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Manger, se divertir, s’évader dans le Paname de 2030

Comment se nourrira-t-on au fait ?

Je pense que la plupart des « bobos parisiens » des années ’30 auront pris conscience de la nécessité d’une alimentation plus saine, plus respectueuse des ressources naturelles et de l’équilibre biologique de la terre : plus de bio et moins de viande, voire une généralisation des circuits de proximité du style Amap (association pour le maintien d’une agriculture paysanne).

Dans un sens plus utilitariste, la multiplication des crises sur les marchés agricoles au niveau mondial, comme ce à quoi on a assisté en 2007-2008, aura redonné du sens à la notion de « sécurité alimentaire » en France, d’autant plus que la pénurie des énergies fossiles utilisées, entre autres pour le fret maritime et le transport routier, aura rendu moins « compétitifs » les denrées importées.

Des fermes à Paris ?

J’ai encore un peu de mal à envisager de voir pulluler les potagers ou les fermes en ville…

à quoi joueront les Parisiens en 2030 ?

Les loisirs électroniques (jeux vidéos, jeux en réseau…) ont à mon avis beaucoup d’avenir auprès des jeunes, et pas seulement. Mais je n’y suis pas sensible moi-même alors il m’est difficile de prédire leur évolution dans le détail.

On ne sortira plus de chez soi ni de la ville ?

Les Parisiens ont toujours eu un goût pour les loisirs en plein air, je ne vois pas pourquoi ça devrait changer du jour au lendemain. Peut être donc qu’à la place de Paris Plage l’été on aura… la ferme à la ville tiens !

Je serais tentée également de rendre hommage au chanteur Mickey 3D avec sa chanson « il faut que tu respires ». On ira prendre des vacances plutôt dans des gîtes à la campagne que sur la Côte d’Azur toute bétonnée, qui sera un sanctuaire has been pour vieux riches réac-écolosceptiques ! 🙂

En résumé, Paris en 2030, ça sera presque mieux qu’aujourd’hui non ?

En résumé, si le scénario catastrophe n’a pas complètement lieu et ne rend pas toute politique publique purement impossible, je pense que d’ici 20 ans, tous ceux qui auront le luxe de pouvoir vivre à Paris se seront résignés de bon coeur à adopter un mode de vie le plus écolo possible. Mais le réglement global des problèmes n’est pas à la portée de Paris.

Car en fait, les problèmes du Paris actuel se déplacent vers la banlieue sans jamais être véritablement traités à la source. Comment peut-on voir tout cela d’un oeil positif ? Ã mon avis, c’est parti pour que ce soit les plus mal lotis qui pâtissent des effets du dérèglement climatique et des autres problèmes environnementaux.

Un exercice de prospective : Paris 2030 !

Pour Paris dans 20 ans, tu es plutôt optimiste ou pessimiste ?

Paris a un peu tendance à se vivre comme ville du futur, ce qui devrait encourager un certain optimisme. On constate une petite révolution dans la politique mise en oeuvre depuis le début des années 2000 par rapport à ce qui se faisait avant.
Les principales tendances devraient se poursuivre : désenclavement des quartiers pauvres, verdissement des logements et des équipements, développement et diversification des transports en communs (ligne 14, tram, Vélib’…), valorisation des espaces verts, etc.

à quoi est-ce dû d’après toi ?

Sans vouloir faire de prosélytisme, l’entrée des écologistes dans les mairies d’arrondissement et au conseil de Paris doit y être pour beaucoup dans l’amélioration du cadre de vie des parisiens et des politiques environnementales.

Qu’est-ce qui pourrait aller mal finalement ?

En terme d’immobilier, Paris intra-muros est malheureusement déjà un peu victime de son succès. Même à supposer qu’en 2030 le maire de Paris soit issu du parti écologiste national, il aura du mal à contrecarrer une logique dictée de l’extérieure : celle des marchés.

En effet, sauf à ce qu’il se produise un véritable changement de paradigme économique et financier à l’échelle globale (au demeurant assez utopique pour le moment), il y a fort à parier que d’ici là Paris se sera vidé de sa diversité sociale et culturelle, exception faite des individus qui auront eu la chance ou le privilège d’obtenir un logement social. Ainsi, en grossissant le trait, Paris deviendrait une ville de riches et de petits vieux (ceux qui auront pu devenir propriétaires de leur logement quelques dizaines d’années pus tôt).

Une ville sans diversité sociologique ?

Les quartiers mythiques comme Château Rouge ou Belleville n’abriteront plus beaucoup de personnes d’origine africaine et maghrébine. Tout au mieux quelques foyers chinois et indiens refléteront le succès confirmé des nouveaux pays émergents d’Asie.

Pourtant, on devrait avoir à loger plusieurs milliers de réfugiés écologiques au cours du 21e siècle.

La question des réfugiés climatiques ne concernera pas le Paris traditionnel, mais plus probablement sa lointaine banlieue. Probablement sous la forme de nouveaux ghettos d’ailleurs, à la manière dont ils se sont constitués dans les années 1970 avec les vagues d’immigrations en provenance des anciennes colonies.

Justement, comment vois-tu les relations futures entre Paris et « sa » banlieue ?

Il devrait y avoir, disons qu’il faudrait, plus d’inter-connexions avec la banlieue proche, un peu sous la forme du Grand Paris tel qu’il est pensé aujourd’hui, et malgré la résistance de certains responsables politiques. Ça implique par contre un effort accru dans le développement des transports en communs, plus rapides et plus à la carte. En résumé, moins de voitures individuelles pour faire de la place aux transports collectifs.

Les transports c’est une chose, mais comment vois-tu l’urbanisme de Paris 2030 ? Toujours plus haut ?

Je ne crois pas à un Paris à la New York, pleins de skyscrapers [gratte-ciel en anglais] comme l’envisagent certains, notamment notre maire actuel. Cela affecterait la cohérence architecturale de la ville, mais surtout, quoiqu’on en dise, la logique environnementale à l’?uvre en matière d’habitat et d’urbanisme.

Pourtant, certains projets se vantent de bâtir des green towers, des tours économes en énergie, voire autonome.

On peut toujours parier sur de futures prouesses technologiques. La réalité est que nous n’avons pas non plus le temps de tester plusieurs générations de skyscrapers pseudo-écolo avant d’arriver à quelque chose de plausible. Et puis la question des tours est trop rattachée symboliquement à la ghettoïsation des minorités en France, il n’y a qu’à voir la résistance des habitants de la porte de la Chapelle, où plusieurs projets de construction de tours ont subi un revers ces dernières années.

Si ce n’est pas la construction de tours, quelle est la priorité selon toi ?

Ce sera de s’adapter aux variations climatiques et de rendre l’habitat plus vivable face à d’éventuels pics caniculaires, plutôt que de s’atteler à remplir le tonneau des danaïdes du nombre de demandeurs de logement/bureau à Paris. Par contre, je ne peux pas vraiment suggérer quelles seront les technologies utilisées pour faire face à ce défis puisqu’elles restent en grande partie à inventer, et que je n’ai pas de compétences scientifiques en la matière. Je souhaite simplement qu’on explore ces pistes plutôt que d’autres.

Qu’en sera-t-il selon toi de la tranquillité publique des Parisiens ?

Dans le domaine de la sécurité : à mon avis Paris sera très safe. Il n’y aura pas besoin de la vidéo-surveillance pour cela. Je pense que d’ici là le projet en cours aura montré ses limites et aura été retiré, à l’exception peut être de certaines zones proches des centres d’affaire et/ou administratifs… Simple question de rapport coût / efficacité.

Tu veux dire qu’il n’y aura plus d’insécurité ?

Non pas que l’insécurité n’existera plus, mais elle se sera déplacée à la périphérie de la ville, où l’État policier est moins présent en général.

Rien de bien positif là dedans en fin de compte…

à mon avis, on va vers un échec des politiques de prévention. Ces dernières sont très largement annihilées par les méthodes punitives et arbitraires appliquées jusque là, avec un effet assez irréversible sur les personnes qui en sont victimes.

Comment imaginer Paris en 2030 dans ses frontières actuelles ?

Paname prend le large

Engoncée dans ses 100 kms2, la capitale étouffe dans une densité exceptionnelle en Europe, sans plus de foncier disponible pour apporter les logements et les espaces publics dont elle a besoin. Point d’espaces verts d’envergure nouveaux à l’horizon 2020.

Après la victoire de la gauche en 2012, la nouvelle loi territoriale a remis à plat l’ancienne réforme Sarkozy pour faire passer définitivement Paris par-delà les frontières du périph’. Illustration de cette révolution urbaine : des ponts sur la Seine accueillent commerces, bureaux et logements. Quelques téléphériques franchissent les derniers pans des boulevards circulaires qui n’ont pas été enterrés, des navettes fluviales de la RATP se sont remises à transporter des travailleurs dans toute la Région Ile de France qui a pris ses aises. D’ailleurs, il n’y a plus désormais qu’une douzaine de Régions dans la France de 2030 et autant de métropoles.

Les nouveaux gouverneurs élus au premier degré à la tête des intercommunalités franciliennes ont acquis la légitimité du suffrage universel. Des grands projets articulés autour du métissage urbanité-ruralité ont éclos. Portés par cette nouvelle légitimité intercommunale, des projets « impossibles » en 2010 sont aujourd’hui des expériences partagées dans toute la nouvelle Ile de France.

La part de l’agriculture biologique a explosé, les anciens parisien-NE-s prennent désormais leur Pass-Navigo une zone pour pénétrer l’ancienne banlieue qu’ils ne regardaient que de loin, 20 ans plus tôt. L’idéal de mixité sociale a repris corps. Les barrières culturelles tombées, des catégories sociales et moyennes de l’ancien Paris intra muros vont s’installer dans le « nouveau Paris » comme on dit aujourd’hui, : à Clichy, à Montreuil ou Sarcelles, attirés par les nouveaux pôles économiques et culturels qui ont joué comme autant de pompes aspirantes.

Idéal de mixité sociale

Du coup, le marché immobilier de « l’ancien Paris » s’est détendu. Les classes moyennes et populaires ont un accès à un parc de logement dont le prix du mètre carré a chuté à la suite de cette révolution territoriale. Avec l’élection d’une Maire écolo en 2014, la municipalité de la vieille ville est enfin passée du plan climat aux travaux sur le bâti. On pense, travaille, se cultive et se distrait à l’échelle francilienne, au plus près de chez soi mais sans peur de déménager ou « s’exiler ». Aujourd’hui, les perceptions de 2010 font sourire. Montmartre fait presque figure de vieux Disney.

Les jeunes et « néo-bobos » vivent en petite couronne, celle qui touche les anciennes frontières franciliennes. Ils partent en week end dans la toute proche Picardie dont les côtes ont détrôné les plages de La Baule, trop « old fashion ». La ville de Creil (dans l’ancienne Oise) est à un quart d’heure de la Gare du Nord. Sa population a doublé du fait de l’éco-plan gouvernemental de logements, décidé fin 2012. Autour du théâtre de la Faïencerie, c’est un nouveau poumon vert qui fait office de parc de la Villette pour les 21e et 22e arrondissement, au nord-est de l’ancienne capitale. Et bien plus loin encore.

Dans les cafés de Cergy, on se souvient des vieux écolos parisiens de l’année 2010 qui avaient du mal à se projeter ailleurs que dans le Paris intra-muros. Quand le sage montre la lune?