Articles

Garder l’Euro, ajouter les Drachmes

ROME ET LES MONNAIES LOCALES

 

Loin d’être originale, la coexistence de deux ou plusieurs monnaies a été la norme pendant toute l’histoire humaine. Exemple le plus connu : Rome. L’empire avait une monnaie commune, le Sesterce, lequel coexistait avec plus d’une centaine de monnaies locales. Le Sesterce avait cours dans tout l’empire, comme l’Euro aujourd’hui, facilitant les échanges, tant commerciaux qu’administratifs (entre le pouvoir impérial et les Provinces). Le Sesterce, grâce à son universalité, servait au paiement des impôts au pouvoir central, finançant les infrastructures de l’empire (dont les fameuses voies romaines), mais aussi comme unité de comptes, et, plus prosaïquement, à la constitution de l’épargne de chacun.

En même temps, les Province et les ville majeures, surtout en Orient (En effet, d’après l’historien Gilles Bransbourg, les monnaies régionales sont surtout le fait des Provinces d’Orient, probablement en raison de la plus grande intégration de Rome, la Gaule, la Bretagne et l’Ibérie. De là à y voir un « noyau dur » équivalent à celui existant aujourd’hui en Europe à l’Allemagne et sa périphérie, il y a un pas qu’on ne franchira pas.)], émettaient une ou plusieurs monnaies locales (près de 350 au IIIème siècle AD), dont l’origine était antérieure à l’empire Romain, lequel a eu l’intelligence de les laisser perdurer. Ce faisant, Rome permettait à chaque économie de conserver une pouvoir de création monétaire propre, mais limité géographiquement. L’inflation potentielle étant circonscrite à la Province considérée, le Sesterce impérial restait stable (au moins pendant tout le Haut Empire), étalon d’un système monétaire à la fois multiple et unitaire.

FAIRE TOURNER LA PLANCHE A BILLET

 

Quel intérêt ? Tout simplement de faire « tourner la planche à billets » localement et assurer l’approvisionnement local en numéraire en fonction des besoins réels, sans dépendre du pouvoir central. De fait, ces monnaies locales, complémentaires du Sesterce, permettait aux Provinces d’apporter à leurs économies l’oxygène indispensable en cas de crise : des liquidités ciblées.

C’est exactement l’outil qui fait défaut aujourd’hui à la Grèce. Ne pouvant dévaluer sa monnaie, l’économie grecque est figée par la rigidité de l’Euro. L’austérité exigée par ses partenaires de l’Eurozone est légitime pour maintenir le rang de l’Euro, mais dévastatrice pour une économie au point mort. D’où la tentation de sortir de l’Euro et revenir à la Drachme, afin de pouvoir librement créer des liquidités, atténuer le poids de sa dette et investir pour transformer son économie.

DES DRACHMES AUX EFFETS INFLATIONNISTES CIRCONSCRITS

 

En reprenant l’exemple de Rome, la Grèce pourrait rester dans la zone Euro tout en émettant en parallèle des Drachmes régionales pour relancer son économie par la création monétaire locale. Le caractère régional permet d’éviter la confusion avec le retour à une monnaie nationale, laquelle doit rester l’Euro. Donc « des » Drachmes, une par région grecque, émises par des banques centrales régionales, fédérées par la Banque centrale nationale grecque, retrouvant un rôle de création monétaire, mais indirect, via les régions. En outre, l’intérêt de ces monnaies régionales est réduire l’impact inflationniste potentiel sur les autres membres de la zone Euro.

L’autre (immense) avantage de cette solution qui laisse perdurer l’Euro en Grèce est d’éviter la spoliation des épargnants grecs et donc la ruée inévitable vers les banques en cas de sortie de l’Euro. Car s’il est un danger réel d’une sortie de l’Euro, c’est bien celui-ci : l’assèchement des circuits bancaires, non pas seulement en Grèce, mais en Espagne, au Portugal, en Italie, en France… bref, la fin de l’Euro et du système bancaire actuel.

Concrètement ? Pour lancer quelques pistes, posons que la monnaie régionale aura cours légal uniquement dans la région d’émission. La Drachme macédonienne en Macédoine, la Drachme Athénienne à Athènes, etc., pour effectuer tous les paiements de produits et services locaux : alimentation, artisans, loyers, impôts locaux, spectacle, etc. Corollaire du cours légal régional, les commerçants et propriétaires de la région seront obligées d’accepter tout paiement effectué en Drachmes, exception faite des biens industriels directement importés sans transformation locale (tel un iPad par exemple).

MONNAIE REGIONALE, FONDANTE ET ELECTRONIQUE

 

Les Drachmes seraient fondantes, c’est à dire que leur valeur disparaît après une période de temps, par exemple 2 ans. Cette caractéristique évite la thésaurisation et oblige à sa circulation, pour irriguer l’économie locale. Ces Drachmes régionales seraient sous forme électronique, type Moneo, ce qui permet de gérer plus facilement leur caractère fondant (comme sur Skype lorsqu’on a pas utilisé son compte crédité). Enfin, leur conversion en euros ne serait ouverte qu’aux seuls commerçants (et non aux particuliers) pour les Drachmes reçues en paiement, avec une décote de 5 % (bien entendu, ces mêmes commerçants pourront utiliser ces Drachmes à valeur pleine pour payer leurs fournisseurs).

Leur émission s’effectuerait via les salaires et les traitements des fonctionnaires, lesquels seraient versés en partie en Euros et en partie en monnaie régionale, par exemple pour un quart en monnaie régionale. Une suggestion : que ce premier versement s’accompagne d’une augmentation de 25 % sur la partie payée en Drachme, afin que le message soit clair pour toutes et tous : il s’agit d’un outil de relance.

EXEMPLE

 

Prenons un fonctionnaire de Thessalonique, payé aujourd’hui 2 000 euros à titre d’exemple. Il recevra 1500 Euros et 500 Drachmes de Thessalonique majorée de 25 %, soit 625 Drachmes. Ces 625 Drachmes lui serviront à payer par exemple ses courses auprès de la coopérative des agriculteurs locaux, une sortie au Theatro Dassous et payer une partie de son loyer : bref, faire marcher l’économie locale. Et ce, en préservant la valeur de l’Euro, étalon de notre système monétaire, en lui souhaitant la même longévité que le Sesterce : cinq siècles !

Retrouvez les contributions de Franz Vasseur, Avocat à la Cour sur [son blog :

Lisbonne : la crise est-elle moins pénible au soleil ?

– Regarde au pieds du pont du 25 avril !

En contrebas, mon guide pointe ce qu’il considère comme le « Portugal d’avant ». Quelques dizaines de baraquements regroupés en une petite favela, des gosses remuants qui fuient la canicule dans une eau boueuse. En surplomb, des manufactures abandonnées, cernées par des décharges sauvages. Sur la rive de Cacilhas, la cité portuaire qui fait face à Lisbonne laisse à l’abandon des entrepôts sans occupation. Un port en perte de vitesse, des commerces à l’arrêt et une population populaire au régime sec.

A côté des débarcadères où accostent les ferrys de la capitale toute proche, même la traditionnelle table à cinq euros pour une patate-sardine ne fait plus recette. Cela ne date pourtant pas d’hier. La petite industrie s’est fait la malle avant la crise de 2009, vivement concurrencée par l’intégration des nouveaux entrants de l’Union. Rien ou presque n’a pris le relais.

QUESTIONS AUTOUR D’UNE BANQUEROUTE

Comment ce pays qui semblait bénéficier à plein des effets de l’intégration économique au début des années 2000 s’en retrouve à demander au FMI l’équivalent de la moitié de son PIB ? Ou sont passées les réalisations d’un endettement public et privé qui représente 300% de la richesse nationale ? Plus qu’ailleurs, la récession a révélé les faiblesses d’une économie fragile, dopée à l’euro.
Qu’a-t-il manqué au Portugal pour être acculé à une telle banqueroute ?
Probablement l’essentiel, analyse Joao Jarvis,, économiste doctorant à Porto. «De ne pas avoir cru en notre propre avenir. Des productions banalisées, des salaires trop élevés par rapport à d’autres pays qui comme nous ont raté le virage de la qualité et de l’économie de la connaissance ».

Il ne trouve pas beaucoup de circonstances atténuantes aux majorités successives, frappées par le discrédit quand ce n’est pas le mauvais usage de l’argent public. « On dira ce qu’on voudra, mais c’est bien la pression internationale qui a fait renoncer José Socrates (1)Le précédent premier ministre socialiste à un second aéroport lisboète ou au gouffre annoncé d’une ligne à grande vitesse reliant la capitale à Madrid. Dans le même temps, on a dilapidé les fonds européens ou on les a mal utilisé en reculant devant la modernisation d’un grand port comme Sines par exemple, très en dessous de ses potentialités. Mais le plus grand échec est probablement lié à notre jeunesse, grande sacrifiée des politiques. »

DEFICIT DE FORMATION

L’OCDE évalue le nombre des détenteurs de diplômes d’enseignement secondaire à environ 20 % des Portugais entre 25 et 64 ans, contre 70 % en moyenne dans l’ensemble des pays membres. La moitié de la population active n’a pas atteint 9 années de scolarisation. Selon un récent rapport du Sénat , « ce manque de formation n’a pas été sans incidence pour les entrepreneurs au détour des années cinquante et soixante. Ceux-ci n’ont pas su réinvestir les sommes liées à un premier décollage économique »(2)Rapport d’information n° 249 -(2010-2011) de M. Jean-François HUMBERT, fait au nom de la commission des affaires européennes, déposé le 19 janvier 2011. Le taux de prélèvement obligatoire du Portugal, proche de celui de la Grèce, est près de dix points inférieur à celui de la France. « Forcément, notre système de santé et d’éducation reflètent ces choix : nous avons dépensé trop en autoroutes et insuffisamment dans les hommes ».

La grande crise fait ici davantage de ravages. Par un phénomène brutal de substitution, la proportion d’étudiants promus serveurs de bars s’est considérablement accrue depuis 2010. Les non diplômés, la grande majorité, se trouve rejetée à la plus grande périphérie du déclassement social : gareurs de voitures, vendeurs à la sauvette, survivants des allocations sociales. Ces derniers sont amicalement poussés par les associations locales à remplir les stades vidés par la crise pour ne pas peser, dit-on, sur le moral des joueurs. Un internaute du forum des « Framboètes » (3)http://www.facebook.com/groups/framboetes/?ref=ts , des français lisboètes signale : « le centre commercial Dolce Vita Tejo voit ses boutiques fermer quasi quotidiennement faute de clientèle ». Même du côté des cadres, le parfum de la dépression vire au vinaigre. Maria, diplômée du supérieur, est chargée d’immobilier d’affaires. Elle a toujours un job en phase avec son niveau de formation et s’estime privilégiée. Pourtant, son salaire majoritairement constitué d’une part variable s’est effondré depuis deux ans. Elle aussi fait plus attention qu’avant.

Dans la tempête, quelques gagnants. Une chauffeur de taxi affirme bénéficier du changement des comportements : « les jeunes font de plus en plus de covoiturage, la crise a plutôt augmenté le nombre de mes courses mais a vidé un peu les bus », lâche-t-elle dans un grand rire.

ECONOMIE A CREDIT ET CORRUPTION

Je file en taxi sur la route des plages, à quelques minutes de Lisbonne. Par la fenêtre, défilent des maisons murées, taguées à l’encre rouge d’un « Aqui podia viver gente » (Ici pourraient vivre des gens), signées par le « Bloc des gauches », coalition de la gauche radicale. Un panneau publicitaire vante les tours partiellement occupées de « la ville du futur ». Dans un café qui longe la côté toute proche de Costa da Caparica, le patron pleure l’année précédente. Aujourd’hui, les locaux délaissent la carte des poissons pour celle des crédits à la consommation, réglant sandwichs à bon marchés, remboursés sur deux ou trois ans. Le pouvoir d’achat portugais est le plus faible des pays de la zone euro mais il a été puissamment soutenu par les banques, « plus enclines à financer les ménages que les entreprises »(4)Rapport du Sénat, Janvier 2011 .

Les discussions de la clientèle, la plupart issue des classes moyennes de Lisbonne et de ses environs, évoquent à coups de « N?o faz mal » (C’est pas grave), une forme de fatalisme qui serait propre aux portugais et une corruption galopante. L’autre soir, une coupure de courant a interrompu un grand concert de fado dans l’indifférence des organisateurs. On se repasse en boucle l’histoire des trois fonctionnaires de la ville venus contrôler la conformité de travaux intérieurs d’une maison et les moyens employés pour faire passer son dossier au dessus de la pile.

« L’EFFONDREMENT DE LISBONNE »

A la une de ce magasine spécialisé dans l’immobilier, on titre sur le délabrement d’un bâtiment sur cinq et le marché délaissé par les propriétaires. A la veille des dernières municipales, les panneaux d’autorisations de rénovation ont été accrochés à la hâte à leurs fenêtres. Depuis, rien n’est venu si ce n’est les agents de la police qui sanctionnent les chantiers « illégaux » de résidents excédés par les lenteurs municipales.

Les récentes élections législatives ont porté une majorité de centre-droit au pouvoir. Cet entrepreneur expatrié d’un grand groupe approuve « les mesures qui visent à harmoniser avec la moyenne européenne les périodes d’indemnisation de chômage », c’est-à-dire en les diminuant. Il pointe également les contrats de travail qui ne sont plus résiliables après leur période d’essai, sauf en cas de licenciement collectif ou d’une « juste cause », comme autant de freins à l’embauche. La réalité est sensiblement différente. Si la législation du travail lusitanienne fait écho à une tradition protectrice de l’Etat, acquis de la « révolution des billets », elle n’a pas empêché le développement d’un marché de l’emploi le plus dual. La création des « recibos verdes » (5)Littéralement les « reçus vert », l’équivalent de nos autoentrepreneurs réservée à l’origine pour les professions libérales, sans droit aux indemnités chômage et maladie ni aux congés, est aujourd’hui souscrit par environ 20 % de la population active. L’État portugais emploie environ 140 000 personnes sous ce régime.

IMPASSE DE LA « RIGUEUR »

En focalisant sur les éléments d’équilibre budgétaire et de « fluidification » du marché du travail, les organismes internationaux prônent une cure d’austérité la plus dure depuis 1983. Elle ajoute à la difficulté de vivre de plus de 2 millions de portugais disposant de la moitié du salaire moyen et de 3% de la population qui s’approvisionne auprès des banques alimentaires. Ce faisant, les causes profondes du mal développement portugais risquent d’enrailler toute sortie du trou noir. Dans l’ancien quartier ouvrier du Bairro Alto, les cafés branchés drainent habituellement une foule jeune, bigarrée et les touristes attirés par une authenticité encore préservée. Carlo a obtenu l’équivalent du Bac et travaille comme comptable avec une paie de près de 800 euros, proche du salaire moyen.

« Si je veux reprendre mes études même sans m’arrêter de bosser, cela sera hors de prix. Qu’ont fait nos gouvernements depuis notre entrée dans l’Union ? Ils ont endetté le pays et tout cela pourquoi? Je ne peux même pas avoir accès à un diplôme pour progresser dans mon métier sauf à davantage m’endetter »

Cette inquiétude interroge aussi bien les priorités du gouvernement portugais réduit au coups de pieds de l’âne que les capacités du fonds européen de stabilité financière, jugé trop coûteux et insuffisamment doté. Cet Eté 2011 à Lisbonne, dans le haut du classement des nouveaux « spots » des capitales européennes : un peu moins de locaux, un peu plus de touristes. Encore faut-il-être prêt à les accueillir. L’objectif de réduction drastique des déficits ne laisse que peu de marge à une politique de formation, grande oubliée des deux dernières décennies.

Notes   [ + ]

Mali : on manque de drones

La France a envoyé 2 de ses 4 drônes de type Harfang (d’origine israélienne), qui volent à 5000 m d’altitude, réaliser des missions de surveillance et de renseignement. Ceux-ci opèrent à partir du Niger. Comme le Ministre de la Défense l’a reconnu « nous manquons de drones », d’où l’obligation d’avoir une aide américaine. Ce manque de moyen vient relancer le débat sur les drones, sur la nécessité de soutenir une industrie française ou de poursuivre une coopération européenne ? Ã moins que la solution ne soit d’acheter auprès des Etats-Unis ? Les réponses arriveront certainement lors des débats et des décisions issus de la loi de programmation militaire.

EADS et Dassault cherchent en tout cas chacun à conforter leur position auprès du Ministère de la défense. Le premier est ainsi en pourparler avec le Mindef pour prolonger le contrat du drone Harfang jusqu’en 2017 (et non plus 2013). De plus, cet industriel tente de franciser le drone US Reaper, un drone qui peut être armé. Dassault, lui poursuit son objectif de produire le drone Heron TP (en collaboration avec la société israélienne IAI) ; un drone plus onéreux qui avait le soutien de l’ancien Ministre de la défense G. Longuet.

Les Etats-Unis apportent une contribution importante dans la guerre du Mali, grâce à l’envoi du drone d’observation en haute altitude Global Hawk. Le Niger va accueillir ainsi sur son territoire des drones non armés de type Predator ou Reaper. C’est la première fois que les Etats-Unis disposeront de deux bases (la première étant à Djibouti) sur le continent africain.

L’ONU vient d’ouvrir une enquête sur le recours aux drones pour éliminer des terroristes ciblés dans les opérations antiterroristes. Le juriste britannique Ben Emmerson, émissaire spécial de l’ONU pour l’antiterrorisme et les droits de l’Homme est chargé de réaliser cette mission qui porte plus précisément sur 25 attaques réalisées au Pakistan, au Yémen, en Somalie, en Afghanistan comme dans les territoires palestiniens. Des attaques qui ont été perpétrées par les Etats-Unis et Israël. Il faut remarquer que cette enquête a été mise en place « grâce » au soutien très actif de la Russie, de la Chine et du Pakistan.

Nouvelles : Turkish Aerospace Industries, vient d’annoncer la fin des essais du nouveau drone Anka. Côté israélien, Israel Aerospace travaille sur la conception de drones miniatures en forme de papillons à des fins de renseignement. Enfin Berlin a testé, durant 6 heures, début janvier son drône à haute altitude EuroHawk, issu d’une coopération entre Northrop Grumman et Cassidian, filiale d’EADS. Ce système qui assurera des missions de renseignement devrait être livré en 2016.

« Arrêtez la bombe ! » : un cri de raison

«?Arrêtez la bombe?!?»*. C’est le titre de l’ouvrage que j’ai écrit avec Paul Quilès ancien ministre de la Défense et Bernard Norlain, général d’armée aérienne. ([P. Quilès, B. Norlain, JM Collin « Arrêtez la bombe ! », Editions du Cherche Midi, 28 février 2013.)] C’est aussi le message en substance qui a été délivré ces 4 et 5 mars 2013 lors de la conférence intergouvernementale sur les?conséquences humanitaires des armes nucléaires, organisée par la Norvège, où 132 Etats étaient présents pour comprendre, évaluer et savoir comment réagir face à l’impact humanitaire immédiat d’une explosion nucléaire.

L’armement atomique est classé dans la catégorie des armes de destruction massive (tout comme les armes chimiques et biologiques), en raison de son pouvoir de destruction non discriminant (les populations civiles comme les militaires), de ses effets dans le temps, sur l’environnement et sur toute forme de vie. Cette typologie, à la différence d’une arme utilisant des explosifs classiques, en fait donc une arme particulière, son utilisation constituant une menace directe pour l’humanité et la biosphère. Ce danger a été conceptualisé en 1983 sous le nom d’hiver nucléaire?: une théorie élaborée par Richard Turco et Carl Sagan. Ils démontrent que, suite à un conflit nucléaire, l’une des conséquences serait un refroidissement radical du climat, en raison des masses de poussières soulevées dans l’atmosphère, affectant la chaîne alimentaire donc la survie de la faune, de la flore et de l’homme.

Beaucoup pensent que cette théorie n’est plus valide, car elle était fondée sur l’hypothèse d’un affrontement nucléaire mondial entre les Etats-Unis et l’URSS. Malheureusement, il n’en est rien. De récentes études et une amélioration de la modélisation climatique ont montré qu’une guerre régionale (Inde/Pakistan) aurait des conséquences tout aussi dramatiques pour l’ensemble de la planète. Devant le risque majeur, que ce type d’arme peut engendrer pour le destin de l’humanité, il est vital que les citoyens soient mis devant leurs responsabilités en acceptant d’attribuer à leur chef d’état ce «?droit du bouton nucléaire?».

Mais, pour être mis devant leur responsabilité, il est obligatoire que le dogme de la dissuasion nucléaire qui règne – depuis la mise en ?uvre de la composante nucléaire aéroportée en 1964 – soit ébranlé. Une religion d’Etat qui perdure, alors même que la Guerre Froide est terminée depuis près de 25 ans. Il faut dire que cette religion a inculqué une trinité bien étrange?: la sécurité, le prestige et le faible coût. Bien sûr, cette prière particulière à la Sainte Bombe se conclut par un Amen d’un genre étrange, celui du tabou, assurant un silence absolu face à toute opposition ou plus simplement face à toute interrogation sur la place et le rôle de cet armement non conventionnel dans la défense de la France au 21ème siècle.

Notons également que, dans cette communication doctrinale, les termes employés ont non seulement été sacralisés – renforçant une nouvelle fois le dogme? mais qu’ils sont quasi incompréhensibles pour les citoyens, qui, devant cette complexité de langage, s’en remettent obligatoirement «?aux experts?officiels ». Des experts qui, malgré les évolutions politiques, restent eux, en place. Les contre vérités sont, elles aussi, nombreuses et elles varient au fil du temps. C’est ainsi qu’hier, la dissuasion nucléaire constituait la garantie ultime du territoire, mais demain celle-ci devra être complétée par un bouclier anti-missile. Doit-on en conclure que, sans ce bouclier, nous serions en danger?? La dissuasion ne nous protègerait donc pas??

Le désarmement nucléaire est une obligation à laquelle la France s’est engagée en ratifiant (1992) le Traité de non prolifération nucléaire, comme en approuvant le document final de révision de ce traité en 2010, qui énonce que les puissances nucléaires s’engagent à « atteindre l’objectif d’un monde exempt d’armes nucléaires ». Pour cela, elles s’engagent « à accélérer les progrès concrets sur les mesures tendant au désarmement nucléaire ». Les États-Unis et la Russie, ont les plus grands arsenaux, mais sont dans un processus de désarmement comme le démontre leurs actions et le récents discours sur l’état de l’Union du Président Obama. Les Britanniques, eux, s’interrogent sur l’avenir de leur système d’armes Trident pour des raisons d’utilité et budgétaire. Seule la Chine ne rentre pas dans cette catégorie. Notons cependant que sa doctrine nucléaire indique le principe du «?non usage en premier?» de l’arme, enfin Pékin accepte l’idée d’une Convention sur les armes nucléaires.

Notre pays a été actif dans le domaine du désarmement. Mais depuis trop d’années maintenant, il refuse de contribuer pleinement et positivement à ce processus mondial pour aller vers un monde sans armes nucléaires. D’ailleurs, cette opposition se manifeste par son refus de participer à la Conférence d’Oslo, comme par son regard négatif à l’égard des Etats qui supportent cette délégitimation de l’arme nucléaire.

Dans notre livre, nous indiquons comment la France pourrait agir concrètement pour participer à cet effort mondial. Ã travers des mesures fortes (cesser la modernisation de l’armement nucléaire, améliorer la transparence de ses arsenaux, ?) et une série d’initiatives diplomatiques (telle la promotion de l’élimination des armes nucléaires tactiques américaines d’Europe, ?). La France doit relever ce défi et ne plus être sous le joug de la bombe.

Tout comme il a été fait état pour la première fois à Oslo, de manière concrète, des conséquences pour les populations civiles de l’utilisation d’une arme nucléaire, nous souhaitons que, pour la première fois, une vaste réflexion et un débat soient lancés et s’installent durablement en France avec l’ensemble des acteurs politiques, scientifiques, universitaires et de la société civile.

Chroniques d’un hiver européen : Athènes

Série documentaire audio-photo racontant le quotidien des habitant/es de l’Europe en crise, « Chroniques d’un hiver européen » est un projet évolutif débuté en novembre 2011 en auto production, crowd funding et sous licence libre par le Français et résident berlinois Etienne Haug.

Hiver 2013 : les Grecs entrent dans la sixième année de la plus longue récession de l’histoire du capitalisme. Le contenu déjà réalisé ne représente que le début de chroniques en plusieurs saisons, la prochaine explorant entre autres la situation en Irlande. La première saison des « Chroniques d’un hiver européen » compte 3 épisodes de 45 minutes accompagnés d’un contenu vidéo. Athènes, de la récession à la dépression, Athènes, l’engrenage de l’austérité et Athènes, la quête d’un ailleurs, à écouter/voir ci-dessous, racontent le quotidien de quelques habitant/es d’Athènes en décembre 2011 et la façon dont la politique imposée par la « Troïka » (Commission européenne, Banque centrale européenne, FMI) les plonge dans une impasse. Ils sont agencés avec les images des photographes Anna Civetta, Stefania Mizara et Achilleas Zavallis, grâce à la collaboration de la commissaire d’exposition Camille Pillias et des monteurs français Nelly Ollivault et Sébastien Lecordier (Radiofonies Europe).

Ces trois épisodes relèvent scrupuleusement les signes et les manifestations de la crise à travers le vécu des Grecs de la classe moyenne. Les témoignages font entendre ce que signifie concrètement, tant sur le plan pratique que psychologique, le fait de vivre dans un pays où le consensus social qu’on pensait acquis depuis des décennies se trouve détruit en seulement quelques années.

Visionner « Chroniques d’un hiver européen », épisode 1 : Athènes, de la récession à la dépression

Chroniques d’un hiver européen – Episode 1 : Athènes, de la récession à la dépression from Radiofonies Europe on Vimeo.

Visionner « Chroniques d’un hiver européen », épisode 2 : Athènes, l’engrenage de l’austérité

Chroniques d’un hiver européen – Episode 2 : Athènes, l’engrenage de l’austérité from Radiofonies Europe on Vimeo.

Visionner « Chroniques d’un hiver européen », épisode 3 : Athènes, la quête d’un ailleurs

Chroniques d’un hiver européen – Episode 3 : Athènes, la quête d’un ailleurs from Radiofonies Europe on Vimeo.

Retrouver (et suivre) « Chroniques d’un hiver européen » sur :
http://hivereuropeen.wordpress.com/
www.radiofonies.eu/Chroniques-d-un-hiver-europeen.html
www.facebook.com/eurowinter

Le projet « Chroniques d’un hiver européen » est en licence libre Creative Commons : il est permis (et même vivement recommandé) de le partager, de l’utiliser et de le diffuser gratuitement à la seule condition de citer les auteurs et le site internet http://hivereuropeen.wordpress.com.