Régions : suppression de la taxe professionnelle ou la décentralisation à rebours

A quelques mois des élections régionales, le projet Sarkozy de suppression de la Taxe professionnelle (TP) ressemble en cela à ce petit supplice qui pourrait provoquer quelques hydrocutions.

Les Régions entament leurs derniers mois de gouvernance : le Président voudrait changer le locataire de la salle de bain qu’il ne s’y prendrait pas autrement.

Cet acteur local de la dépense a augmenté son débit de politiques publiques de plus de 50% en cinq ans. De quoi inquiéter l’Etat tout affairé au maintien de ces dépenses en laissant filer ses ressources fiscales. Deux tiers des produits de la fiscalité directe des régions proviennent des entreprises qui font l’objet d’un réconfort constant du côté de l’Etat. Comment faire partager ce souci à des collectivités moins sensibles à cette préoccupation?

Par la force

Le projet de la suppression de la taxe professionnelle (TP) pour les Régions s’en inspire. Celles-ci ne percevraient plus la TP, 800 Millions d’? au total, ainsi que les parts régionales des taxes sur le foncier bâti concernant les propriétaires. Le produit de cette perte serait compensé par une dotation de l’Etat (une subvention calculée sur un produit fiscal * taux fixé nationalement) appelée « cotisation complémentaire à la cotisation territoriale » (CCCT) ainsi que d’éventuelles taxes kilométrique sur les voies ferrées, une taxe sur les centres téléphoniques et/ou sur les antennes relais?en clair, quelques bricoles.

Privées de leur possibilité de voter les taux de cet impôt dotation (CCCT), les Régions ne pourraient désormais agir que sur le prix des cartes grises, soit environ 10% de leurs recettes de fonctionnement en moyenne ainsi qu’un fraction de TIPP représentant 1 à 2 centimes du litre de carburant. Aucun impôt régional ne viendrait désormais ponctionner les ménages.

Fin de l’autonomie financière des Régions

Les Régions critiquent par la voix de l’ARF l’opacité de la réforme, la perte d’autonomie qui en résulte. Le fait que la répartition du nouveau produit de la nouvelle dotation se fera sur les bases fiscales actuelles ce qui, en l’absence de péréquation, se ferait au détriment des Régions les plus pauvres.

L’ARF souligne par ailleurs « l’incohérence » du projet gouvernemental qui rompt le lien entre l’implantation d’entreprises et la perception des fruits par le territoire alors qu’elles demandent dans le même temps un rôle de chef de file dans le domaine économique.

En moyenne, ce projet se traduirait par la perte d’environ 25 points d’autonomie fiscale : c’est la part de la fiscalité directe dans les recettes de fonctionnement des Régions.

Le projet n’est pas bouclé mais on devine en filigrane une sorte de marche à reculons pris par la décentralisation depuis 25 ans, contrainte par des ressources de plus en plus étatisées. Plus tard, après les élections (?), un nouvel épisode avec la réorganisation des compétences entre collectivités.

La fin de la fameuse clause de compétence générale aux départements et aux régions viendrait conclure une séquence dont on peut entrevoir l’issue : des collectivités de fait recentrées sur leur « c?ur de métier », poussées par un Etat central qui, comme le clamait Montalivet, « doit savoir tout ce qui se fait ».