Comprendre les crises par leur histoire
Malgré ces nécessaires imprécisions, la théorie de Kondratieff permet de donner un éclairage historique à certains phénomènes :
– les conflits de répartition (pouvoir d’achat, protection des rentes,…) ne peuvent trouver de réelle solution que dans le démarrage d’une nouveau cycle, c’est à dire dans l’innovation et la croissance
– le rôle de l’industrie financière est ambivalent, puisqu’elle fournit à la fois les moyens de financement des innovations de première phase, et les mécanismes complexes qui facilitent les excès et qui préparent la fin de cette phase. La crise des subprimes illustre parfaitement ce second rôle, le premier correspondant davantage au rôle du capital risque ou du Nasdaq dans le développement des géants du logiciel et de l’internet américain.
– les politiques de la concurrence, les règles du commerce mondial et le système de protection sociale jouent également un rôle important, notamment dans le cycle actuel. En effet, en phase de « destruction créatrice », les entreprises vont chercher à atteindre une rentabilité qui ne sera plus à la portée de certaines d’entre elles. Pour cela, elles vont rechercher des marges de manoeuvre sur leurs principaux facteurs de production – dont le facteur travail (réduction des hausses de salaire, efforts de productivité,…). Elles le feront d’autant plus qu’elles sont concurrencées par des pays pratiquant des normes sociales nettement moins exigeants (et donc dans lesquels les entreprises trouvent plus facilement la solution à leur difficultés aux détriments des salariés). Par ailleurs la « destruction créatrice » sera d’autant plus difficile et douloureuse que le modèle social protège les statuts plutôt que les personnes (sur cette question essentielle, lire l’article lumineux de John Sutton).
Notons enfin qu’un bon indicateur de cycle à surveiller est le secteur d’embauche des jeunes diplômés. Les fonctions les plus valorisées marquent en effet les priorités d’une époque…