Eolien marin : pourquoi ça n’avance pas (ou si peu)
La France a donc prévu d’installer 25 000 MW d’ici 2020 ? 6 000 MW pour l’offshore et 19 000 MW pour l’éolien terrestre. L’appel d’offre en cours du gouvernement ne verra pas ses premiers mâts éoliens sortir de l’eau avant 2016. Pourtant, « La compagnie du vent », filiale d’Electrabel ([Groupe Suez : 200 000 collaborateurs et un chiffre d’affaires de plus de 80 milliards d’euros en 2010)], a proposé il y a quelques années, à quelques encablures du Tréport et Saint-Valery-sur-Somme un projet d’une ampleur inédite. Au terme d’une consultation publique conduite en 2010, un dossier toujours en suspens.
POURQUOI EN MER ?
Parce que les capacités sont plus fortes que sur terre, les vents plus réguliers et que la France dispose de larges façades maritimes bien ventées. La météo se prévoit : une éolienne de ce type fournit de l’électricité à 90% de son temps. Même à puissance partiellement développée, « l’équivalent pleine puissance » atteint les très bons niveaux de 30 à 40%. Une éolienne marine de 5 MW de puissance va produire, en moyenne, 50 % d’électricité en plus que son homologue terrestre, soit environ 18 millions de kWh par an, ce qui représente la consommation électrique moyenne de plus de 6 000 foyers (hors chauffage).
Le projet des Deux Côtes aurait pu faire date et rendre une Région comme la Picardie (1,8 millions d’habitants) quasi-autonome d’un point de vue énergétique.
Ce projet de parc éolien situé à 14 Kms des côtes serait d’une puissance de 705 mégawatts ([1 mégawatt = 1 million de Watts)] et composé de 141 éoliennes de 80 mètres de haut, espacées de 630 mètres et de 5 mégawatts chacune représentant la consommation annuelle d’électricité pour environ 900 000 personnes.
UN INTERET PAS SEULEMENT ENERGETIQUE
Outre l’atout touristique mesuré par des enquêtes récentes, les expériences de parcs de ce type révèlent que « l’effet récif artificiel » participe au développement de la ressource halieutique.
Sur un plan fiscal, la taxe spécifique aux éoliennes en mer ([Loi de finance 30 décembre 2005, article 76)] devrait représenter environ 8 millions d’euros, versés pour moitié aux intercommunalités concernées et d’autres part en faveur d’un fonds national pour les activités maritimes de pêche et de plaisance.
Le développement économique local induit est aussi significatif. L’investissement lié à ce projet approcherait 1,8 milliard d’euros avec une valeur ajoutée au trois quarts nationale et régionale. Une quarantaine de personnels permanents sur 20 ans au titre de la maintenance et près de 2800 emplois seraient créés pour les phases d’ingénierie, de fabrication et de pose ([Source : Compagnie du Vent)]. Pour le cabinet de consulting Capgemini, qui a publié récemment une étude sur le potentiel du tissu industriel français en matière d’éolien pour le Syndicat des énergies renouvelables (SER) et l’Ademe, la construction de parcs offshore dopera le projet de la France de se doter d’une filière nationale de l’éolien. Cette analyse est partagée par PricewaterhouseCoopers ([Dans un un rapport publié en décembre 20110, le cabinet de consulting soulignait les «atouts de la France» pour rattraper son retard, à condition toutefois de «lancer rapidement l’appel d’offres».)] .
Dans un premier temps bloqué par la présence possible de mines sur la zone, les points de blocage actuels de ce projet sont liés à une question de droit d’occupation… des sols. Il faut aussi compter avec les pêcheurs, touchés par la hausse des carburants et dont une frange s’obstine à vouloir revenir vers une pêche sans avenir, affranchie de tous quotas.
Il reste la question de la place des autorités publiques. Là où la filière nucléaire a fait l’objet en son temps d’un soutien massif en fonds propres, le développement de l’éolien doit compter uniquement sur les tarifs de rachat par EDF
Les décisions récentes du gouvernement dans ce domaine sont autant de coups portés à la filière des renouvelables.
LE RETARD FRANCAIS
De l’autre côté de la Manche, les Britanniques bénéficient de plus de dix années d’avance et pourraient doubler leur potentiel, déjà champions d’Europe, pour atteindre 10% de la consommation électrique du pays.
En France, le Groupe Louis Dreyfus Armateurs, premier employeur français de navigants, déjà positionné sur le dossier SeaFrance, pourrait proposer ses services aux consortiums en lice. Ce groupe familial dispose d’une grande expérience de plusieurs décennies dans la pose et la maintenance de câbles marins. De quoi alimenter les tenants d’une filière industrielle de la phase de conception jusqu’au démantèlement([ Lire l’article du 9 janvier 2012 du quotidien « Les Echos » : « LDA veut participer à la construction d’une filière française)].
La France possède le deuxième potentiel éolien d’Europe (après le Royaume-Uni), estimé à 66 TWh sur terre et 90 TWH en mer, soit au total 156 TWH, soit environ 30 % de la consommation nette de la France prévue en 2020.
En matière de réduction de nos émissions de CO2, en 2020, un parc de 25 000 MW (produisant 43 TWh par an) devrait permettre d’éviter l’émission par le secteur énergétique de 16 millions de tonnes de CO2 par an.