Le récent rapport public du Conseil d’Etat ([CE, 2010)] est un document de référence qui restitue l’intelligence du droit sur le long terme c’est-à-dire dans la perspective de la gestion à long terme de la ressource.
Le modèle français des années 60 est confronté à un éclatement du droit et la convergence d’une nouvelle donne écologique, sociale, financière de nature à le repenser.
Complexité du droit français
Il met en évidence l’imbrication des différents niveaux de gouvernance (local, national, communautaire?), l’extrême complexité du droit qui en résulte et la remise en cause du « modèle français » issu des années 60([ Le rapport mesure ainsi l’écart entre un modèle « de gestion intégrée par bassin versant », parfait sur le papier et son faible degré d’application dans la pratique.)].
Si la France a abouti à un raccordement général des populations et à une généralisation de l’assainissement dés le 19e siècle, le rapport rappelle qu’il s’agit encore d’un objectif international. A l’inverse, la balkanisation du droit et les ruptures récentes risque de rendre plus difficile aux opérateurs nationaux l’atteinte des objectifs des Directives Européennes (DCE) à l’horizon 2015.
Le faux problème du prix
Si les causes de l’évolution du prix de l’eau sont globalement bien identifiées, (dégradation de la qualité de la ressource, effet du relèvement des normes communautaires, augmentation du taux d’assainissement, adjonction sur la facture d’eau potable de prélèvements qui ne concernent pas la distribution d’eau potable?) il est aujourd’hui avéré que la Loi Sapin et la concurrence qu’elle a introduite a eu des effets positifs sur leur modération.
Par contre, la question de la tarification sociale, de l’aide préventive en amont des coupures ou de la prise en charge de l’accès de l’eau (en partenariat avec les associations) des personnes SDF n’a pas de débouchés satisfaisant et le Conseil d’Etat formule à ce niveau des préconisations intéressantes saluées par Emaûs ([La Fondation préconise un plafonnement de la facture d’eau par rapport au revenu.)].
Le vrai problème de la réversibilité des contrats occulté par le débat public versus privé
Dans son analyse extrêmement fouillée, le Conseil d’Etat (CE) bouscule les idées reçues sur une gestion publique plus vertueuse et pointe à ce niveau le rapprochement des prix et les mauvaises performances y compris en termes de transparence et d’évaluation des petites régies.
Le problème occulté par ce « débat » relève des conditions de réversibilité des contrats qu’il convient de faciliter afin de mieux suivre la gestion au niveau des territoires. Plus que d’idéologie, la question des modes de gestion de l’eau a besoin d’évaluation du service public qui fait parfois défaut dans les modes publics ou délégués (privés).
Or, et c’est encore trop fréquent dans les modes publics de gestion, les élus focalisent trop souvent sur « le petit cycle de l’eau » et délaissent les questions de la gestion de la ressource à long terme, sous-investissent dans l’assainissement ou le renouvellement de leurs réseaux. Le secteur privé provisionne plus souvent ces risques mais joue de l’opacité dans le calcul de ces charges dont sont issus des bénéfices indus. A ce stade, on oublie trop souvent que même délégué, le contrôle du service public relève des collectivités qui de fait préfèrent dans un certain nombre de cas remunicipaliser en anticipant peut être sur une hypothétique amélioration.
Au final, le secteur souffre davantage d’une trop grande concentration, certes. Mais cela n’est pas en opposant le « tout public » que la gestion intègrera mieux les préoccupations citoyennes : l’exemple d’Electricité de France (EDF) révèle comment on s’est éloigné des exigences issues de la libération. L’émergence d’une vraie concurrence, privée mais aussi publique voire coopérative, est une piste pour nous sortir du modèle parfois corrupteur si souvent décrié.
La question du « grand cycle de l’eau »
Le « grand cycle de l’eau » étendu y compris aux problématiques du réchauffement climatique ou du financement des plans d’inondation et de lutte contre les pollutions, n’est pas en l’état organisé. On irrigue, on puise pour produire de l’énergie, on pollue avec des engrais sans que le coût ne soit facturé et donc, que la ressource soit gérée de manière durable.
La mise en ?uvre des nouvelles normes d’épuration et de qualité ; l’amélioration de l’hydromorphologie des cours d’eau ; la concentration de la population en zone littorale et l’interface entre eaux douce et marine du fait des rejets urbains en zone littorale sont autant d’enjeux dont le Comité national de l’eau doit se saisir. Modélisation de la ressource et projections financières à l’appui.
A l’Etat de définir les conditions et le financement quand le local, lui, se focalise sur l’équilibre à court terme de l’exploitation.