Pour une (vraie) réforme territoriale
Désigner les faux coupables
Les concours financiers aux collectivités représentent pour l’essentiel des compensations d’anciens impôts locaux supprimés ou d’exonérations fiscales décidés par l’Etat. En pointant ainsi un faux coupable de la dérive des comptes publics, cette sortie du sous-ministre augure mal de la conférence sur les déficits publics qui s’ouvre ce jeudi 28 janvier.
Alors pourquoi tant de mauvaise foi?
Rétablissons ici la vérité des chiffres. La contribution du déficit des collectivités est de l’ordre de 0,2 à 0,4% du PIB Sur un total de 8,2% atteint en 2009 dont 80% pour le seul budget de l’Etat alors même que leurs dépenses, hors transferts opérés par les décentralisations de 1982 et de 2004, restaient globalement stables depuis 1982. ([Une étude récente de la Caisse d’Epargne (CNCE 2009) évalue hors effet des décentralisations la part des dépenses locales dans le PIB à 7,2%, stables depuis 25 ans.)] La dette de l’Etat représente près de 87% de la dette de la Nation alors que celle des collectivités est de l’ordre de 7,5% seulement..
L’Etat impécunieux et injuste
Au final, le secteur local, acteur mineur du déséquilibre des finances publiques sera-t-il pointé comme coupable principal des choix fiscaux en matière fiscale depuis 2002? Dans cette vaste entreprise idéologique de redistribution à l’envers, le portefeuille des classes moyennes se vide de jour en jour pour alléger l’imposition des plus fortunés et des grandes entreprises qui le rendent fort mal.
Cette politique financée par le déficit ne prépare pas l’avenir. Elle allège certains contribuables dans le temps présent par un recours massif à la dette. Tout l’inverse des collectivités qui financent près de 50 milliards d’? d’investissements par an, autofinancés aux deux tiers, soit les trois quart de l’effort d’équipement national.
Il faut le dire clairement : la conférence sur les déficits publics s’ouvre sous de mauvais auspices.
Elle découvre davantage la stratégie présidentielle déjà dévoilée par la suppression de la taxe professionnelle en préambule d’une réforme fiscale à venir.
Le plan secret de la réforme territoriale
Il ne faut pas être grand clerc pour deviner les choix institutionnels à venir.
Préservé, le « bloc communal » conserve toutes ses latitudes fiscales alors que les Conseils généraux ne maîtriseraient plus que le taux sur le foncier bâti, maigre poire pour la soif pour faire face à des charges croissantes liées à la montée en puissance des dépenses sociales([ Les dépenses sociales des conseils généraux représentent plus de la moitié de leurs budgets dans un contexte de montée en puissance rapide de la dépendance (vieillesse, handicap?), des nécessités sur la politique de l’enfance et de la mise en ?uvre du RSA (transféré par l’Etat) et depuis le 1er janvier 2010, du Contrat unique d’insertion.)]. En ligne de mire principalement : les Régions dont la capacité à lever l’impôt à été neutralisé en attendant?leur rapprochement avec les Départements après 2014?
Dans tous les cas, le gouvernement a manqué une nouvelle fois le chemin de la simplification territoriale, en créant un acteur supplémentaire (la Métropole) tout en laissant en suspens dans cette politique de gribouille la place de la ruralité.
PS et UMP s’entendent dans un statu quo
Pour ce qui est des voies de la simplification administrative, il faut regretter aussi le statu quo imposé par le consensus des deux grands partis. PS et UMP n’ont pas touché aux départements, pourtant voué à la disparition dés le début des années 2000 par le rapport Mauroy avant?que le PS ne devienne majoritaire dans les Départements.
Cette institution napoléonienne est un acteur de la « proximité ». A moins que ce mot cache des réalités moins dicibles : rapports de clientèle et pertes en ligne sont le quotidien de l’exception française en matière territoriale.
Les résultats sont connus : la crise urbaine de 2005 et le récent rapport de l’IGAS sur la pauvreté en milieu rural pointent les insuffisances de notre balkanisation des politiques publiques([ Ce rapport de janvier 2010, publié sur le site du ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche dresse un état complet des connaissances sur les phénomènes de pauvreté en milieu rural.)].
Pointées à tort responsables des déficits publics, mises à mal par les réformes fiscales, les collectivités sont le coupable idéal : trop proches pour être abstraites, trop affaiblies pour répondre. D’autant qu’avec le conservatisme relayé par les associations d’élus, le Président de la République voit là un nouveau terrain d’approche de sa méthode, toute axée sur le mouvement davantage que sur la réforme.