La femme est l’avenir du sport

 

Sous les critiques

L’accès des femmes aux pratiques physiques et sportives est récent.

Il est lié à la conquête de nouveaux droits civils, politiques, et au dépassement des préjugés coriaces sur la féminité. Si les femmes représentent 52% de la population, elles ne représentent que 35% des licenciés des fédérations sportives

En 2004, un rapport du ministère de la Jeunesse,des Sports et de la Vie Associative a mis en évidence les difficultés auxquelles sont confrontées les femmes pour accéder aux pratiques sportives.

  • Il souligne que l’histoire du sport est fortement marquée par la tradition militaire;
  • il met en évidence que le sport est structurellement construit sur des organisations et des pratiques masculines alors que les causes des différences dans l’engagement féminin ou masculin des filles et des garçons dans les activités sportives sont souvent à rechercher dans des déterminants biologiques;
  • de nombreux sports se sont construits autour des concepts de défi et d’affrontement physique .

15 ans plus tard, le ministère des sports met en lumière des constats similaires : les femmes ont 2 fois moins accès que les hommes à la pratique sportive dans certains territoires.

 Jeunes filles à l’écart dés l’école primaire

Pourtant, le sport scolaire et associatif peut représenter un espace de liberté pour les filles et les femmes, pour les garçons et les hommes à tous les âges, une voie de réussite et d’émancipation et un moyen de résistance aux contraintes sociales et culturelles .

Le sport peut permettre aux filles et aux garçons d’accepter l’idée d’être égaux dans le respect des différences des corps

A ce titre, il joue un rôle important dans la prévention des violences sexistes.

Le développement actuel de freins culturels d’ordre communautaire ou religieux dans les « quartiers sensibles » doit interroger sur l’exclusion des filles du monde du sport dans certaines parties du territoire.

Des recommandations du rapport femmes et sports doivent être soulignées, d’autres méritent d’être prolongées. Une remise à plat des dogmes qui alimentent les politiques locales s’impose également.

La pratique sportive doit se faire le plus longtemps et le plus souvent possible dans la mixité. L’entrainement du soir, le cours d’éducation physique, sont des éléments qui permettent une pratique mixte dès le plus jeune age. On peut considérer que le sport associatif est le vecteur privilégié de pratique pendant l’enfance et l’adolescence. C’est un investissement d’un bon retour tout au long de la vie.

Des pistes pour la pratique des femmes adultes

Actuellement l’offre sportive du secteur associatif est étroitement liée à la présence des installations existantes : stades d’athlétisme, terrains herbeux, gymnases… Ces installations sont très coûteuses à la construction et à l’entretien, peu économes en fluides notamment (électricité…) et sous utilisées. Les femmes en profitent globalement peu car elles ne sont pas adaptées à leurs besoins et à leurs rythmes de vie.

Qui a donc décidé de ces orientations ?

Qui conseille les élus ?

Un constat s’impose: il y a sous représentation des femmes dans les instances de prise de décision.

L’orientation est clairement celle d’installations destinées à des pratiques compétitives (les présidents de clubs sont souvent des notables très écoutés et des relais d’opinion) alors que les femmes pratiquent la plupart du temps hors compétition.

L’activité physique des femmes adultes est motivée par des préoccupations de santé, de bien être, d’esthétique. Les principaux motifs qui limitent la pratique sont : « le manque de temps », le fait d’avoir d’autres activités qui entrent en concurrence, et « le manque d’envie ». D’autres freins à la pratique sont le prix des activités (30%) et les contraintes familiales.

Lorsqu’on les interroge les femmes voudraient pratiquer en priorité la gymnastique (12 %), la danse (8 %) et la natation (7 %). Ces disciplines se pratiquent pour la plupart individuellement et renvoient le plus souvent à des sports d »expression corporelle, l’esthétique et l’entretien du corps occupent une place importante.

Lorsqu’on y regarde de plus près, les modes d’engagement corporel des femmes traduisent la façon dont elles investissent le monde. Leurs attentes sont conformes aux représentations permises par notre société.

Lorsque les femmes pratiquent, elle le font souvent hors du secteur associatif, seules ou en famille et ne souhaitent pas faire de compétition. Ce sport que les fédérations tendent structurellement à favoriser…

 

Les femmes de plus de 60 ans

De multiples études démontrent l’impact de l’exercice physique dans le vieillissement corporel et le maintien des capacités cognitives.

L’activité physique retarde la dépendance et assure une plus grande longévité. Elle est donc très rentable pour les comptes de la nation. Mais elle doit intervenir bien avant l’arrivé en maison de retraite.

Il faut solliciter les femmes avant la fin de leur vie active et leur proposer un choix d’activités physiques . C’est dans cette période charnière que se joue le vieillissement à venir. Le coût de l’accès à des activités physique est négligeable par rapport à l’économie de dépenses de santé à terme. La mise en place d’un système de « chèque-sport » permettrait par exemple à chacune de découvrir des activités physiques dans le cadre d’associations. Le niveau d’activité physique des femmes est un révélateur du fonctionnement de notre société.

Elles pratiquent moins que les hommes, des activités autorisées par nos représentations du corps, et s’interrompent fréquemment pour des raisons financières ou familiales.

Elles permettent en outre d’améliorer bien-être et longévité : il s’agit d’un enjeu essentiel de santé publique.
Quelques pistes pour un contrat sportif, sanitaire et sociétal renouvelé.

Se réapproprier une partie de l’offre sportive

La gymnastique d’entretien, la danse, la natation lorsqu’elle est pratiquée sous forme d’aqua-gym sont des activités plébiscitées par les femmes. Mais « elles coutent cher » et ne sont pas accessibles à toutes.

L’Etat et les collectivités subventionnent actuellement les fédérations et les structures du sport de compétition. Ces subventions nous permettent d’entendre parfois la Marseillaise résonner lors des compétitions internationales et de montrer ainsi la force de notre communauté.

Cette politique repose également sur un double dogme :

  • celui qui induit que le « sport de masse » en favorisant le « sport d’élite ». Cette approche fondée sur les théories pyramidales les pousse à favoriser la production de champions;
  • les « sports de base » qu’il conviendrait de maîtriser au cours de sa scolarité en facilitant les chances d’accéder à d’autres pratiques : cette hypothèse n’a jamais pu être vérifiée.

Confrontées à leurs limites, les politiques sportives impulsées par les pouvoirs publics peuvent dépasser cette tendance régressive à la privatisation de l’espace sportif, peu satisfaisante en termes de résultats politiques (santé, pratiques, économie des ressources…). Etat, collectivités et associations doivent soutenir davantage l’offre destinée aux femmes en passant par les associations sous condition d’emploi d’animateurs diplômés.

L’offre sportive destinée aux femmes ne doit pas être uniquement une offre centrée sur les infrastructures

Le sport souffre d’un très grand paradoxe : une grande partie des besoins n’est pas satisfaite mais l’Etat continue de subventionner des facultés des sports productrices de chômeurs possédant un haut niveau de qualification.

Avec plus de 2 milliards d’euros par an, l’effort des collectivités dans le domaine sportif est en décalage avec les pratiques de la population. C’est encore plus vrai pour ce qui concerne les femmes.

Ne serait il pas possible de faire glisser des enveloppes destinées à la construction d’infrastructures couteuse vers l’emploi de personnels qualifiés?

En sport comme dans beaucoup de domaines, l’humain est le premier paramètre, celui qui agit sur les corps avec son savoir. Il ne faut pas imaginer un seul instant que la présence d’installations sportives a un effet magique sur la santé et les besoins sportifs de la population.

 

Propositions

  1. Développer la mixité dans l’encadrement sportif… La possibilité de former les jeunes filles des « quartiers » est une solution très intéressante pour faciliter le contact avec les jeunes. Il ne s’agit pas d’attribuer de façon systématique des encadrants filles à des groupes de filles mais d’assurer à certains moments des relais féminins pour faciliter l’accession aux pratiques. A cette fin, les jeunes filles motivées du club doivent être encouragées à passer les brevets fédéraux. Les municipalités doivent ainsi s’attacher à une mixité dans le recrutement de leurs animateurs municipaux
  2. Féminiser les cadres de direction. Selon l’étude réalisée en 2003, les femmes accèdent rarement aux responsabilités politiques : 5% des présidents de comités régionaux, départementaux et de fédérations, 13,7 % des membres de bureau, 3,5 % des présidents de fédérations, 3 % des directeurs techniques nationaux. La division sexuée mérite d’être soulignée: les hommes sont davantage présents aux plus hautes fonctions et les femmes aux postes d’adjointes ! Quant au secteur technique, il est exclusivement masculin : l’animation (11% de conseillères techniques et sportives) , l’entraînement (9 % d’entraîneurs nationaux, 15% de femmes parmi les détenteurs de Brevets d’Etat du deuxième degré). Si les femmes sont de bons adjoints, on peut raisonnablement imaginer qu’elles pourraient occuper de plus hautes fonctions. L’état et les collectivités devraient alors s’attacher à moduler une partie de ses subventions aux fédérations sur des critères de parité relative aux postes décisionnaires.
  3. Améliorer la formation des éducateurs. La politique de la valorisation des « grands frères » déployée dans certaines collectivités a montré ses limites : ceux-ci n’étaient pas toujours bien intentionnés avec les « petites soeurs ». Et ils sont encore plus rarement bien formés.Quelles alternatives ? Pour accroître la dimension qualitative du lien sportif, il serait pertinent d’intégrer des contenus mettant en évidence les enjeux de la mixité dans les formations initiales et continues des éducateurs sportifs.
  4. Développer le partenariat entre les professeurs d’éducation physique et le milieu associatif. Les professeurs d’éducation physique sont identifiés par les famille comme des membres à part entière de la communauté éducative. Ils représentent un cadre sécurisé. Leur savoir faire en matière d’intégration à fait l’objet de multiples études. Ils font pratiquer les filles autant que les garçons, quoi qu’on en dise même dans les ZEP, et peuvent le partager avec des membres d’association dans le cadre de partenariats…

 

 

 

 

 

Futur proche des villes moyennes

Faut-il quitter son territoire pour « réussir dans la grande ville » ? Les villes moyennes, juste équilibre entre la ville et le bourg, entre l’urbain et le naturel, seraient à l’heure climatique et du télétravail l’espace en devenir ? Réalisations d’aujourd’hui pour penser demain

Une note de Novo Ideo après la publication de sa contribution avec le mouvement Territoires De Progrès       dans La Tribune sur « Le temps de la ville moyenne ».

Si les villes moyennes ne sont pas celles que l’on pense à évoquer en premier lieu lorsque l’on parle d’urbanisation, elles représentent tout de même près du quart de la population française soit environ 17 millions d’habitants.

25%

de la population vit dans une ville moyenne

Longtemps délaissées, elles font aujourd’hui l’objet de différentes politiques publiques de revalorisation. Les évènements politiques, socio-économiques et écologiques qui frappent nos sociétés semblent de plus en plus les pousser vers le devant de la scène. Ainsi, nous nous efforcerons de considérer certains de ces évènements et politiques permettant de favoriser un mouvement de revalorisation de ces territoires moyens. Cette expression désigne notamment les territoires mêlant urbanité et ruralité. Ce ne sont ainsi pas uniquement des villes car ils combinent certaines des caractéristiques de la ville, du village et du bourg et concernent aussi les territoires ne présentant pas un tissu urbain très développé.

Le 12 juin 2020, France stratégie publiait une note d’analyse présentant l’influence du lieu d’origine sur le niveau de vie.  Elle mettait en avant le rôle central que jouait le territoire d’origine sur le niveau de vie à l’âge adulte. Ainsi, cette instance de réflexion notait la place essentielle des politiques publiques prenant en compte ces enjeux afin de permettre une meilleure égalité entre les individus. Dénotant un « effet de région » particulièrement développé (inégalité de niveau de vie plus ou moins accentuée selon la région d’origine), elle alléguait toutefois du rôle des politiques publiques permettant l’inclusion des territoires défavorisés. Or, certaines de ces villes moyennes constituent, avec les zones rurales, des espaces défavorisés notamment en terme de possibilité d’emploi. Ainsi, la prise en compte de leur rôle aujourd’hui pourrait permettre une amélioration des conditions de vie des individus demain.

La fonction écosystémique des espaces verts au service de la ville

Avec la montée en puissance de la conscience écologique, la question de la prise en charge des paysages est désormais au centre de la réflexion sur la gestion des villes. Jean-Marc Bouillon, paysagiste et ancien Président de la Fédération française du paysage, au centre de ces problématiques depuis plusieurs décennies, porte ainsi un nouveau projet par le biais de son fonds de dotation Intelligence nature qui est notamment la promotion de la voiture autonome. Selon lui, celle-ci libèrera de grands espaces pouvant et devant être réutilisés pour rendre la ville plus viable grâce à une bonne gestion de ces nouveaux espaces libres.

 "On pourra fournir le même niveau de mobilité avec 90% de véhicules en moins"  

Se basant sur des études faites sur le sujet, il avance les chiffres selon lesquels cette voiture roulera 14H par jour contrairement aux 50 minutes en moyenne qu’elle parcourt aujourd’hui, et portera non pas 1,1 mais 3 passagers en moyenne, ce qui diminuera le besoin d’un parc automobile aussi large que celui qui existe actuellement. Partant des statistiques évoquées, il considère que l’on pourra fournir le même niveau de mobilité avec 90% de véhicules en moins. Cet espace urbain libéré qui accompagne les infrastructures routières est en réalité un espace classé domaine public, donc non cessible. Cela permettra ainsi de réutiliser ces surfaces et de créer des espaces verts qui serviront à drainer les eaux de pluies, rafraichir l’air et dépolluer les sols … La ville, trop « urbaine », pourra ainsi se reconnecter aux écosystèmes naturels. Partant du constat de la mauvaise gestion des espaces urbains, J. M. Bouillon remet en question la réponse dite technique apportée depuis plusieurs décennies aux problèmes de gestion urbaine. Il vante la réponse « naturelle » aux problèmes urbains particulièrement frappants en période de « tension » que sont les épisodes de grande pluie et ceux de fortes chaleurs. La ville d’aujourd’hui, « bitumisée », « cimentée » ne parvient pas à gérer les aléas climatiques d’année en année plus prégnants. Ainsi, réintégrer la nature en ville permettrait d’utiliser ces fonctions notamment écosystémiques au bénéfice de la gestion des villes. L’arbre pourrait ainsi devenir un véritable climatiseur urbain, tandis que le ruissellement de l’eau de pluie dans le sol permettrait d’économiser sur les infrastructures d’épuration grâce à leur rôle de régulateur hydraulique. Les problèmes d’inondation et de canicule seraient compensés voire solutionnés par une bonne gestion des espaces urbains.


« Que ce soit sur le domaine public ou privé, collecter, déplacer, stocker 1 m3 d’eau de pluie, avant de le traiter coûte entre 1 000 et 2 500€, déconnecter et infiltrer naturellement le même m3 coûte entre 150 et 300€ !
Cette prise en compte plus complète du rôle du paysage donne un sens concret à l’engagement environnemental des maitres d’ouvrage » Jean-Marc Bouillon (Takahé conseil) 

Selon Jean-Marc Bouillon, la ville de demain semble donc définitivement « se construire avec le paysage » plutôt qu’en ne l’utilisant que comme un simple complément. Par ailleurs, il estime que ce changement se fera dans la décennie à venir. Or, cette période de temps couvre les durées de planification urbaine, des plans d’urbanisme. C’est la raison de la création de son fonds de dotation Intelligence nature, censé permettre la préparation intellectuelle, scientifique, législative … des élus afin d’encourager la création d’une infrastructure verte de la ville.

Dans cette construction de la ville de demain, les villes moyennes semblent être définitivement prêtes à occuper une place. Ainsi, se développent diverses politiques de valorisation urbaine notamment au sein des villes moyennes par le biais de certaines politiques publiques.

Le Havre filtre naturellement ses eaux fluviales

Un des exemples à évoquer en matière de réaménagement urbain d’une ville moyenne est celui de la ville du Havre qui depuis 2011 a entrepris une véritable transformation de son paysage urbain. Les projets de travaux se multiplient et permettent au Havre de s’affirmer comme « ville du XXIème siècle ». Celle-ci a amorcé un grand projet de réaménagement de sa principale entrée de ville prenant en compte les enjeux environnementaux et sociétaux de plus en plus prégnants dans le domaine du réaménagement urbain. La ville a débuté une transformation en profondeur de son entrée de ville en mettant de côté son image quasi autoroutière et bitumée, pour une « ambiance estuaire » appuyée par le recours à de nouveaux moyens de « circulation douce » et l’apaisement de son trafic routier. Pour cela, elle a notamment fait le pari d’un réemploi maximum des structures existantes, de l’introduction de nouveaux espaces naturels mais aussi d’une gestion des eaux de pluie rationnalisée.

Ainsi que le rappelait le Projet d’Aménagement et de Développement Durable du plan Local d’Urbanisme du Havre adopté en 2011, le but des aménagements était notamment de « proposer des solutions innovantes en matière d’environnement (dont une) gestion efficace des eaux pluviales ». Le principe de durabilité des aménagements est un des points importants de l’opération. Le projet s’est mis pour objectif de résorber les dysfonctionnements d’un système d’assainissement obsolète et d’améliorer la gestion des eaux de pluies alors renvoyées vers un réseau unitaire saturé.

C’est ainsi qu’a été décidé la mise en œuvre d’un principe alternatif de gestion des eaux pluviales sur la totalité de l’axe d’entrée de la ville. Le projet prévoit la création d’un parc accueillant notamment trois bassins plantés dont un jardin filtrant. Ceux-ci seront complétés par des mini-souterrains utilisés pour le stockage des eaux. Par ailleurs, les besoins en espaces verts, conciliant espaces de détente et bassins récupérateurs d’eaux pluviales, prendront la forme d’un « Parc des Roseaux » qui répondra à divers objectifs de traitement et de stockage des eaux, avant rejet dans une nappe phréatique ; mais aussi de biodiversité et d’offre d’un grand espace de loisir.

« Lorsque la troisième phase sera achevée, vers 2022, ces eaux seront acheminées vers le jardin d’eau où elles pourront s’infiltrer sur place sans être renvoyées dans le réseau unitaire. L’économie réalisée sur le fonctionnement de la station d’épuration représentera au moins 140 000 euros par an » Source et photo : Le Moniteur

Les avantages apportés par un tel système seront bien visibles et ce notamment au regard des méthodes traditionnelles d’assainissement des eaux. En effet, si l’assainissement de la voie, était réalisé de façon traditionnelle, l’ensemble des eaux serait collecté dans un tuyau enterré dont la pente serait de 5 à 10 mm par mètre. Pour les 2,5km de la voie, cela signifierait qu’un tuyau conduisant l’eau d’un point A à un point B que serait le bassin de collecte de l’eau, avec une pente raisonnable y aboutirait entre 10 et 20m de profondeur (et raterait son exutoire naturel : la mer…). Un système de collecte des eaux traditionnel nécessiterait donc de réaliser soit des ouvrages de relèvements, vulnérables et consommateurs en énergies (pompes électriques notamment), soit des tuyaux dont la pente trop faible entraînerait leur colmatage, soit des aménagements présentant le plus souvent les deux inconvénients en même temps. À ces particularités viennent s’ajouter le fait que le réseau de collecte des eaux de pluies du Havre est unitaire. Ces eaux sont donc collectées en même temps que les eaux usées. Conséquemment, la station d‘épuration située en aval doit épurer des eaux sales, usées, diluées dans des eaux relativement propres (eaux de pluies). Ainsi, le projet d’urbanisme porté, prenant en compte ces contraintes par l’utilisation des fonctions écosystémiques des sols et des plantes, propose une stratégie de collecte des eaux dite « alternative », directement issue de l’analyse des contraintes et potentialités du site.

Dans ce nouveau système, les eaux de pluies suivront un chemin tout tracé : elles seront « récoltées » puis stockées dans divers bassins, au niveau du Parc des roseaux pré-évoqué et des bassins plantés. Elles seront ensuite épurées, à débit régulé par un système biologique naturel situé au niveau du Parc des roseaux que sont les jardins filtrants. Ceux-ci seront plantés de plantes de berges ou de plantes aquatiques immergées à fort pouvoir épurateur.

La station d’épuration n’a plus à traiter ces eaux

De cette manière, les eaux de pluie ainsi filtrées pourront être acheminées vers le bassin de récolte des eaux afin que la station d’épuration n’ait plus à traiter ces eaux relativement propres. Ainsi que le rappelle le plan d’urbanisme,  « Chaque année, c’est ainsi environ 140 000m3 d’eau qui n’auront plus à être épurées ». Les arbres plantés autour de ces bassins et le long du chemin de récolte et de filtration des eaux seront des arbres supportant bien l’humidité du sol (aulnes, saules, peupliers). Par ailleurs, l’eau de la nappe phréatique située au niveau du parc, de qualité médiocre du fait de l’histoire du site (anciennes implantations industrielles) sera puisée par des éoliennes et ramenée au niveau du filtre à roseau. Ce dispositif permettra progressivement d’épurer les eaux de la nappe, et d’en améliorer la qualité par un processus de dépollution douce.

Ainsi, l’ensemble du processus, portera non seulement une approche environnementale de la question, mais aussi sociétale, l’environnement aménagé étant sans conteste favorable à un bien-être des habitants. Par ailleurs, la rationalisation du site permettra une économie en terme de moyens consacrés à l’épuration des eaux usés. La ville du Havre s’est donc lancée dans un véritable projet de transition écologique vers un « urbanisme vert », démontrant ainsi de la capacité d’innovation des villes moyennes.

L’agglomération roannaise et ses trames vertes et bleues

L’agglomération roannaise a entrepris depuis plusieurs années d’effectuer une transition vers un mode de gestion plus « écologique » de son territoire. Elle a adopté en 2009 puis en 2016 deux « Plan Climat Air Energie Territorial » successifs. Elle a ainsi validé un ambitieux programme de transition écologique. Ce programme comprend notamment des actions en vue de la réduction à 50% des émissions des gaz à effet de serre et d’un taux de couverture de la consommation par 50% d’énergies renouvelables à l’horizon 2050. Cela lui a notamment permis d’être reconnue comme « Territoire à Energie Positive pour la Croissance Verte » par l’État et ainsi de recevoir de nouvelles subventions lui permettant d’accroître ses investissements notamment en matière de rénovation énergétique et de promotion des énergies renouvelables.

Pour atteindre ces objectifs, la ville de Roanne, englobée dans la structure intercommunale Roanne agglomération et financée par divers fonds a entrepris de grands projets d’aménagement comme l’installation d’une centrale photovoltaïque au sol et de plusieurs parcs éoliens. Elle entend par ailleurs encourager les mobilités électriques et douces ainsi que proposer des aides à la rénovation des logements, notamment en vue d’une meilleure isolation thermique et de l’installation de systèmes photovoltaïques en toiture.

L’agglomération roannaise est par ailleurs engagée dans le dispositif Contrat Vert et Bleu (CVB) qui vise à intégrer la préservation du patrimoine écologique et paysager dans le développement du territoire. C’est un outil proposé par la Région Auvergne-Rhône-Alpes qui permet de rendre opérationnels les objectifs de préservation de l’environnement et des paysages. Ainsi, dans ce cadre a été dégagée la « Trame Verte et Bleue » propre à l’agglomération roannaise. Les trames vertes désignent un ensemble de boisements, espaces pâturés et cultivés parcourant l’agglomération tandis que les trames bleues se composent des zones humides et des cours d’eau sillonnant le territoire. 

Le programme concernant la Trame Verte et Bleue prend notamment en compte le réaménagement des bords de Loire mais aussi des travaux d’adaptation des espaces naturels aux contraintes que connaît le territoire. Si l’objectif initial était principalement un embellissement de la ville censé satisfaire les habitants et favoriser l’attractivité, la question des « services rendus par la nature » commence à être de plus en plus abordée. Ainsi, ont notamment été évoqués les « services écosystémiques » que peut rendre la biodiversité au territoire. Par exemple, au sein de l’agglomération roannaise où les ilots de chaleur urbains augmentent les températures dans les centres villes, ont été mis en avant les zones humides qui jouent un rôle d’éponge, limitant non seulement les risques de feu mais aussi les risques d’inondation, épurant l’eau et favorisant le rafraichissement du centre de l’agglomération. Par ailleurs, a été favorisée l’utilisation de haies qui permet de limiter l’érosion des sols (dans une région traversée par la Loire et divers cours d’eau) et donc les risques d’inondation importants dans ce territoire, de filtrer les eaux de ruissellement ou d’abriter les cultures de l’effet du vent. Dans le cadre de la Trame Verte et Bleue, des efforts ont été faits pour permettre la conservation des espaces verts accueillants insectes pollinisateurs et oiseaux régulant la prolifération des insectes. Par ailleurs, des recherches prospectives sont en cours, en relation avec le syndicat des eaux, pour organiser une politique volontariste de gestion des eaux pluviales par un zonage des eaux de pluies et des mécanismes de filtrage et stockage naturels (tranchées drainantes, écoulement vers les espaces verts …).

La ville de Roanne a rénové la Place des promenades en centre-ville, un espace vert de 3,7 ha avec une zone humide à 3 bassins qui limite l’îlot de chaleur

Ainsi, l’agglomération a pleinement pris en compte les avantages écologique, paysager ainsi que la valeur d’usage des Trames vertes et bleues et donc l’importance de leur conservation et de leur aménagement dans l’intérêt du territoire. On peut notamment le constater dans le cadre du vaste projet d’aménagement des bords de Loire qui opte pour une démarche précautionneuse des enjeux environnementaux. On peut citer le miroir d’eau qui l’agrémentera, faisant office de rafraichisseur naturel ou l’arbre à vent qui permettra d’alimenter en électricité le système d’éclairage public alentour, ainsi que la forte végétalisation de la zone. Celle-ci a notamment été aménagée de manière à jouer un rôle de dépollueur de par sa concentration en espaces verts et en corridors hydrauliques notamment végétalisés.

Les villes moyennes disposent de l’ingénierie et des ressources nécessaires

C’est ainsi, par le biais de projets novateurs, que les villes moyennes comme Roanne ou Le Havre entendent modifier l’approche de l’urbanisme de demain. Leur statut de ville moyenne leur confère pour ce faire deux avantages fondamentaux : celui de la taille d’abord. En effet, contrairement aux grandes agglomérations où les changements sont difficiles à mettre en œuvre de par les surfaces à modifier, les villes moyennes profitent de leur surface plus réduite pour engager des projets de grande envergure. Celui des fonds ensuite. Contrairement aux « petites villes », les villes moyennes possèdent des portefeuilles notamment municipaux assez importants pour engager ce genre de projets sans atteindre trop fortement à leur trésorerie. Ainsi, c’est notamment cela qui fait dire à certains que la transition écologique se fera, en premier lieu, au travers des viles moyennes.

Analyse

Dans l’imaginaire collectif, le pavillon et la maison avec jardin sont les représentants du cadre de vie idéal. Malgré des paysages de plus en plus urbanisés et un exode rural plus que marqué depuis le XIXème siècle, demeure cette vision d’un cadre de vie « naturel » à proximité des espaces verts et avec assez d’espace pour évoluer. L’épidémie de Covid-19 n’a fait qu’ancrer plus profondément cette image dans l’esprit des gens. En témoigne le quasi « exode urbain » qu’a causé l’annonce du confinement en Mars 2020 en France et la « fuite vers la campagne » d’un grand nombre d’habitants notamment d’Île-de-France. Beaucoup ont préféré s’exiler le temps du confinement afin d’éviter d’avoir à subir les contraintes causées par la vie en agglomération en temps d’isolement.
Ainsi, couplé au mouvement de télétravail de plus en plus marqué qui a saisi les entreprises, ces évènements pourraient favoriser une revalorisation des villes moyennes. Comme le remarquait le journal Le Monde dans un article du 24 Août 2020, « la pandémie de Covid-19 a profondément modifié l’attitude des entreprises face à cette pratique largement appréciée des salariés. En Allemagne et au Royaume-Uni, environ 40% des entreprises envisagent d’y recourir de façon pérenne ». Ce mouvement, tout autant encouragé en France, pourrait ainsi s’installer dans la durée et pousser les entreprises à revoir leur système de fonctionnement. Cela donnerait notamment aux salariés une plus grande liberté de mouvement et réduirait les contraintes géographiques imposant une proximité entre lieu de résidence et lieu de travail, et on peut se demander si ces évènements n’encourageront pas un « retour à la nature » de certains individus.
Dans ce scénario, les villes moyennes ont un rôle à jouer, juste équilibre entre la ville et le bourg, entre l’urbain et le naturel, elles pourraient réellement devenir la « ville de demain ».

Le temps de la ville moyenne

Notre contribution publiée par La Tribune le 22 juillet 2020

Les écologistes métropolitains résistent à considérer certaines préférences françaises, comme la maison individuelle, ses représentations en matière de qualité de vie, d’éducation et de sécurité. Les fractures territoriales et sociales auront raison de ce déni pour au moins trois raisons. 

D’une part, la concentration accrue de l’emploi dans les pôles urbains et la hausse du coût du foncier ont contribué à pousser nombre de nos concitoyens dans les périphéries. D’autre part, les temps de contacts avec les villes centres se font avec un recours massif à la voiture individuelle thermique. Avec elle, augmentent l’empreinte environnementale, l’artificialisation des sols et s’éloignent les perspectives d’ascension sociale, les bassins d’emploi et les réseaux éducatifs. Enfin, avec l’évolution des modes de consommation, la dévitalisation des cœurs de ville – même si les efforts de la puissance publique sont considérables en la matière – un nombre croissant de citoyens ressent un sentiment de solitude et de délaissement. 

La crise sanitaire annonce un changement des perceptions

La prise de distance apparaît désormais comme un potentiel de richesses quand la métropole s’engorge et renvoie à l’idée de promiscuité, de pollutions, de mauvaise santé, et de vie chère. Plus profondément, le territoire de la “ville moyenne”, entre bourg rural et 100 000 habitants, est désormais plébiscité par près de trois-quarts français. Selon un récent sondage de l’IFOP (2019), il représente tout à la fois un plafond de leurs attentes et un plancher de perspectives. Il regroupe le tiers de la population française, des quartiers prioritaires et des établissements de santé ainsi que les succursales des Universités. « Trait d’union » entre ruralité et espaces métropolitains, ce territoire dispose de la taille critique pour faire face à l’arrivée de nouvelles populations.

La crise sanitaire annonce un changement des perceptions. La prise de distance apparaît désormais comme un potentiel de richesses quand la métropole s’engorge et renvoie à l’idée de promiscuité, de pollutions, de mauvaise santé, et de vie chère. Plus profondément, le territoire de la “ville moyenne”, entre bourg rural et 100 000 habitants, est désormais plébiscité par près de trois-quarts français. Selon un récent sondage de l’IFOP (2019), il représente tout à la fois un plafond de leurs attentes et un plancher de perspectives. Il regroupe le tiers de la population française, des quartiers prioritaires et des établissements de santé ainsi que les succursales des Universités. « Trait d’union » entre ruralité et espaces métropolitains, ce territoire dispose de la taille critique pour faire face à l’arrivée de nouvelles populations. 

Cela oblige à des coutures urgentes, pour mieux filer la trame d’une économie fondée sur ce qui marche déjà. En accompagnant les individus et en s’appuyant sur des attentes populaires.

Par exemple, un «droit à la mobilité durable» doit offrir une solution de déplacement à chacun sans recours systématique à la voiture individuelle. Un «droit à l’émancipation sociale», se déclinerait sur un «compte personnel», sous forme de points, cumulables et convertissables pour accéder aux besoins fondamentaux : formation, ancienneté, mutuelle, aide au déménagement, garantie jeunes, cours du soir pour adultes qui souhaiteraient jouer une deuxième chance comme en Scandinavie, etc. Ce compte pourrait être abondé par l’État, les accords de branche et les régions. 

Les circuits courts, l’alimentation saine, l’économie du réemploi et du recyclage, la diffusion d’une culture du vélo, la valorisation énergétique ou l’isolation constituent des mailles connues de développement et de réussites pour ces territoires. Pour accroitre les effets du plan de relance sans précédent en discussion à l’Assemblée, elles doivent être renforcées. À l’image d’expériences au Canada ou au Japon, des sociétés de développement commercial mobilisent entreprises et associations de quartiers autour de « banques de commerces vides » pour diminuer la vacance. En France, des villes dynamiques utilisent monnaies complémentaires et des préemptions ciblées pour accroître l’impact de la consommation sur le tissu local.

Demain, avec la généralisation du Très-Haut-Débit, la voiture autonome, nous améliorerons la compétitivité globale des villes moyennes. Les utilisations du foncier seront optimisées dans sa capacité naturelle à rendre des services écosystémiques. Par exemple, l’arbre réduit certes l’impact des pollutions mais sa capacité à se substituer à des réseaux classiques pour filtrer l’eau reste encore sous-estimée.

Enfin, des développements industriels locaux doivent être accélérés sur l’hydrogène décarboné et la méthanisation à l’image de nos voisins allemand et portugais.

Nous faisons le pari d’un socle productif pour chaque territoire en nous appuyant sur des relocalisations choisies et des déconcentrations supplémentaires d’administrations centrales. La production de réseaux locaux d’énergies renouvelables entre bourgs et villes moyennes et l’émergence de centrales de grandes tailles (méthanisation, éolienne, agri voltaïque) seront autant de charpentes de la maison France. D’autant plus solides qu’elles seront issues des territoires qui n’ont pas encore déployés tous leurs atouts.

         Osons le temps de la ville moyenne, source de relance économique sociale et écologique. 

Hélène Roques, Territoires de Progrès

Jean-Marc Fabius, fondateur de Green LightHouse Developpement

Jean-Marc Pasquet, think tank Novo Ideo

(Crédits : Nicolas Brignol via Wikipedia (CC BY-SA 3.0))

Romain, quarante ans, citoyen Sans Domicile Fixe au mois d’août

C’est l’histoire de Romain, un pote de jeunesse retrouvé une nuit dans une rue de Paris. Lesté par deux sacs avec toute sa vie dedans. Après des années de petits boulots à la campagne à une heure de train de la capitale, comprimées dans son portefeuille : toutes les traces de la prise en charge des personnes sans domicile fixe à la française. Un relevé de compte sur lequel est mentionné le versement de son premier mois de RSA, des adresses d’associations de centres d’hébergement et d’accueil de jour – nombreux – à recevoir la semaine et avant 18 heures, toutes sortes de publics en détresse. Les mailles de ce filet de l’urgence s’élargissent en Eté, et toute l’année les week-ends, mais elles restent malgré tout plus serrées en métropole.

Après quelques nuits de dépannage, des soirées arrosées à nous souvenir de notre lointain passé scolaire, je me demande si mes propres capacités de jugement ne finissent pas par être altérées. De cette consommation d’alcool à laquelle mon protégé a recours depuis de nombreux mois pour éclairer un tunnel sans fin, le plaisir a laissé la place à la nécessité. Armé de mes certitudes républicaines et d’une lassitude croissante, je me décide à composer le 115, le numéro du Samu social. Les personnes SDF ne font pas appel au 115. Tout simplement parce qu’il est déjà difficile d’accès pour une personne qui est normalement intégrée. Les délais d’attente sont interminables quand la ligne n’est pas occupée et la prise en charge des malheureux qui y ont recours démarre par un interrogatoire « confidentiel » d’au moins une demi heure. Malheur aux politiques publiques qui intègrent aussi peu les caractéristiques de leurs publics-cibles. Néanmoins, pour avoir testé un échantillon significatif des personnels du 115, ils sont constitués de professionnels aguerris et font de leur mieux pour utiliser au mieux les quelques outils à leur disposition.

Les solutions proposées sont néanmoins peu compétitives en regard de la « loi de la démerde » et les solidarités individuelles, celles des passants et des commerçants, auxquelles ont recours les sans abris. En urgences, sont proposés des lieux pour dormir sans l’intimité nécessaire à l’estime individuelle, préalable à la reconstruction de soi et même parfois dangereux malgré la surveillance de veilleurs non formés pour ce type de publics. En piste bis proposée par le 115, l’accompagnement par un travailleur social via le dénommé « système intégré d’accueil et d’orientation » (SIAO). Il s’agit d’une base de données mutualisant toutes les places d’hébergement. L’impétrant de la rue devra répondre aux quinze pages supplémentaires d’un questionnaire, faire le point sur sa CMU avec la CPAM ou sa déclaration trimestrielle du RSA avec la CAF. S’il fait partie des plus courageux ayant quitté son département moins loti en emploi pour rejoindre un bassin plus dynamique, alors, ce maquis administratif ne sera qu’un barrage supplémentaire. Car il devra également renoncer dans ce cas à ces droits, et notamment au Revenu de Solidarité Active, le temps que son dossier soit transféré dans son nouveau département.

J’hésite alors à donner le « bon plan » à Romain.

Faut-il qu’il fasse transférer son dossier dans son nouveau bassin d’emploi en renonçant pendant un trimestre à près de 500 euros par mois, l’équivalent de deux bonnes semaines d’hébergement dans une auberge de jeunesse ouverte à tous publics ? Ou devra-t-il céder aux sirènes prometteuses de la légalité en tirant un trait sur sa seule source de revenu en pleine recherche d’un travail, en patientant un bon trimestre, le temps qu’un accompagnant social lui trouve un hébergement dit de « stabilisation » ?

Sur ce dilemme, Romain me confesse à la douceur d’une pleine lune estivale qu’il a besoin d’y réfléchir. Que la Fontaine des innocents des Halles ou les douches publiques à proximité ne lui ont jamais manqué pour faire sa toilette ces dernières semaines. Et qu’à défaut de solution claire, nous décidons de partager une nouvelle « Kro », le temps d’y voir plus clair, le lendemain.

Propositions

1. Transfert des droits liés au RSA en cas de changement de département sans rupture du suivi social

2. Agir en amont sur les sources d’exclusion, en accompagnant les expulsions ou en garantissant les impayés, en mettant en place un versement automatique pour tout loyer, en facilitant l’accès aux aides immédiates : prêt à taux 0 pour gérer les crises personnelles, etc.

3. Maintien des dispositifs les week-end, et l’été.

Photo : Nathalie Tiennot Image 2014

Pour une politique des jours heureux

Notre contribution publiée dans les colonnes du quotidien La Croix.

Quatre millions d’usagers des « colonies » dans les années soixante contre un peu plus d’un million aujourd’hui. Une décennie nous sépare peut-être de leur quasi-extinction. Paradoxe de notre époque. Un enfant sur trois ne part toujours pas en vacances dont la moitié sont issus du monde ouvrier et agricole.                                                                                  

                                                                                                               

Comment relancer une dynamique de la « colo » par nature fondée sur le volontariat ?

Cette expérience des « jours heureux » empruntée par des générations s’est scellée dans le compromis d’après-guerre, noué par des forces politiques, syndicales et religieuses. Il a été le ciment de séjours pensés par des adultes « dans l’intérêt éducatif de l’enfant ». La médiatisation d’accidents aidant, les années quatre-vingt ont vu entrer en concurrence d’autres impératifs. Ceux liés à la sécurité et à son cortège de normes. Les conditions structurelles de l’offre ont été bouleversées.

La hausse des coûts a évincé les opérateurs artisanaux et les collectivités. Ces dernières se sont débarrassées de leurs centres, saisonniers et budgétivores. Cette spirale inflationniste a également précipité la concentration des entreprises du secteur, d’autant plus tournées vers les « segments rémunérateurs » que le marché se rétrécit. Depuis vingt ans, il diminue de 30 000 unités par année avec un décrochage plus brutal depuis 2015. Le mouvement de spécialisation vers des publics « à plus forte marge » s’est donc accéléré. La machine à séparer également. Du « haut de gamme » spécialisé, accessible aux familles aisées, jusqu’aux séjours généralistes, fortement subventionnés.

Un enfer pavé de subventions publiques a facilité ce séparatisme estival. Entre les « politiques de la ville » et les « personnes handicapées », les « filles » et les « garçons », les « riches » et les « pauvres », cette approche par niche a évincé la classe moyenne. Sa progéniture ne joue plus le rôle d’incubateur démocratique.

Comment rassembler les acteurs autour de quelques objectifs politiques lisibles comme reconstruire du commun ?

D’abord, en concentrant les ressources publiques sur l’appui au montage de projets. En suivant le chemin déjà éprouvé avec succès par un certain nombre d’entre eux. En tenant compte des nouvelles attentes familiales, soucieuses de l’ancrage territorial, d’une direction d’équipe ou de la présence d’un référent sanitaire. Autant d’atouts face aux logiques plus hôtelières.

Cela suppose le renforcement et la professionnalisation d’une filière de l’animation en lien avec les activités des collectivités toute l’année (Centres communaux d’action sociale, périscolaire…). Loin des destinations les plus prisées et les plus coûteuses, pourquoi ne pas les aider à rénover 1 000 lieux dans nos territoires pour ancrer durablement dans de nouveaux séjours un demi-million d’enfants supplémentaires ?

Ceux-ci seront d’autant moins isolés dans le groupe qu’ils viendront eux-mêmes avec une sœur, un voisin. Sans nécessairement le ticket d’entrée du comité d’entreprise. En proposant également des formules à faible coût sur le modèle du scoutisme qui passe mieux l’épreuve de la crise.

Le prix toutefois n’explique pas tout. La clé essentielle, c’est rompre avec le modèle de la « colo » d’antan. Celle aujourd’hui ne peut se résumer à un guichet ouvert sur une jungle d’opportunités. Faire société, c’est apporter sa pierre à un projet sur un séjour, au-delà de la participation à des activités. Réaliser une pièce de théâtre, découvrir un sport, bricoler, faire aboutir un projet solidaire : des opérateurs produisent de telles offres avec succès. Au stage qui enferme l’expérimenté et isole le néophyte, les pouvoirs publics doivent privilégier l’appui aux séjours de la découverte progressive et ludique. Ceux qui actionnent les qualités cognitives moins marquées socialement ou sexuellement.

À l’heure de l’effondrement des temps de relations sociales des adolescents, pourquoi ne pas créditer chaque enfant d’un « compte colo » individuel ?