Transports publics régionaux : les moyens d’une nouvelle ambition
Mais avec quel argent ?
Pour éviter la dispersion des ressources, la réforme territoriale en cours aurait pu simplifier la carte de notre organisation administrative. Il n’en sera rien. Dans son rapport du mois de novembre 2009, la Cour des Comptes reconnaît que «s’agissant des transports non urbains de personnes, en l’état actuel du droit, il conviendrait que régions et départements recherchent une meilleure complémentarité entre les services organisés par les seconds au titre de leur compétence de droit commun en matière de transports par car, et les services routiers de substitution au »ferroviaire qui relève des premières ». L’exemple de l’imbroglio sur la question du contournement de la capitale révèle à quel point le Gouvernement se défie des collectivités, en comprend mal leur logique volontariste et démontre, dans ce domaine également, que le mouvement n’équivaut pas au changement.
Mais il y a plus grave encore. Le volet fiscal de cette réforme territoriale a consisté à supprimer toute possibilité d’utiliser le levier de l’impôt pour assumer la compétence Transports qui constitue aujourd’hui plus du quart du budget des Régions. Comment dès lors assumer cette responsabilité au «c?ur de métier régional » sans affecter nos autres priorités, notamment dans le domaine de l’emploi et du logement ?
Dégradation des conditions de transports, besoin d’une forte remise à niveau de nos infrastructures et des matériels tout en garantissant une participation équitable aux voyageurs. Dans un contexte d’attaque frontale de la droite sur les collectivités locales et de réduction d’autonomie fiscale, la tentation du statu quo n’est pas la nôtre.
A l’heure des transitions écologiques et sociales que nous souhaitons accompagner, pour créer des emplois tout en «décarbonant » nos économies, nous devons tout à la fois répondre aux urgences du moment, liées à la croissance du trafic et préparer l’avenir : celui d’une société moins addictive à la voiture et plus économe en ressources.
Cartes grises
Pour répondre à ces défis, nous faisons le pari de l’efficacité et de la solidarité. L’ensemble de nos collectivités collecte chaque année près de 2 milliards d’Euros au titre des Cartes grises pour un tarif moyen de 34 euros par cheval vapeur. Chaque année, beaucoup de Présidents de Régions ont l’?il rivé sur le tarif des voisins afin de pratiquer (ou d’empêcher), disons-le puisque c’est la réalité, un dumping fiscal pour s’attirer les immatriculations. Cette politique du moins disant fiscal, nous la condamnons quand le gouvernement la pratique. La cohérence et l’efficacité nous demandent d’interrompre cette spirale d’une concurrence qui assèche nos budgets régionaux et bride notamment notre effort en faveur de nos trains.
Pour cela, nous proposons une harmonisation des tarifs régionaux de Carte Grise en les alignant sur le tarif de 50 euros. Parce que nous sommes conscients que nous devons préserver les autres domaines d’intervention de nos collectivités, nous proposons de les affecter à un fonds commun des Régions, porté par un établissement public, et entièrement dédié aux Transports publics par le rail. La mise en commun d’une telle ressource au sein d’une «Caisse régionale des transports » présenterait bien des avantages. Elle serait une réalisation commune issue d’une volonté commune de nos collectivités de franchir ce plafond de verre du financement des besoins en transports collectifs. Elle représenterait un montant supplémentaire proche de 700 millions d’euros qui autoriserait cette «Caisse régionale des Transports » de lever des ressources sur les marchés financiers de l’ordre de 12 fois supérieur.
8 Milliards d’Euros. Cette somme est considérable : elle permettrait d’accroître d’un quart la capacité d’investissement totale de l’ensemble des Régions de France sur cette mandature. Isolée dans un fonds commun régional, cette ressource financerait nos équipements en transports collectifs par la taxation de la voiture. Voilà comment concrètement on pourrait financer notre effort de conversion des trafics de la route vers le rail et autres sites propres. Au-delà de l’intérêt pédagogique et financier d’un tel dispositif, notre proposition est également un acte concret de solidarité passé entre les Régions. Laissons de côté la question de la répartition régionale de cette nouvelle ressource que nous proposons de collecter. Si toutes n’ont pas en effet les mêmes besoins en matière de transports collectifs, elles pourraient ainsi bénéficier de la qualité de signature des plus importantes d’entre elles pour en collecter un financement abondant au meilleur prix.
Parce que l’imagination et la solidarité restent nos meilleures armes pour ?uvrer à la conversion écologique des territoires,nous appelons à ce mouvement qui loin de rallonger la liste déjà longue des souffrances des salariés et des familles doit être une nouvelle source d’émancipation et de progrès social.
Cette tribune a été publiée le Jeudi 2 juin 2011 sur Lemonde.fr