Planter des choux à Brooklyn

FAUT IL EN SOURIRE ?

Formant la partie Est de New York, Brooklyn et ses 2, 5 millions d’habitants est une ville en soit. Si les quartiers face à Manhattan sont de riches pavillons résidentiels, la zone à l’extrême Est de Brooklyn héberge une population défavorisée, majoritairement afro-américaine. Au bout de la ligne de métro, passée une heure et demie au départ de Manhattan, c’est dans un autre monde que vous plongez. Ici, point d’Office de tourisme, les images que l’on nous donne de ce quartier sont peu flatteuses et nous viennent généralement des journaux télévisés, où violence et pauvreté alimentent reportages aux audiences assurée.

La naissance d’un projet communautaire
Quinze ans plus tôt, institutions et organisations locales lancèrent une série de consultations populaires. Les résidents furent appelés à déterminer les besoins prioritaires du quartier, tout en y recensant les ressources à disposition.

Parmi les priorités, les habitants mentionnèrent un accès à des commerces de proximité notamment tournés vers la vente au détail de produits frais, des espaces publics sécurisés ainsi que des espaces verts, et enfin des opportunités professionnelles pour les jeunes. Parallèlement furent recensés comme ressources du quartier la vitalité de la jeunesse (plus d’un tiers des résidents) et les nombreux terrains vagues et espaces en friche dont disposait le quartier, plus que n’importe quel autre à New York. Trois ans plus tard, naissait East New York Farms (ENYF).

East New York Farms – Les Cré’Alters from Les Cré’Alters on Vimeo.

Cette organisation gérée par des habitants et des professionnels agricoles se donne pour mission de cultiver ces espaces en friches tout en donnant l’occasion à des jeunes de se forger une première expérience agricole et professionnelle. Tous les ans, durant 9 mois, un groupe de 20 jeunes âgés de 13 à 15 ans reçoit, hors du temps scolaire, une formation incluant toutes les tâches relatives à la culture d’un jardin biologique. Pour beaucoup, c’est leur premier « job », ces derniers touchant une petite indemnisation pour leurs travaux et ramenant chez eux ce qu’ils produisent.

Après s’être difficilement repérés dans le dallage des rues du quartier, nous poussons le portail d’un vaste terrain partiellement cultivé. Nous y sommes, dans l’un des deux principaux jardins cultivés de l’organisation. Cette après-midi là, une douzaine de jeunes ainsi que quelques accompagnateurs s’affairent à la tâche, retournant la terre, ou vissant, clouant de futurs bacs à compost. Vêtu d’un jogging noir, capuche relevée sur la tête, Kwadwo, 14 ans s’acharne sur de la mauvaise herbe au moyen de coups de bêche bien placés. Pourquoi travailles-tu ici ? Sourire au lèvre, il nous répond presque gêné « pour aider l’environnement », il poursuit plus assuré « pour permettre au gens de mieux manger et être en meilleure santé», et puis rajoute-il « ma famille est fière de moi ». Quant à Ashley, 15 ans, celle-ci y voit surtout le coté « fun » de la pratique et la possibilité « d’apprendre plein de trucs ».

Un concept arriéré ?
L’idée peut paraître obsolète et éloignée des priorités des jeunes. Elle présente pourtant de nombreux mérites. Tout d’abord, ENYF répond à des préoccupations alimentaire et sanitaire. L’organisme permet à la population d’avoir accès à un large choix de fruits et légumes biologiques à des prix très abordables, sensibilise la jeunesse et par ce biais les familles à une meilleure alimentation, riche en produits frais. Ainsi ENYF lutte contre l’un des problèmes majeurs de ce quartier, à savoir, la malnutrition, phénomène sans cesse grandissant et responsable de nombreuses maladies. David, coordinateur du programme, nous explique :

« la partie Est de Brooklyn possède l’un des plus hauts taux d’obésité et de diabète de la ville de New York. Aussi, ce que nous voulons c’est offrir une alternative. »

Cette initiative est également un bienfait pour l’économie locale. En une dizaine d’année, ENYF est devenu un véritable système bien huilé et incorporé dans un réseau de marchés locaux et de fermes régionales. Elle représente une réelle opportunité en termes de création d’emplois et de dynamisme des échanges locaux. Ainsi, au cours des dernières années de nouveaux entrepreneurs locaux ont vu le jour : gérants de marchés, distributeurs, jardiniers et agriculteurs.

Du point de vue environnemental, cette initiative valorise la production et la consommation de produits biologiques. De plus, par son système de production locale, ENYF limite le transport des denrées et donc l’impact carbone lié à cette consommation.

D’autre part, un aspect dont on ne perçoit pas au premier abord toute son importance mais qui est fondamental : l’impact social d’une telle initiative. ENYF remobilise une partie de la jeunesse sur un même espace et autour d’un projet commun. L’organisme offre la possibilité de se rencontrer et de travailler ensemble, développant ainsi des valeurs d’entraide et de respect, faisant office de soupape sociale dans un quartier aux relations parfois explosives. De plus, la nourriture est aussi utilisée ici comme un moyen d’aborder des questions de justice sociale.

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IMPLIQUER DANS LA VIE DE QUARTIER

David précise : « à la fin du programme quelques jeunes ont choisi de s’orienter vers du militantisme vert ou des métiers agricoles, mais cela n’est pas l’objectif premier du programme». En définitif, comme le souligne David

« il s’agit davantage d’impliquer les habitants dans la vie du quartier que de créer une génération de fermiers »

ENYF donne en effet d’abord l’occasion aux jeunes de ce quartier d’être responsabilisés, de se forger leurs premières armes de travailleurs actifs, mais aussi de citoyens. Impliquant familles et entrepreneurs locaux, ENYF offre une belle occasion, celle de réconcilier alimentation, lien social, santé, agriculture et opportunités professionnelles.

« Je pense que la question de l’alimentation va au-delà du besoin vital de se nourrir, finalement elle peut être utilisée comme un moyen d’organiser et de construire une communauté, une façon d’impulser un changement social.»

En refermant le portail du jardin de l’East New York Farms, on se dit que le chou de Brooklyn semble finalement promis à un bel avenir.

SimCity 5 : prévoir l’avenir des territoires ?

Cercle les echosSimcity est né en 1989 de l’imagination de Will Wright : lassé de créer des décors de villes pour d’autres jeux, il en fait le thème central de quatre versions successives au design soigné. Le joueur est appelé à créer des zones résidentielles, d’activités, pour les relier ensemble par des infrastructures de transports, d’énergies et de fluides tout en faisant face à leurs propres contraintes d’éducation, de santé, de pollution, de gestion des déchets, etc.

Le joueur est ainsi appelé à faire de vrais choix de politiques publiques pour développer sa cité, opérés sous contraintes budgétaires puisqu’un tableau de bord à ce niveau limite les capacités d’emprunt et reflète les conséquences des choix fiscaux. C’est là une originalité de ce simulateur : il place le joueur dans un horizon de contraintes qu’il convient d’optimiser. In fine, chaque « décideur » est amené à profiler son univers selon des orientations qui peuvent privilégier la cité « high-tech », « touristique » ou « industrielle », soumis aux coûts de ses investissements, contraint d’optimiser ses ressources pour y faire face durablement.

GOUVERNER, C’EST CHOISIR

Que la paupérisation et la faible activité s’installent et les problèmes de criminalité se répercutent sur l’attractivité résidentielle. Que le tout industriel polluant prévale et ce sont les Sim’s qui se font la malle pour s’installer dans d’autres villes mieux dotées sur le plan scolaire, la qualité des hôpitaux ou celle des espaces publics.

Si le jeu est inspiré largement de la ville américaine, consommatrice en infrastructures et en déplacements, le « joueur-gouverneur » peut opter en faveur de solutions « vertes » du point de vue énergétique ou du traitement des ordures ménagères. Il peut mettre en réseau des systèmes productifs entre eux, connecter des villes avec des exploitations agricoles, en récolter les fruits sous la forme de la création de marchés, bénéfiques pour la santé de ses habitants.

La version 5 à venir s’annonce plus interactive. Les joueurs mis en réseaux pourront s’affronter en privilégiant un objectif de croissance ou plutôt choisir un modèle coopératif entre eux pour lutter contre le chômage par exemple. Dans un environnement plus rudimentaire, l’ADEME avait développé une version plus « écolo » de cette plate-forme.

Ici, un aspect de la gestion de l’eau dans SimCity 5.

Ces initiatives ludiques connaissent un réel succès, répondant probablement en partie à une espérance déçue d’apprentis élus ou gestionnaires locaux. Ces derniers sont en effet en difficulté pour trouver des solutions du type « système d’information géographique » (SIG) modélisant les interactions complexes entre données. L’INSEE produit des données territoriales souvent anciennes et ne répondant pas toujours aux périmètres des politiques menées : celui des intercommunalités. Les recensements généraux ont été abandonnés, des problèmes juridiques existent sur l’accessibilité des données collectées.

Des modèles pourraient aider à la décision ou à la vision stratégique sur d’autres thématiques que financières ou des « niches » habituellement occupées. Par exemple, des logiciels d’analyse de la « carte de la délinquance », alimentés par les dépôts de plaintes recensés, sont développés localement avec des modules « prévisionnels ». On est cependant encore très loin de solutions globales, intégrant une large variété de données et permettant de mieux rationaliser certains choix d’aménagement par exemple ou d’orienter des dispositifs politiques.