assujetties) intervient en effet une année après paiement de l’impôt.
Selon Thomas Piketty, (Libération du 6 novembre) : «si l’on veut vraiment agir sur la compétitivité, on a besoin d’y voir clair pendant quelques années. Or, je suspecte que ce choix d’un crédit d’impôt s’explique par la facilité à jouer de cet outil. Il sera tentant à l’avenir de le moduler, par exemple au profit des entreprises qui ont le plus augmenté la masse salariale d’une année sur l’autre. Mais à l’inverse, si un entreprise diminue ses effectif, vous n’allez pas augmenter ses impôts. C’est la voie ouverte à une usine à gaz fiscale.»