#ETUDE Crise et défis de la prison française

La crise de l’appareil carcéral dure. C’est une crise de ressources, soit la moitié de celles affectées au ministère de la Justice lui-même paupérisé, et une crise du modèle, soumis à l’impératif de la réinsertion et au défi des nouvelles violences terroristes. 

Zones grises de la prison

Les causes exogènes de l’incarcération sont encore méconnues.

Plus de 20% des personnes incarcérées pour crime

Le taux de personnes emprisonnées a doublé en quatre décennies.

Alors qu’en 1977 le nombre de personnes incarcérées s’élevait à 29 482 personnes (0,05 % de la population française), elles sont au nombre de 70 059 personnes aujourd’hui (0,1 % de la population française pour 60 151 places opérationnelles.

Au 1er juillet 2018, 23 % (11 274  personnes) des personnes écrouées le sont à cause de vol et 18 % à cause d’infraction à la législation sur les stupéfiants (9 118 personnes). Le nombre de personnes incarcérées pour crime grave reste conséquent : 11 % (5 427 personnes) le sont à cause de viol et agression sexuelle et 10 % (4 874 personnes) pour homicide et atteinte volontaire ayant entraîné la mort.

Un homme jeune non diplômé et inactif

La population carcérale française est essentiellement masculine, jeune et issue de situation précaire. En effet, 4 % des personnes écrouées sont des femmes, 50 % ont moins de 32 ans et environ 25 % moins de 25 ans. Parmi les personnes détenues, 48 % n’ont aucun diplôme et le taux d’activité à l’entrée en détention est inférieur à 50 %. Les troubles de la santé et addictions sont pléthores et mettent en lumière des corrélations sanitaires et sociales.

Le ministère de la Justice indique que les SDF et personnes qui ne sont pas nées sur le territoire français ont huit fois plus de risques d’être condamnées à une incarcération ferme.

Plus d’un quart des prisonniers pratiquent le ramadan

La prison française se caractérise par un fort taux d’incarcération des personnes  de “culture arabo-musulmane”. Selon les statistiques de l’administration pénitentiaire de 2017, 25,81 % (17.899 individus) des 67 000 détenus en France se sont enregistrés pour le ramadan, ce qui est une mesure d’un point bas d’une présence musulmane en milieu carcéral(tous les détenus musulmans ne sont pas pratiquants).

Un biotope mortifère 

100

euros de coût journalier d’une détention

Le taux de récidive est élevé en France : 63 % donc près de deux personnes sur trois retournent en prison dans les cinq années suivant une incarcération. Cette réinsertion défectueuse a également un prix carcéral . Une journée de détention coûte près de 100 euros contre 50 euros pour une semi-liberté et 10 euros pour une surveillance électronique. En moyenne les coûts de détention peuvent être évalués à 32 000 euros par an et par détenu contre 1 014 euros par an et par personne pour une mesure en milieu ouvert.

Conditions de l’incarcération

La surpopulation reste le vrai fait alarmant touchant nos prisons. Dans les établissements, le taux d’occupation est de 116 % en densité carcérale globale et de 139 % en maison d’arrêt (hors places mineurs). Le manque de place entraîne une dégradation des conditions d’emprisonnement. Le taux de suicide en prison est sept fois plus élevé qu’à l’extérieur.

Le « mitard » ou cellule d’isolement, est un endroit clos et obscur où le prisonnier isolé ne peut sortir qu’une heure par jour. Cet enfermement individuel peut durer jusqu’à 30 jours

Le défi terroriste et de la “radicalisation”

Plus de 500 personnes sont incarcérées pour des faits de terrorisme islamiste (TIS) et on compte plus de 1 000 prisonniers de droit commun susceptibles d’être radicalisés (DCSR). Parmis les 137 radicalisés musulmans suivis par le renseignement pénitentiaire en 2014, 22 sont déjà passés par la case prison. Ce lien entre délinquance, prison et radicalisation doit être davantage documenté, il questionne les facteurs de passage à l’acte. Plus en amont, il soulève la question de la tolérance en la violence et du rapport à la sédition, en particulier de jeunes de culture arabo musulmane dans un rapport de 1 à 5 (à milieu social équivalent par rapport à un jeune de culture chrétienne), tels qu’ils ils ont été mis en lumière par le rapport Galland (CNRS 2018). Si tous les prisonniers musulmans ne sont pas des terroristes en puissance, la proportion des personnes incarcérées en lien avec une entreprise de cette nature qui a un passé de délinquant, l’importance nouvelle des femmes musulmanes et converties, laissent entrevoir une problématique d’une toute autre profondeur. Une zone grise des prisons françaises.

Réparer les maillons de la chaîne carcérale

En prison, le suivi des prisonniers souffre d’une discontinuité de temps et d’acteurs.

Repenser la peine : l’échelle

La crise de l’appareil carcéral questionne la manière d’emprisonner les individus. Par exemple, les peines de sûreté sont des peines incompressibles. Elles ne permettent pas d’aménagement. Dans le cas de l’aggravation de la situation, la peine ne peut être également allongée. Ordonnées par un juge ou une autorité administrative lorsqu’un individu est jugé dangereux, les mesures de sûreté sont renouvelables. Ces mesures n’ont pas de fonction éducative ou thérapeutique.

Repenser les peines : le contenu

Contrairement au modèle nordique, la prison française n’organise que très peu d’activités permettant aux détenus de construire une vie future et de se projeter à nouveau dans la société. Le temps d’attente pour l’inscription dans un programme d’enseignement ou de travail est extrêmement long. Peu d’espaces sont dédiés aux activités à cause de la surpopulation. Dans les faits, seulement une heure à une heure trente par jour est consacrée aux diverses activités (enseignement, sport, apprentissage d’un travail, service en prison, ateliers de lutte contre la récidive, arts) contre quatre à cinq heures en Suède.


Le temps passé derrière les barreaux n’est pas un temps fertile, c’est un temps perdu où les rythmes de vie sont abandonnés et où les individus abandonnent peu à peu l’envie de construire ou de reconstruire leur vie future
Gabriel Mouesca 

Les personnels sous pression 

Le personnel carcéral dénonce un manque de reconnaissance, un effectif trop peu nombreux face à la surpopulation carcérale et la dangerosité du métier pour une trop faible rémunération à la clef. La France a un ratio de 2,46 détenus par surveillant ; seuls sept pays européens ne font pas mieux.

Les syndicats réclament une classification des établissements en fonction du type de détenus, notamment en cas d’individus radicalisés. De plus, ils souhaitent que ces établissements soient dotés de personnels appropriés en fonction du public carcéral.

Le système de renseignement carcéral doit être renforcé

Des appareils de sonorisation des cellules peuvent être utilisés pour agir en prévention d’une nouvelle radicalisation. Des techniques de captation des conversations téléphoniques permettent aussi de prévenir la radicalité. La composition des cellules doit être étudiée pour éviter à de jeunes délinquants de se faire radicaliser par d’autres.Enfin, face à la nouvelle donne terroriste, la déconstruction du discours salafiste en prison repose essentiellement sur les aumôniers et non pas sur le personnel carcéral professionnel, en sous-effectif. Il est nécessaire de faire évoluer, d’une part, le processus de recrutement des aumôniers et, d’autre part,  que tous les professionnels puissent bénéficier de formation permettant une prise en charge éducative et psychologique des détenus pour déconstruire le discours rhétorique fondé sur les principes du jihad armé radical.

Après la peine

L’insatisfaction de l’ensemble des acteurs

Lors des États généraux de la condition pénitentiaire de 2006, les détenus se sont exprimés et se sont déclarés insatisfaits à 78 % sur la manière dont ils sont préparés à réintégrer la société. Les autres acteurs du monde pénitentiaire (avocats, magistrats, surveillants pénitentiaires, intervenants extérieurs, familles, personnels de santé et travailleurs sociaux) sont, quant à eux, insatisfaits à 87 %. 

Ainsi les principaux intéressé affirment-ils vouloir « faire de la réinsertion la mission première de l’administration pénitentiaire ». Pour cela ils proposent trois mesures prioritaires : 

  • « Élargir les possibilités d’accès des sortants de prison aux dispositifs d’accueil d’urgence, d’hébergement et de logements sociaux »
  • « Lever les obstacles liés au casier judiciaire pour l’accès à la fonction publique »
  • « Limiter les cas où un employeur peut demander la production d’un extrait du casier judiciaire »

La post-détention

Depuis les attentats de 2015, des lois spéciales ont été mises en place pour les personnes incarcérées pour terrorisme. Ces régimes spéciaux posent la question du suivi individualisé post-détention attaché aux crédits de réduction de peine. Une réforme du dispositif de libération conditionnelle serait alors favorable pour donner la possibilité aux magistrats de prononcer des mesures “libération-expulsion” rapidement en cas de besoin. Il est  nécessaire de coupler ces mesures à une politique de suivi socio-judiciaire sous le contrôle d’un juge. Celui-ci peut exécuter une nouvelle peine d’emprisonnement en cas d’inobservation des obligations décrétées.

La prison à l’étranger


L’usage illicite de stupéfiants concerne 59 % des condamnations pour ILS et représente 3 390 incarcérations en 2015. En 2015, parmi les 58 000 condamnations prononcées pour ILS, 25,7 % ont écopé d’une peine de prison ferme


Les infractions à la législation sur les stupéfiants (ILS) ont été multipliées par plus de 50 depuis leur prohibition en décembre 1970. Selon des chiffres récents, c’est 19 % de l’ensemble des condamnés qui le sont pour ILS. L’usage illicite de stupéfiants concerne 59 % des condamnations pour ILS et représente 3 390 incarcérations en 2015. En 2015, parmi les 58 000 condamnations prononcées pour ILS, 25,7 % ont écopé d’une peine de prison ferme.

A Lisbonne, le consommateur est désormais passible d’amendes ou de travaux d’intérêt général alors que l’effort des forces de l’ordre lusitaniennes est concentré sur la lutte contre les trafics

La politique de décriminalisation menée par le Portugal a permis de diviser par deux le taux de personnes emprisonnées pour ILS, passant de 41 % en 2001 à 20 % aujourd’hui, tout en produisant de meilleurs résultats sur le taux de prévalence aux substances. La démarche et les résultats obtenus par le Portugal posent la question des flux entrants français au regard des résultats sanitaires et sécuritaires.

“Cannabis, comment reprendre le contrôle ?”

C’est une problématique à laquelle le Conseil d’analyse économique a lui aussi répondu par une légalisation contrôlée du cannabis. La dépense publique de la lutte contre le cannabis est estimée à 568 millions d’euros, composée de la répression policière (70 %) de l’action judiciaire (20 %) et des dépenses de soin, de recherche et de prévention (10 %). Elle augmente de 40 % si l’on ajoute les pertes de revenus, de production et de prélèvements obligatoires liées à l’emprisonnement, atteignant 919 millions d’euros. Ainsi le Conseil d’analyse économique préconise-t-il un monopole public du cannabis récréatif de qualité assurant la protection des mineurs, une consommation de meilleure qualité et l’éradication des trafics. Les recettes de la vente seraient allouées aux politiques de prévention ainsi qu’aux politiques de la ville visant les zones de trafic et la réinsertion des trafiquants vers des emplois légaux.

Quelles peines ?

Les chercheurs Di Tella et Schargrodsky, dans une étude nommée « Criminal Recidivism after Prison and Electronic Monitoring », ont comparé des individus libérés de prisons à des individus libérés d’une surveillance électronique à domicile en Argentine. L’utilisation du bracelet électronique en Argentine est appliqué aux individus ayant commis des crimes , ce qui permet d’éluder l’hypothèse d’une solution applicable uniquement aux populations à faible risque. Les résultats révèlent que les personnes ayant porté le bracelet électronique ont une probabilité de 48 % moins élevée, que ceux emprisonnés, de récidiver, à caractéristiques et peines égales.

Dans une étude de 2018, Mueller Smith et Schnepel se sont concentrés sur les effets des reports judiciaires au Texas. Ils permettent aux accusés d’éviter la condamnation formelle par le biais de la liberté conditionnelle. Les résultats montrent que l’absence de condamnation formelle, se traduisant par une non-inscription dans le casier judiciaire, réduit la récidive et le chômage chez les accusés à faible risque pour la société et inculpés pour la première fois, notamment les jeunes cambrioleurs et vendeurs de drogue.

Quelles modalités ?

Dans une étude menée par Keith Chen et Jess Shapiro en 2007, les deux chercheurs ont comparé les effets du temps passé dans des prisons à haute et basse sécurité sur des détenus très similaires. Ils ont alors observé que passer du temps dans des prisons à sécurité plus élevée a un effet négatif sur la récidive. Ces conclusions sont aussi partagées par les chercheurs Drago, Galbiati et Vertova dans une étude menée en 2011. Ainsi, des expériences de prisons moins sécurisées ou « ouvertes » sont développées dans divers pays. 

Mastrobuoni et Terlizzesse ont produit une étude en 2009 intitulée  “Prison Conditions and Recidivism” où ils cherchent à comprendre si la dureté des prisons ainsi que le degré d’isolement des prisonniers du reste de la société affectent le taux de récidive. Durant ce travail, ils se sont notamment intéressés au « Traitement Bollatte ». Bollate est une prison ouverte près de Milan en Italie qui travaille avec des entreprises et possède des salles de convivialité pour les détenus et leur famille. L’étude montre qu’un an de plus dans cette prison, pour peine égale, réduit le taux de récidive d’environ 15 % par rapport à une année ailleurs. Si les caractéristiques du corps social des pays du Nord sont nettement différentes des nôtres, ce n’est pas le cas pour l’Italie. L’ouverture des établissements pénitentiaires est à prendre en considération pour satisfaire l’impératif de réinsertion et lutter contre la récidive. 

Repenser la place de la victime

La peine de prison a une double fonction, de réparation morale et d’éloignement du danger vis-à-vis de la société et de la victime. La loi belge de 1994 a introduit la possibilité d’effectuer une médiation entre la victime et l’auteur pour des faits de faible gravité concernant des mineurs. Forte d’une expérience concluante, la loi de 2005 a élargi la médiation à tout stade de la procédure pénale sans limite sur le type d’infraction. Qualifiée désormais de “restauratrice”, la demande de médiation s’effectue soit de la part de l’auteur, soit de la victime. Elle est assurée par un médiateur qui met l’accent sur un double besoin de la victime : lui permettre d’exprimer des sentiments durs intériorisés et répondre à des interrogations toujours présentes après le procès. De plus, cette mesure permet de réduire l’angoisse autour de la sortie du délinquant de l’appareil carcéral. Une médiation pénale peut aussi être proposée par le Procureur du roi dans le but d’éviter un procès pénal si celle-ci est concluante.

« L’huile de palme durable » (3)

Trois tabous écolos non résolus : après le glyphosate et le train, le nucléaire comme un mal nécessaire dans le mix énergétique, l’ultime transgression de ce triptyque. L’huile de palme « durable » relève-t-elle du greenwashing ou représente-t-elle au contraire une alternative de production en mesure de changer les habitudes des consommateurs ? Analyse.

En Indonésie, le premier facteur du pays au plus fort taux de déforestation est l’huile de palme, c’est une cause de menace essentielle des écosystèmes primaires. C’est là que réside environ 60% de la hausse de la production et près de deux millions de « petits planteurs », soit 40% des palmeraies. Près de 20 millions d’indonésiens en vivent plus ou moins directement avec des revenus plus importants que les cultures traditionnelles. A eux deux, l’Indonésie et la Malaisie regroupent près de 85% de la production.

10%

de la production mondiale est certifiée, tracée et contrôlée

Connue sous l’acronyme de RSPO, cette labellisation, volontaire et indépendante, est notamment soutenue par le WWF. Elle regroupe plus de 500 coopératives représentant 10% de la production mondiale, certifiée, tracée et contrôlée.

De quoi s’agit-il exactement ?

A vocation mondiale, cette démarche vise à maitriser la pression foncière (pas d’arbre abattu pour étendre les surfaces cultivées) et la gestion de l’eau, à augmenter les revenus des indépendants, à développer les communautés locales et à diminuer les risques sanitaires et sociaux. Sa généralisation est une pression sur les modes de productions classiques. En outre, elle est en ligne avec les engagements pris par l’Indonésie sur la réduction des GES.

Des engagements trop peu vérifiables, avancent ses contradicteurs, même si désormais, l’approche High Carbon Stock (HCS) permet d’identifier les forêts à préserver de la culture du palmier à huile. Agir sur la demande et ainsi réorienter la production ? La Chine « avale » la moitié de l’huile mondiale, principalement pour des usages alimentaires, en consommation non labellisée « durable ». Peu de leviers immédiats du côté de ce gros consommateur.

Une réelle alternative pourrait résider dans une pression sur l’offre dont la dimension « durable » est par exemple soutenue par la bioraffinerie de La Mède. Située dans les Bouches-du-Rhône, cette plateforme porte également une ferme solaire pour 13 000 habitants qui dispose, au terme d’un accord passé avec le gouvernement en mai 2018, d’une capacité de production de 300 000 tonnes d’huile de palme avec une garantie européenne (ISCC).

Celle-ci est attribuée sous condition du respect des critères de durabilité et de traçabilité des huiles sur toute la chaine, de leur origine à la raffinerie. Ce site propriété du groupe Total oblige par ailleurs ses fournisseurs à adhérer à RSPO.

Deux autres tabous : la suppression du glyphosate pose des problèmes pour la compétitivité du train et un minimum de nucléaire dans le mix énergétique est nécessaire pour ne pas dégrader (à l’image de l’Allemagne) notre bilan carbone…

L’évaluation de l’école à Chicago

Notre école. Un véritable parcours du combattant dans lequel les parents les mieux dotés culturellement parviennent à tirer parti. Elle laisse en plan une bonne partie d’autres, moins favorisés. Le projet d’école du ministre Blanquer en matière d’évaluation soulève des interrogations de la communauté enseignante. Comment cela se passe ailleurs ? Visite d’un établissement dans un quartier difficile des Etats-Unis.

L’exemple suivi par la Ville de Chicago dans une zone reléguée ne relève ni du miracle et moins encore du miroir infamant. Il bouscule par son originalité. Dans un contexte urbain difficile marqué par une ségrégation sociale et ethnique tenace, l’ancien Maire (Démocrate) Richard M Daley a obtenu la décentralisation pleine et entière des écoles publiques et de leur personnel. C’est une réaction vigoureuse à l’annus horribilis de 1987, couronnement des écoles publiques de la ville comme les pires du pays.

Quels sont les résultats.

Grand changement par rapport à l’ancien système fédéral : les ouvertures et les fermetures des 600 écoles, soit 40 000 employés au total, sont sous la responsabilité du « Chicago Board of Education ».

Quelle est la pierre angulaire de ce projet local éducatif ?

L’autonomie des voies et moyens des chefs d’établissements, soumis à évaluation. La communauté éducative, elle, s’inscrit ainsi dans une feuille de route. Le « manager », responsable de l’établissement, s’engage à évaluer et à publier les résultats sur tous les champs balayés par un « scoring » – de la qualité des enseignants jusqu’à la propreté ou la sécurité – et à en tirer les conséquences organisationnelles.

Très éloignée de la tradition française, la spécificité de l’école publique de Chicago relève d’une liberté qui met au second plan la notion même de « programme » au profit de celle de « progrès » scolaire.

La liberté de recrutement et de fixation des rémunérations des enseignants en sont le corolaire. Il n’est pas rare de voir se pointer au bureau d’embauche nombre d’adultes dont ce n’est pas la profession. Ce sont des porteurs de « projets », parfois des parents ou d’anciens salariés du privé, liés aux parcours des postulants, pour la réussite et parfois aussi pour le pire. Ã charge au directeur de l’établissement d’évaluer l’incidence de ses choix, de revenir sur des orientations pédagogiques, d’établir un « dress code » ou de réviser la rémunération des professeurs, fixée contractuellement, de décider de leur promotion ou de leur rétrogadation. Le bureau de l’éducation supervise la bonne application du code de l’Etat en matière d’éducation et peut autoriser le licenciement des personnels, auditer des établissements.

Que voit-on lorsqu’on pousse une grille d’un établissement de ce type dans une zone de relégation urbaine ? Avant même le serment d’allégeance au drapeau du matin. Un portique pour détecter les armes, filtré par un policier armé à l’entrée, il fait sa ronde la journée dans l’enceinte de l’établissement. On croise des étudiants qui, la plupart du temps, témoignent d’un progrès par rapport à leur ancienne école publique. Les pires d’entre elles ressemblent à certaines écoles françaises.

à Chicago, on y rencontre des tuteurs et des adultes qui accompagnent tôt le matin jusqu’à tard le soir

Considérés comme des « usagers », des enfants sont accompagnés pour se nourrir sainement, faire leur devoir, accéder à des activités périscolaires dont l’expression artistique est le parent riche. En un mot, l’individualisation est privilégiée, l’encadrement sur de larges plages horaires sollicite les ressources budgétaires élargie aux dons.

Dans une main de fer car ici, le règle du « zéro retard » se décline dans un « code de conduite ». Il détaille par le menu les « conduites inappropriées » et une échelle de sanction est adoptée, mise en oeuvre avec réactivité. Elle va du blâme à l’exclusion définitive.

La force de l’exemple vient en contraste provocateur des réactions scandalisées ici par le simple constat de la dimension territoriale d’un projet éducatif. Hélas, dans notre pays, celle-ci s’est imposée de la pire manière au fil des stratégies d’implantations résidentielles et du détricotage de la carte scolaire. Côté contractuels, certaines académies recrutent après un entretien de motivation de quelques minutes. Un pragmatisme sans filet de sécurité resserré l’emporte pour mettre des profs devant les élèves.

En France, l’origine sociale reste deux fois plus impactante sur les trajectoires qu’en Finlande ou même en Corée du sud. L’école primaire, traditionnellement reléguée au second plan dans notre pays, cristallise désormais toutes les envies de réforme. 20% des élèves entrants en 6ème ne maitrisent pas les fondamentaux de la lecture.

 

Le conflit israélo-palestinien en 100 questions

Pourquoi Jérusalem est-elle trois fois sainte ? Mur occidental, mur des lamentations, mur du Burâq, pourquoi trois expressions pour une même réalité ? Que contient la déclaration Balfour de 1917 ? Comment la guerre des Six Jours a-t-elle fracturé la société israélienne ? Qu’est-ce que le « camp de la paix » ? Comment le Hamas s’est-il imposé à Gaza ? Pourquoi les États-Unis et Israël entretiennent-ils une « relation spéciale » ? 14 mai 1948. Du plan de partage adopté par l’ONU naît l’État d’Israël, un État juif voulu par les mouvements sionistes. Son pendant, l’État arabe de Palestine, ne voit pas le jour. Promesses contradictoires faites aux Juifs et aux Arabes par les États mandataires, déplacements des populations arabes, droit des réfugiés, droit au retour, guerres israélo-arabes, terrorisme international, Intifadas, colonies ou implantations israéliennes en Cisjordanie et à Gaza : les cycles de violences se multiplient. Les institutions internationales échouent à trouver des solutions tandis que tous les pays interfèrent, des États-Unis à l’Iran en passant par la Jordanie ou l’Égypte. L’espoir de normalisation impulsé par les accords d’Oslo en 1990 est loin, et l’investiture de Donald Trump ouvre une nouvelle ère des relations israélo-palestiniennes.

En 100 questions/réponses essentielles et à l’aide de cartes détaillées, Jean-Claude Lescure décrypte l’histoire de ce conflit de 70 ans, qui continue d’enflammer une région sous haute tension. Jean-Claude Lescure est professeur des universités en histoire contemporaine à l’université de Cergy-Pontoise. Il enseigne à l’Institut d’Études politiques de Saint-Germain-en-Laye. Dernier ouvrage paru Le Moyen-Orient de 1876 à 1980 (2016)

Religion bouddhique et écoles gouvernementales au Myanmar

Que le Myanmar n’ait rien à voir avec l’Inde et la Thaïlande saute aux yeux et frappe dès les premières conversations autour de l’éducation. La première réalité de ce pays, encore troublé par les conflits ethniques, est que l’immense majorité de la population travaille dans le secteur agricole et vit à la campagne. Pour s’en rendre compte, il suffit de visiter un village comme nous en avons traversé des dizaines : une piste de terre traverse le village dont le seul véritable centre est marqué par le monastère, bâtiment dont la taille est souvent démesurée par rapport au nombre d’habitants et de moines ; des maisons en bambou ou en béton (selon l’aisance des villageois) l’entourent en terrains clairement délimités ; un chemin amène à l’école, bâtiment de plein pied en béton entouré d’une grande cour. Vous avez là les deux piliers du système éducatif du Myanmar : la religion bouddhique et les écoles gouvernementales.

Les deux piliers du système éducatif du Myanmar : la religion bouddhique et les écoles gouvernementales

Dans les campagnes, ces dernières accueillent la plupart des enfants qu’entre 5-6 ans et 13-14 ans. Pendant leurs vacances et après cet âge, ils sont aux champs pour aider leurs parents. Quelques rares enfants vont « en ville » pour continuer leur scolarité mais cela suppose que leurs parents aient de quoi les loger et les nourrir en dehors de chez eux. Le cas semble être rare.

L’enseignement privé existe mais il s’agit d’écoles très onéreuses réservées à une élite aisée pour les écoles privées des villes moyennes, à une élite fortunée pour les écoles internationales de Yangon. Les frais d’inscription dont nous avons entendu parlé sont de plusieurs milliers d’euros par an quand un enseignant gagne 200 dollars par mois, salaire grignoté inexorablement par l’inflation galopante.

Les écoles accueillent la plupart des enfants qu’entre 5-6 ans et 13-14 ans. Pendant leurs vacances et après cet âge, ils sont aux champs pour aider leurs parents

Le deuxième pilier éducatif est clairement le clergé bouddhiste. La particularité du Myanmar par rapport aux pays limitrophes est la place de la religion dans la vie des habitants. Non pas tant la présence quotidienne que le fait que chaque homme et une majorité de femmes sont moines (et nonnes) au moins une fois dans leur vie. La durée va d’un ou deux mois pour un jeune de Mandalay, deuxième ville du pays, à plusieurs années dans la tendre enfance puis à nouveau à l’adolescence, ce qui semble être la norme dans les campagnes. Les enfants y apprennent à lire et écrire…et évidemment à réciter par cœur les textes sacrés.

Les défis du Myanmar restent nombreux, d’autant que sa jeunesse est menacée par deux fléaux et non des moindres : les conflits ethniques qui conduisent certains à rejoindre des armées de guérilla (croiser des jeunes de 17 ans au plus armés des kalachnikovs dans un chemin de montagne est une expérience dont nous nous serions passés) ; la drogue, la culture de l’opium en particulier qui finance ces groupes armés et maintient toutes les zones frontalières en forte insécurité. Tous les habitants rencontrés mettent beaucoup d’espoir dans les changements que pourrait apporter le gouvernement d’Aung San Suu Kyi… sans être dupes du poids encore important de l’armée dans l’appareil gouvernemental.