Paris : sortir la vieillesse du placard
Face à la canicule et à la pollution, la vulnérabilité des seniors est plus importante. Ce qui ne les incite pas à sortir de leur logement, et accélère l’isolement et la perte de mobilité. Anne Lebreton a publié cette tribune dans le « Huff »le 26 juin 2019.
Un quart des Parisiens aura plus de 60 ans en 2030 et 10% plus de 75 ans. Si le revenu moyen des seniors est plus élevé dans la capitale qu’en France, leur part vivant sous le seuil de pauvreté (15,5%) (souvent dans des quartiers qui sont devenus très chers) et allocataires du minimum vieillesse, est supérieure de moitié au reste du pays. Ces seniors à faibles revenus sont particulièrement touchés par la “précarité énergétique”, ils consacrent plus de 10% de leur revenu à ces dépenses. Beaucoup d’entre eux ne demandent pas les allocations auxquelles ils ont droit: “je me débrouille bien, j’achète en promotion”, “il y en a qui en ont plus besoin que moi”.
Certains ont moins de 300 euros de reste à vivre.
Près d’un quart -souvent suite au décès du conjoint- affecte au paiement de son loyer une part trop importante de ses ressources.
Je veux un Paris qui accompagne les seniors dans leur souhait de couler de beaux jours dans la capitale.
Pour ceux -les plus nombreux- qui sont parfaitement actifs, et jusqu’à souvent plus de 90 ans, cela veut dire qu’ils prennent pleinement leur place dans la vie de la cité: engagements politiques, mandats électifs, emplois complémentaires à leur retraite, engagements associatifs (sans les seniors, aucune association ne fonctionnerait), vie culturelle.
A 70 ans, on s’occupe quelquefois encore de ses propres parents!
Mais pour ceux-là et pour les autres aussi, avec les administrations en charge du grand âge, et les nouvelles “Maisons des aînés et des aidants”, il faut tout faire pour adapter davantage la ville à une réalité grandissante: on vieillit le plus souvent chez soi.
A nous de travailler finement à l’ouverture des droits, de renforcer l’aide à domicile locale, à nous de proposer des solutions pratiques de déplacements, de travailler beaucoup plus efficacement à l’adaptation des logements (petits travaux, isolations, aménagements intérieurs sur la mobilité). Nous devons aussi faciliter les changements désirés vers un autre logement plus adapté. Et pour atteindre ce but, il est nécessaire de lancer une petite révolution: il faut sortir la vieillesse de son placard, il faut en parler, il faut l’anticiper.
Sur le grand âge nous vivons une révolution. La Silver économie est en plein boom. A l’heure de la robotique, et bientôt des voitures sans conducteurs, à 70 ans maintenant, est-on vraiment un senior? A 70 ans, on s’occupe quelquefois encore de ses propres parents!
La robotique ne résoudra pas certains problèmes bien terre à terre liés à l’habitat parisien: descendre d’un 4ème étage d’un immeuble du 17ème siècle sans ascenseur avec une mobilité réduite
La robotique ne résoudra pas certains problèmes bien terre à terre liés à l’habitat parisien: descendre d’un 4ème étage d’un immeuble du 17ème siècle sans ascenseur avec une mobilité réduite, faire face à l’impossibilité réelle de changer rapidement de logement dans Paris où la pénurie de m2 touche tous les aspects de la vie, être seul, le plus souvent seule, avec des enfants qui vivent ailleurs, ou pas d’enfants.
La vision des seniors a également changé. Avoir 70 ans aujourd’hui ne revêt pas la même réalité qu’il y trente ou quarante ans. La vulnérabilité face à la pollution et à la chaleur est pourtant plus importante que lorsqu’on est dans la vie active. La sensibilité quant à la qualité et la capacité de régénération de son environnement de proximité est plus forte. Un environnement dégradé en termes de bruit, de pollution, d’absence de possibilité de ressourcement n’incite pas nos seniors à sortir de leur logement. Ceci accélère l’isolement et la perte de mobilité.
Je m’engage pour que chaque parisien ait à moins de cinq minutes de chez lui un ilot de tranquillité et de fraicheur. C’est la proximité des lieux de vie qui importe, beaucoup plus que d’éventuelles forêts au centre de Paris. Pour se poser en sécurité, dans son quartier, sans la cohue des grands aménagements, je m’engage pour que ces lieux permettent de redécouvrir la rue comme espace où l’on puisse faire simplement une pause. Créons ces espaces près des cafés qui remplissent si souvent un rôle essentiel de lien social réel -et sans aucune reconnaissance publique- pour beaucoup de nos seniors.
Établissons des parcours de promenade verte avec les maires d’arrondissement, les conseils de quartier, les commerçants pour ouvrir nos quartiers trop enserrés dans la minéralité. Ils relieront parcs, jardins et rues ordinaires rendues aux promeneurs, avec des bancs et des arbres en pleine terre qui assumeront pleinement leur fonction de climatisation.
Établissons des parcours de promenade verte avec les maires d’arrondissement, les conseils de quartier, les commerçants pour ouvrir nos quartiers trop enserrés dans la minéralité.
Alors que Dominique Libault vient de rendre son rapport sur la dépendance au premier ministre, accentuons aussi l’effort quantitatif et qualitatif sur les structures de dépendance, en ayant comme objectif d’obtenir le label “humanitude” pour les structures parisiennes: pas de soin forcé, respect de l’intimité, le vivre et mourir debout, l’ouverture de la structure vers l’extérieur qui devient un lieu de vie et d’envies.
Pour les seniors à Paris, trouver des solutions concrètes aux problèmes de solitude, de mobilité et de dépendance seront les trois défis de la prochaine mandature, un travail qui faudra continuer de co-construire avec eux.