Pour Paris dans 20 ans, tu es plutôt optimiste ou pessimiste ?
Paris a un peu tendance à se vivre comme ville du futur, ce qui devrait encourager un certain optimisme. On constate une petite révolution dans la politique mise en oeuvre depuis le début des années 2000 par rapport à ce qui se faisait avant.
Les principales tendances devraient se poursuivre : désenclavement des quartiers pauvres, verdissement des logements et des équipements, développement et diversification des transports en communs (ligne 14, tram, Vélib’…), valorisation des espaces verts, etc.
à quoi est-ce dû d’après toi ?
Sans vouloir faire de prosélytisme, l’entrée des écologistes dans les mairies d’arrondissement et au conseil de Paris doit y être pour beaucoup dans l’amélioration du cadre de vie des parisiens et des politiques environnementales.
Qu’est-ce qui pourrait aller mal finalement ?
En terme d’immobilier, Paris intra-muros est malheureusement déjà un peu victime de son succès. Même à supposer qu’en 2030 le maire de Paris soit issu du parti écologiste national, il aura du mal à contrecarrer une logique dictée de l’extérieure : celle des marchés.
En effet, sauf à ce qu’il se produise un véritable changement de paradigme économique et financier à l’échelle globale (au demeurant assez utopique pour le moment), il y a fort à parier que d’ici là Paris se sera vidé de sa diversité sociale et culturelle, exception faite des individus qui auront eu la chance ou le privilège d’obtenir un logement social. Ainsi, en grossissant le trait, Paris deviendrait une ville de riches et de petits vieux (ceux qui auront pu devenir propriétaires de leur logement quelques dizaines d’années pus tôt).
Une ville sans diversité sociologique ?
Les quartiers mythiques comme Château Rouge ou Belleville n’abriteront plus beaucoup de personnes d’origine africaine et maghrébine. Tout au mieux quelques foyers chinois et indiens refléteront le succès confirmé des nouveaux pays émergents d’Asie.
Pourtant, on devrait avoir à loger plusieurs milliers de réfugiés écologiques au cours du 21e siècle.
La question des réfugiés climatiques ne concernera pas le Paris traditionnel, mais plus probablement sa lointaine banlieue. Probablement sous la forme de nouveaux ghettos d’ailleurs, à la manière dont ils se sont constitués dans les années 1970 avec les vagues d’immigrations en provenance des anciennes colonies.
Justement, comment vois-tu les relations futures entre Paris et « sa » banlieue ?
Il devrait y avoir, disons qu’il faudrait, plus d’inter-connexions avec la banlieue proche, un peu sous la forme du Grand Paris tel qu’il est pensé aujourd’hui, et malgré la résistance de certains responsables politiques. Ça implique par contre un effort accru dans le développement des transports en communs, plus rapides et plus à la carte. En résumé, moins de voitures individuelles pour faire de la place aux transports collectifs.
Les transports c’est une chose, mais comment vois-tu l’urbanisme de Paris 2030 ? Toujours plus haut ?
Je ne crois pas à un Paris à la New York, pleins de skyscrapers [gratte-ciel en anglais] comme l’envisagent certains, notamment notre maire actuel. Cela affecterait la cohérence architecturale de la ville, mais surtout, quoiqu’on en dise, la logique environnementale à l’?uvre en matière d’habitat et d’urbanisme.
Pourtant, certains projets se vantent de bâtir des green towers, des tours économes en énergie, voire autonome.
On peut toujours parier sur de futures prouesses technologiques. La réalité est que nous n’avons pas non plus le temps de tester plusieurs générations de skyscrapers pseudo-écolo avant d’arriver à quelque chose de plausible. Et puis la question des tours est trop rattachée symboliquement à la ghettoïsation des minorités en France, il n’y a qu’à voir la résistance des habitants de la porte de la Chapelle, où plusieurs projets de construction de tours ont subi un revers ces dernières années.
Si ce n’est pas la construction de tours, quelle est la priorité selon toi ?
Ce sera de s’adapter aux variations climatiques et de rendre l’habitat plus vivable face à d’éventuels pics caniculaires, plutôt que de s’atteler à remplir le tonneau des danaïdes du nombre de demandeurs de logement/bureau à Paris. Par contre, je ne peux pas vraiment suggérer quelles seront les technologies utilisées pour faire face à ce défis puisqu’elles restent en grande partie à inventer, et que je n’ai pas de compétences scientifiques en la matière. Je souhaite simplement qu’on explore ces pistes plutôt que d’autres.
Qu’en sera-t-il selon toi de la tranquillité publique des Parisiens ?
Dans le domaine de la sécurité : à mon avis Paris sera très safe. Il n’y aura pas besoin de la vidéo-surveillance pour cela. Je pense que d’ici là le projet en cours aura montré ses limites et aura été retiré, à l’exception peut être de certaines zones proches des centres d’affaire et/ou administratifs… Simple question de rapport coût / efficacité.
Tu veux dire qu’il n’y aura plus d’insécurité ?
Non pas que l’insécurité n’existera plus, mais elle se sera déplacée à la périphérie de la ville, où l’État policier est moins présent en général.
Rien de bien positif là dedans en fin de compte…
à mon avis, on va vers un échec des politiques de prévention. Ces dernières sont très largement annihilées par les méthodes punitives et arbitraires appliquées jusque là, avec un effet assez irréversible sur les personnes qui en sont victimes.