Chroniques du quartier du Bataclan (#1)
Début des années 2000, à deux pas du Bataclan, à Paris onzième, le quartier du square Gardette/St-Ambroise, est à la peine. Il souffre de désertification commerciale et de « mono-activité ». La multiplication de grossistes asiatiques du secteur textile gagne les toutes proches rues Popincourt et Folie-Méricourt. La tension se cristallise alors sur « les Chinois ». Des tracts finissent par les pointer comme la source des maux. Quels sont-ils : des nuisances liées aux livraisons, des rideaux de fer baissés qui « endorment » le quartier le soir et le réveillent tôt le matin. Le marché de l’immobilier finit également par accuser le coup. La « zone » est peu attractive. Le Parisien tient une chronique du raz-le-bol d’habitants qui ne parviennent plus que difficilement à vendre leur bien, à se garer, à pousser un landau.
Quinze ans plus tard, le paysage a radicalement changé. Avec l’intervention de la ville via la SEMAEST (Société d’Economie Mixte) et son rachat d’une huitaine de commerces, il s’est progressivement transformé. Cette société d’aménagement est habituée à intervenir en pointillé. Dans des quartiers en déshérence commerciale, elle conseille et accompagne la transition de commerces existants, qu’elle cible en potentielles locomotives du redémarrage d’un ilot plus grand. Sans avoir systématiquement recours à l’achat des murs, elle propose également des « protocoles ». Ils engagent l’acquéreur d’un commerce rénové à loyer modéré, sans l’apport initial qui décourage fréquemment nombre d’entre eux.
Une dynamique locale attire une nouvelle clientèle familiale qui renoue avec des commerces plus au goût du jour. Le boucher s’inscrit davantage dans les usages alimentaires, le fromager se veut « concept ». En une petite décennie, la vacance et les grossistes diminuent de près d’un tiers. Et le commerce change et s’élargit en gamme. Avec cette touche du onzième « bobo », porteur d’une histoire frondeuse et reflet des nouvelles tendances.
Tête de pont et figure de la communauté des commerçants du quartier de la rue Oberkampf, « Charly, l’artisan poissonnier » valorise son meilleur fond de commerce à lui : son humanité. Totalement autodidacte, Juif et Pieds noir, il vient du monde de la nuit. Avec 50 francs et un CAP en poche, il débarque de Marseille pour faire sa vie à Paris. Il aurait pu basculer du mauvais côté, cela ne sera pas le cas. Après de « bonnes rencontres » dont celle de son premier employeur, il démarre ici son commerce en 2004. Fédérateur d’initiatives, il innove. Proscrit depuis longtemps le sac en plastique, signe la charte SeaWeb des poissonniers engagés pour la préservation des ressources, initie des « pauses » de personnes SDF par un réseau de commerçants locaux, expose des créations photographiques locales au dessus de ses bacs à poissons. Charly monte sur tous les fronts et motive le conseil de quartier dont il est membre.

Charlie, artisan poissonnier de la rue Oberkampf
Il revient dans cette première partie d’une série de quatre chroniques sur les fondamentaux de son art. Le partage et l’échange. Au lendemain des attentats de novembre, à deux pas, il organise dans son échoppe, une « soupe solidaire » où chacun est invité à apporter sa cuillère. Parcours croisés entre un quartier convalescent, frappé en quelques mois par deux attentats de masse et une icone locale, moteur de sa renaissance.
PODCAST
« Après les évènements, les gens se sont plus ouverts… »
Une série proposée par Jean-Marc Pasquet et Nathalie Tiennot
Photos : Nathalie Tiennot
Pingback: Novo-Ideo | Petite histoire d’une ascension sociale()
Pingback: Novo-Ideo | Paris 11ème : initiative culturelle privée cherche mariage avec Boulevard Richard Lenoir()