L’écologie à l’heure des choix

Nous y sommes. A la veille du second tour, nous choisissons. Que l’inspiration progressiste et écologiste de notre think tank nous oriente en faveur du choix d’un président démocrate n’étonnera personne. Cela relèverait pourtant de la posture la plus rapide qui soit et, puisque deux cohérences s’affrontent le 7 mai, il nous faut entrer dans le détail.

Marine Le Pen a opté pour un rapprochement avec le souverainiste Dupont Aignan. Elle y concède quelques atermoiements sur l’autel de la tactique électorale. Pour récupérer le vote des retraités réticents à la perspective de la sortie de l’Euro, elle a armé son discours d’un appât essentiel. Ce faisant, même si le retour au Franc (et donc faire le choix de la dévaluation) n’est plus « prioritaire » dans la dernière mouture de l’accord électoral FN-DLA, il s’inscrit dans une trajectoire référendaire qui le prépare.

Quel projet politique global sous tend cette ambition ?

Celui d’un pays qui privilégie sa compétitivité et sa croissance à coups de dépréciation monétaire plutôt que de convergences sur la qualité. Celui d’une Nation qui sacrifie au modèle concurrentiel sur les coûts l’ambition communautaire. Le projet Le Pen porte ainsi la voie du desserrement de la contrainte des prix (dans le domaine agricole notamment) au détriment des normes européennes. Elles continueront à s’appliquer mais contre notre agriculture désormais. En guise de « taille humaine » évoquée dans son programme, elle porte sur les fonds baptismaux un modèle coupé des aides et d’une partie des débouchés européens, soumis demain aux barrières douanières. Celui d’une France désarmée sur le front des négociations où se jouent le sort des OGM, des labels ou de la souffrance animale.

« Une France désarmée sur le front des négociations où se jouent le sort des OGM, des labels ou de la souffrance animale »

Dans cette perspective, on ne demandera pas plus à Londres ou Paris ce qu’il pensera de l’introduction des intrants dans notre alimentation, cela se jouera en fonction du rapport de force entre les firmes et chaque Etat. Dés lors, quelle sera la voix de la France, isolée ? Sur l’énergie, celle qui décline le vote européen de Marine Le Pen contre la ratification des accords de Paris à l’occasion de laquelle elle a pu déclarer n’être « pas sûre que l’activité humaine soit l’origine principale » du changement climatique ? Ou, peut-être, celle du retour à notre organisation ancienne centralisée, délestée, comme elle le propose, de ses intercommunalités et de ses régions ? Ce sont ces collectivités, les fers de lance des politiques de transports publics, de l’aménagement du territoire et en matière de préservation de l’eau, de la qualité de l’air, ou du recyclage des déchets. Qui reprendra le terrain que le vide laissera, si ce n’est les grandes administrations centrales, maîtres d’ouvrage des besoins, moins promptes à l’écoute des usagers. Comme au bon vieux temps de Pompidou…

Les enjeux liés à l’environnement sont sujets aux rapports de force et aux arbitrages entre producteurs et consommateurs. En soumettant l’Etat de droit à un nouveau cadre d’incertitudes, le leader de l’extrême droite expose les Français, par delà la volonté de l’Etat, à un horizon d’instabilités.

Emmanuel Macron s’inscrit dans la voie difficile du changement sans le rêve. D’une croissance modérée et d’une dépense publique contestée dans son efficacité. Celui d’un approfondissement de la construction européenne, en créant par exemple un marché unique de l’énergie européen. Pas de politique de la chaise vide. il ira là où se discutent les objectifs climatiques mais également sanitaires, dans le domaine des pesticides notamment.

Service public à la française

On notera que les priorités du candidat s’appuient sur une certaine conception du service public à la française. Celle selon laquelle l’équilibre économique ne tient pas lieu d’unique boussole. En stimulant la commande publique dans le domaine des énergies renouvelables par exemple, il veut en simplifier les procédures et en raccourcir les délais. Ou celui de la restauration scolaire : le candidat porte l’objectif de 50 % de bio qu’il inscrit au début de son mandat dans le cadre d’Etats généraux de l’alimentation.

« Restauration scolaire : le candidat porte l’objectif de 50 % de bio qu’il inscrit au début de son mandat dans le cadre d’Etats généraux de l’alimentation »

Il stabilise les cadres des filières industrielles françaises, fortes dans le domaine du transport public ou de la recherche (le tramway français, le moteur à hydrogène…), sensibles aux normes, à la parité des monnaies et à l’échelle des investissements. Son projet écologique conjugue également des objectifs nationaux. 0 % d’artificialisation nette des sols, promotion des circuits courts et un plan de 5 milliards d’euros sur la transition en déclinaison agricole des 50 milliards d’investissements publics qu’il porte sur la mandature. Il reprend à son compte les objectifs de la Loi sur la Transition Energétique en actant la baisse de la production nucléaire dont il conditionne l’évolution à la montée en puissance du renouvelable (+ 50 % sur la mandature). Son objectif chiffré sur les « passoires thermiques » et les moyens concrets qu’il propose (une nouvelle prime dès la réalisation des travaux, un audit énergétique gratuit, 4 milliards d’euros pour aider les propriétaires les moins aisés à faire les travaux) signent enfin une orientation sociale.

Au final, il serait superfétatoire d’en rester à une comparaison de catalogues des deux candidats restant en lice tant on sait que les enjeux liés à l’environnement sont sujets aux rapports de force et aux arbitrages entre producteurs et consommateurs. En soumettant l’Etat de droit à un nouveau cadre d’incertitudes, le leader de l’extrême droite expose les Français, par delà la volonté de l’Etat, à un horizon d’instabilités.
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Un dossier réalisé par Auriane Biron, Benjamin Bibas, Jean-Marc Pasquet et Julien Foucher.