Une courte note, un podcast ou un visuel pour aller plus loin

Le temps de la ville moyenne

Notre contribution publiée par La Tribune le 22 juillet 2020

Les écologistes métropolitains résistent à considérer certaines préférences françaises, comme la maison individuelle, ses représentations en matière de qualité de vie, d’éducation et de sécurité. Les fractures territoriales et sociales auront raison de ce déni pour au moins trois raisons. 

D’une part, la concentration accrue de l’emploi dans les pôles urbains et la hausse du coût du foncier ont contribué à pousser nombre de nos concitoyens dans les périphéries. D’autre part, les temps de contacts avec les villes centres se font avec un recours massif à la voiture individuelle thermique. Avec elle, augmentent l’empreinte environnementale, l’artificialisation des sols et s’éloignent les perspectives d’ascension sociale, les bassins d’emploi et les réseaux éducatifs. Enfin, avec l’évolution des modes de consommation, la dévitalisation des cœurs de ville – même si les efforts de la puissance publique sont considérables en la matière – un nombre croissant de citoyens ressent un sentiment de solitude et de délaissement. 

La crise sanitaire annonce un changement des perceptions

La prise de distance apparaît désormais comme un potentiel de richesses quand la métropole s’engorge et renvoie à l’idée de promiscuité, de pollutions, de mauvaise santé, et de vie chère. Plus profondément, le territoire de la “ville moyenne”, entre bourg rural et 100 000 habitants, est désormais plébiscité par près de trois-quarts français. Selon un récent sondage de l’IFOP (2019), il représente tout à la fois un plafond de leurs attentes et un plancher de perspectives. Il regroupe le tiers de la population française, des quartiers prioritaires et des établissements de santé ainsi que les succursales des Universités. « Trait d’union » entre ruralité et espaces métropolitains, ce territoire dispose de la taille critique pour faire face à l’arrivée de nouvelles populations.

La crise sanitaire annonce un changement des perceptions. La prise de distance apparaît désormais comme un potentiel de richesses quand la métropole s’engorge et renvoie à l’idée de promiscuité, de pollutions, de mauvaise santé, et de vie chère. Plus profondément, le territoire de la “ville moyenne”, entre bourg rural et 100 000 habitants, est désormais plébiscité par près de trois-quarts français. Selon un récent sondage de l’IFOP (2019), il représente tout à la fois un plafond de leurs attentes et un plancher de perspectives. Il regroupe le tiers de la population française, des quartiers prioritaires et des établissements de santé ainsi que les succursales des Universités. « Trait d’union » entre ruralité et espaces métropolitains, ce territoire dispose de la taille critique pour faire face à l’arrivée de nouvelles populations. 

Cela oblige à des coutures urgentes, pour mieux filer la trame d’une économie fondée sur ce qui marche déjà. En accompagnant les individus et en s’appuyant sur des attentes populaires.

Par exemple, un «droit à la mobilité durable» doit offrir une solution de déplacement à chacun sans recours systématique à la voiture individuelle. Un «droit à l’émancipation sociale», se déclinerait sur un «compte personnel», sous forme de points, cumulables et convertissables pour accéder aux besoins fondamentaux : formation, ancienneté, mutuelle, aide au déménagement, garantie jeunes, cours du soir pour adultes qui souhaiteraient jouer une deuxième chance comme en Scandinavie, etc. Ce compte pourrait être abondé par l’État, les accords de branche et les régions. 

Les circuits courts, l’alimentation saine, l’économie du réemploi et du recyclage, la diffusion d’une culture du vélo, la valorisation énergétique ou l’isolation constituent des mailles connues de développement et de réussites pour ces territoires. Pour accroitre les effets du plan de relance sans précédent en discussion à l’Assemblée, elles doivent être renforcées. À l’image d’expériences au Canada ou au Japon, des sociétés de développement commercial mobilisent entreprises et associations de quartiers autour de « banques de commerces vides » pour diminuer la vacance. En France, des villes dynamiques utilisent monnaies complémentaires et des préemptions ciblées pour accroître l’impact de la consommation sur le tissu local.

Demain, avec la généralisation du Très-Haut-Débit, la voiture autonome, nous améliorerons la compétitivité globale des villes moyennes. Les utilisations du foncier seront optimisées dans sa capacité naturelle à rendre des services écosystémiques. Par exemple, l’arbre réduit certes l’impact des pollutions mais sa capacité à se substituer à des réseaux classiques pour filtrer l’eau reste encore sous-estimée.

Enfin, des développements industriels locaux doivent être accélérés sur l’hydrogène décarboné et la méthanisation à l’image de nos voisins allemand et portugais.

Nous faisons le pari d’un socle productif pour chaque territoire en nous appuyant sur des relocalisations choisies et des déconcentrations supplémentaires d’administrations centrales. La production de réseaux locaux d’énergies renouvelables entre bourgs et villes moyennes et l’émergence de centrales de grandes tailles (méthanisation, éolienne, agri voltaïque) seront autant de charpentes de la maison France. D’autant plus solides qu’elles seront issues des territoires qui n’ont pas encore déployés tous leurs atouts.

         Osons le temps de la ville moyenne, source de relance économique sociale et écologique. 

Hélène Roques, Territoires de Progrès

Jean-Marc Fabius, fondateur de Green LightHouse Developpement

Jean-Marc Pasquet, think tank Novo Ideo

(Crédits : Nicolas Brignol via Wikipedia (CC BY-SA 3.0))

Romain, quarante ans, citoyen Sans Domicile Fixe au mois d’août

C’est l’histoire de Romain, un pote de jeunesse retrouvé une nuit dans une rue de Paris. Lesté par deux sacs avec toute sa vie dedans. Après des années de petits boulots à la campagne à une heure de train de la capitale, comprimées dans son portefeuille : toutes les traces de la prise en charge des personnes sans domicile fixe à la française. Un relevé de compte sur lequel est mentionné le versement de son premier mois de RSA, des adresses d’associations de centres d’hébergement et d’accueil de jour – nombreux – à recevoir la semaine et avant 18 heures, toutes sortes de publics en détresse. Les mailles de ce filet de l’urgence s’élargissent en Eté, et toute l’année les week-ends, mais elles restent malgré tout plus serrées en métropole.

Après quelques nuits de dépannage, des soirées arrosées à nous souvenir de notre lointain passé scolaire, je me demande si mes propres capacités de jugement ne finissent pas par être altérées. De cette consommation d’alcool à laquelle mon protégé a recours depuis de nombreux mois pour éclairer un tunnel sans fin, le plaisir a laissé la place à la nécessité. Armé de mes certitudes républicaines et d’une lassitude croissante, je me décide à composer le 115, le numéro du Samu social. Les personnes SDF ne font pas appel au 115. Tout simplement parce qu’il est déjà difficile d’accès pour une personne qui est normalement intégrée. Les délais d’attente sont interminables quand la ligne n’est pas occupée et la prise en charge des malheureux qui y ont recours démarre par un interrogatoire « confidentiel » d’au moins une demi heure. Malheur aux politiques publiques qui intègrent aussi peu les caractéristiques de leurs publics-cibles. Néanmoins, pour avoir testé un échantillon significatif des personnels du 115, ils sont constitués de professionnels aguerris et font de leur mieux pour utiliser au mieux les quelques outils à leur disposition.

Les solutions proposées sont néanmoins peu compétitives en regard de la « loi de la démerde » et les solidarités individuelles, celles des passants et des commerçants, auxquelles ont recours les sans abris. En urgences, sont proposés des lieux pour dormir sans l’intimité nécessaire à l’estime individuelle, préalable à la reconstruction de soi et même parfois dangereux malgré la surveillance de veilleurs non formés pour ce type de publics. En piste bis proposée par le 115, l’accompagnement par un travailleur social via le dénommé « système intégré d’accueil et d’orientation » (SIAO). Il s’agit d’une base de données mutualisant toutes les places d’hébergement. L’impétrant de la rue devra répondre aux quinze pages supplémentaires d’un questionnaire, faire le point sur sa CMU avec la CPAM ou sa déclaration trimestrielle du RSA avec la CAF. S’il fait partie des plus courageux ayant quitté son département moins loti en emploi pour rejoindre un bassin plus dynamique, alors, ce maquis administratif ne sera qu’un barrage supplémentaire. Car il devra également renoncer dans ce cas à ces droits, et notamment au Revenu de Solidarité Active, le temps que son dossier soit transféré dans son nouveau département.

J’hésite alors à donner le « bon plan » à Romain.

Faut-il qu’il fasse transférer son dossier dans son nouveau bassin d’emploi en renonçant pendant un trimestre à près de 500 euros par mois, l’équivalent de deux bonnes semaines d’hébergement dans une auberge de jeunesse ouverte à tous publics ? Ou devra-t-il céder aux sirènes prometteuses de la légalité en tirant un trait sur sa seule source de revenu en pleine recherche d’un travail, en patientant un bon trimestre, le temps qu’un accompagnant social lui trouve un hébergement dit de « stabilisation » ?

Sur ce dilemme, Romain me confesse à la douceur d’une pleine lune estivale qu’il a besoin d’y réfléchir. Que la Fontaine des innocents des Halles ou les douches publiques à proximité ne lui ont jamais manqué pour faire sa toilette ces dernières semaines. Et qu’à défaut de solution claire, nous décidons de partager une nouvelle « Kro », le temps d’y voir plus clair, le lendemain.

Propositions

1. Transfert des droits liés au RSA en cas de changement de département sans rupture du suivi social

2. Agir en amont sur les sources d’exclusion, en accompagnant les expulsions ou en garantissant les impayés, en mettant en place un versement automatique pour tout loyer, en facilitant l’accès aux aides immédiates : prêt à taux 0 pour gérer les crises personnelles, etc.

3. Maintien des dispositifs les week-end, et l’été.

Photo : Nathalie Tiennot Image 2014

Pour une politique des jours heureux

Notre contribution publiée dans les colonnes du quotidien La Croix.

Quatre millions d’usagers des « colonies » dans les années soixante contre un peu plus d’un million aujourd’hui. Une décennie nous sépare peut-être de leur quasi-extinction. Paradoxe de notre époque. Un enfant sur trois ne part toujours pas en vacances dont la moitié sont issus du monde ouvrier et agricole.                                                                                  

                                                                                                               

Comment relancer une dynamique de la « colo » par nature fondée sur le volontariat ?

Cette expérience des « jours heureux » empruntée par des générations s’est scellée dans le compromis d’après-guerre, noué par des forces politiques, syndicales et religieuses. Il a été le ciment de séjours pensés par des adultes « dans l’intérêt éducatif de l’enfant ». La médiatisation d’accidents aidant, les années quatre-vingt ont vu entrer en concurrence d’autres impératifs. Ceux liés à la sécurité et à son cortège de normes. Les conditions structurelles de l’offre ont été bouleversées.

La hausse des coûts a évincé les opérateurs artisanaux et les collectivités. Ces dernières se sont débarrassées de leurs centres, saisonniers et budgétivores. Cette spirale inflationniste a également précipité la concentration des entreprises du secteur, d’autant plus tournées vers les « segments rémunérateurs » que le marché se rétrécit. Depuis vingt ans, il diminue de 30 000 unités par année avec un décrochage plus brutal depuis 2015. Le mouvement de spécialisation vers des publics « à plus forte marge » s’est donc accéléré. La machine à séparer également. Du « haut de gamme » spécialisé, accessible aux familles aisées, jusqu’aux séjours généralistes, fortement subventionnés.

Un enfer pavé de subventions publiques a facilité ce séparatisme estival. Entre les « politiques de la ville » et les « personnes handicapées », les « filles » et les « garçons », les « riches » et les « pauvres », cette approche par niche a évincé la classe moyenne. Sa progéniture ne joue plus le rôle d’incubateur démocratique.

Comment rassembler les acteurs autour de quelques objectifs politiques lisibles comme reconstruire du commun ?

D’abord, en concentrant les ressources publiques sur l’appui au montage de projets. En suivant le chemin déjà éprouvé avec succès par un certain nombre d’entre eux. En tenant compte des nouvelles attentes familiales, soucieuses de l’ancrage territorial, d’une direction d’équipe ou de la présence d’un référent sanitaire. Autant d’atouts face aux logiques plus hôtelières.

Cela suppose le renforcement et la professionnalisation d’une filière de l’animation en lien avec les activités des collectivités toute l’année (Centres communaux d’action sociale, périscolaire…). Loin des destinations les plus prisées et les plus coûteuses, pourquoi ne pas les aider à rénover 1 000 lieux dans nos territoires pour ancrer durablement dans de nouveaux séjours un demi-million d’enfants supplémentaires ?

Ceux-ci seront d’autant moins isolés dans le groupe qu’ils viendront eux-mêmes avec une sœur, un voisin. Sans nécessairement le ticket d’entrée du comité d’entreprise. En proposant également des formules à faible coût sur le modèle du scoutisme qui passe mieux l’épreuve de la crise.

Le prix toutefois n’explique pas tout. La clé essentielle, c’est rompre avec le modèle de la « colo » d’antan. Celle aujourd’hui ne peut se résumer à un guichet ouvert sur une jungle d’opportunités. Faire société, c’est apporter sa pierre à un projet sur un séjour, au-delà de la participation à des activités. Réaliser une pièce de théâtre, découvrir un sport, bricoler, faire aboutir un projet solidaire : des opérateurs produisent de telles offres avec succès. Au stage qui enferme l’expérimenté et isole le néophyte, les pouvoirs publics doivent privilégier l’appui aux séjours de la découverte progressive et ludique. Ceux qui actionnent les qualités cognitives moins marquées socialement ou sexuellement.

À l’heure de l’effondrement des temps de relations sociales des adolescents, pourquoi ne pas créditer chaque enfant d’un « compte colo » individuel ?

CFE : pour une année blanche des PME

Cette contribution de Novo Ideo a été publiée le 29 avril 2020 sur le site de Contrepoints.

A partir du 11 mai, le second temps de cette crise sera économique et social. Bien sûr, la déflagration sanitaire en cours questionne notre capacité collective à sécuriser nos organisations et à faire face à une pandémie qui n’est toujours pas jugulée. Cela appelle des décisions sereines. Et puisque le président de la République a fixé l’horizon d’un déconfinement progressif, il nous appartient d’en poser des jalons pour sécuriser tous les travailleurs.

Comment faire ?

Pour faire face à une dépression économique inédite, les garanties de prêts de l’État, les mesures de reports et la prise en charge du chômage partiel allègent leurs trésoreries. Lorsque notre pays entrera en période de convalescence, nos entreprises pourront bénéficier du retour à l’emploi des salariés dont le portage est le fruit d’un effort historique par la puissance publique. 

Pour des millions d’entre eux, ce retour sera variable selon le télétravail qui pourrait être une clé de hiérarchisation du retour à la normale. Cela placera les territoires dans une inégalité fondamentale car cette pratique du travail à distance est quatre fois plus importante en Ile-de-France qu’en Normandie par exemple. À cette différence de situation s’ajoute une grande variété des états sanitaires entre les régions et donc de la force de travail. Le redémarrage économique sera donc progressif mais dans le meilleur des cas il ne sera pas homogène partout.

Cette reprise n’aura pas la même incidence selon les secteurs. Dans le bâtiment et les services, les cycles seront impactés par la réactivité des donneurs d’ordre. Pour d’autres intervenants dans l’industrie, les chaînes d’approvisionnement fortement internationalisées vont les fragiliser. C’est en grande partie leur taille et leur surface financière qui vont jouer fortement sur leur capacité à sortir la tête de l’eau. Les petites entreprises qui cumulent l’ensemble des critères de vulnérabilité comme les petites PME de la construction et de l’agriculture nécessitant la présence de main d’œuvre seront particulièrement exposés. 

Abaisser le seuil de rentabilité de notre tissu de TPE-PME, d’indépendants et de micro-entrepreneurs doit être notre priorité

D’autant que son maillage a subi, encore pendant cette crise, des comparaisons peu flatteuses avec nos voisins allemands. Le renforcement des trames de notre tissu de PME est un atout déterminant pour la diversité de nos emplois et singulièrement dans les secteurs où les travailleurs ont été particulièrement exposés durant la crise sanitaire.

A la rentrée, nos administrations seront engorgées par les demandes de reports de charges des entreprises. Pour éviter cela, décidons une année blanche de la fiscalité qui ressemble le plus à une charge fixe dans le compte d’exploitation, la moins sensible au cycle économique brutal. La cotisation foncière est assise sur la valeur locative des biens des entreprises dont elles disposaient deux années avant, elle est indépendante de la richesse produite sur l’année. C’est cet impôt local qu’il convient de supprimer en 2020 moyennant l’interdiction aux entreprises de verser tout dividende sur cette année.

Cette mesure pose un problème de compensation aux collectivités s’agissant d’un produit de près de huit milliards mais elles disposent d’une autre assiette fiscale, assise sur la valeur ajoutée, davantage collée aux effets de la conjoncture. 

En cas de meilleure fortune, nos entreprises paieront leur juste écot par d’autres contributions existantes. Il vaut mieux miser pour nos finances publiques sur de meilleures rentrées de l’impôt sur les bénéfices à venir plutôt que de parier sur une cotisation de biens dont la valeur a été décidée par l’histoire, avant le COVID-19.

Trois tabous écolos : le nucléaire (2)

Trois tabous écolos non résolus : après le glyphosate comme facteur de déstabilisation du train, deuxième épisode avec le nucléaire. La sortie du nucléaire va-t-elle à l’encontre de l’objectif de la diminution des GES ?

Tout mix-électrique d’un pays doit faire face au double défi du rendement et de la minimisation de la quantité de CO2 produite. À partir des données des principaux pays et de leur quantité en CO2, quels sont les plus performants à l’année ?

Si on excepte la Norvège qui bénéficie d’une électricité hydraulique abondante et d’une consommation électrique environ trois fois celle des français, peu de pays peuvent se prévaloir d’un label « climato-compatible ». Même ceux dont la réputation vertueuse apparait au final galvaudée.

Au Portugal, modèle en matière de développement des énergies renouvelables, les centrales en charbon et au gaz dégradent le bilan global.

En Allemagne, le pays s’est engagé vers une sortie du nucléaire en 2022, il représente encore 13% de son « mix » alors que vent et soleil fournissent près de 30% du total. Les fortes variations de production de ce pays liées au caractère aléatoire de ces renouvelables expliquent des performances climatiques plombées. Celles-ci fournissent certaines périodes de l’année que 15% de la production, nécessitant une « armée de réserve électrique » de gaz et de charbon, environ deux tiers plus importante que la France, particulièrement coûteuse et peu « écolo ».

Au final, la France produit environ 70 à 75% du courant en ayant recours au nucléaire avec un appoint hydraulique puis des autres énergies renouvelables qui, lorsqu’elles manquent pendant plusieurs semaines, ne sont pas remplacées par des énergies fossiles comme en Allemagne.

La productivité du nucléaire est un avantage réel. Il pose cependant d’autres problèmes, de souveraineté, liés à la dépendance du combustible, de risque d’exploitation et de déchets.

Dans l’attente de développements industriels majeurs de l’hydrogène, il s’est rendu indispensable, dans la course contre les gaz à effet de serre, une course contre le temps qui se compte en deux ou trois décennies désormais.

CONTREPOINT










ENTRETIEN AVEC JEAN-MARC FABIUS
47 ans
Président Fondateur Green Lighthouse depuis 2013
Directeur Général et Fondateur de Green Lighthouse Développement
Elu à la Commission Solaire du Syndicat des Energies Renouvelables

Selon vous, un mix énergétique comprenant une part majoritaire de « renouvelables » est-il possible à terme sans faire appel à des énergies carbonées ?

Bien entendu, pour cela il doit être planifié en termes de volume pour chacune des énergies, et en concertation avec RTE et ENEDIS, les gestionnaires de réseau. Nous allons changer de paradigme de mode de production, le réseau aussi doit s’adapter.

On peut imaginer sans difficulté la part croissante des énergies marines, la prépondérance du solaire et de l’éolien onshore et offshore. Les autres énergies (biomasse, thermique…) ne sont pas pour autant à négliger.

Pour assurer la sécurité du mix énergétique, il faut une base stable avec l’hydraulique et le nucléaire dans un premier temps, permettant de garantir un socle de disponibilité. Les énergies renouvelables (solaire et éolien), intermittentes par définition, assureront conjointement la très grande partie des besoins. Le stockage longue durée, enjeu majeur pour diminuer la part du nucléaire, pourra répondre aux pics de demande.

Je crois énormément au stockage Hydrogène qui, déployé à très grande échelle, va considérablement baisser ses coûts, et assurer, au-delà de la stabilité du mix énergétique, un aménagement des territoires et une solution partielle aux problématiques de transport.
Nous avons la chance d’être à l’aube d’une révolution, il faut en être partie prenante et non la regarder passer.

Quelles évolutions peut-on prévoir sur les coûts de sortie et l’intégration dans le réseau de distribution ?

Là aussi c’est une question de planification.       
Aujourd’hui le solaire avec des centrales au sol produit à moins de 50 €/Mwh (hors contraintes des appels d’offres), et les exemples sont très nombreux dans le monde. C’est l’électricité la plus compétitive.

On peut toujours vouloir favoriser l’autoconsommation individuelle mais elle sera réservée à des concitoyens qui ont les moyens d’assumer financièrement un engagement politique. A grande échelle le coût pour la collectivité de subventionner ce marché serait dommageable aux finances publiques.

Il est aussi indispensable d’utiliser les sites et sols pollués pour les convertir en zone de production d’énergie, là aussi un surcoût est à prévoir par la dépollution des sols et les contraintes associées.
Quant aux grandes toitures, elles sont un relais indispensable aux grandes centrales au sol notamment sur les bâtiments industriels.

Concernant l’éolien, le développement de projet est encore trop coûteux et il est nécessaire de donner un énorme coup d’accélérateur à la filière afin de réduire les coûts de production de l’énergie.

A mon sens, pour tenir les engagements de la PPE, trois obligations et une contrainte s’imposent à nous :

  • L’obligation d’accélérer l’installation des énergies renouvelables par une simplification de l’obtention des autorisations (actuellement : 3 à 4 ans pour une centrale solaire, plus de 7 ans pour une centrale éolienne),
  • L’obligation de développer massivement le stockage de masse, pour en réduire son coût unitaire et garantir un mix énergétique fiable et décarboné,
  • Et une contrainte majeure : assurer une disponibilité et un prix de l’énergie accessible à tous

Et concernant le réseau dans sa globalité, il va devoir opérer un changement par la multiplication des sites de production, passant d’un schéma en étoile, à un réel maillage assurant une production décentralisée.

Un territoire peut-il agir et comment ?

Le territoire est à la base de tout projet. Aucune énergie ne peut s’implanter durablement sans un consensus large avec les élus et la population.

L’énergie est un fabuleux outil d’aménagement, une ressource financière stable et sur de très longues périodes pour les collectivités et leurs habitants. C’est au niveau des communautés de communes, des mairies, que les projets de territoires doivent naitre. Qui connait mieux les besoins d’aménagement que les collectivités au plus proche des citoyens ?          
Les projets d’énergies sont force d’innovation également et créateurs de valeurs non délocalisables à la condition qu’ils soient industriels donc de taille industrielle.

Les collectivités sont les acteurs du changement de leur territoire et certaines lancent déjà de très grands projets, qui seront la norme à l’avenir en conjuguant les paradoxes propres aux énergies renouvelables : vertueux et rentable, industriel et agile, à faible coût et sans dépense publique pour les nouveaux modèles, et enfin local et de dimension nationale.