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Check list pour la CoP 21

Depuis près de deux ans, la France a été désignée pour accueillir et présider la grande conférence Climat, la « CoP 21 », censée faire mieux que Kyoto : définir des objectifs de réductions de gaz à effet de serre, juridiquement contraignants et sans exemptions, dans le but de respecter une limite de 2° C pour l’augmentation moyenne de la température de la planète. Il s’agit donc d’avoir le courage de laisser inexploitées une grande partie des ressources énergétiques fossiles connues, principale­ment le charbon, mais peut-être aussi, pour ne pas faire peser tout l’effort sur les consommateurs d’élec­tri­cité chinois, indiens et polonais, une partie du pétrole et du gaz connus, en particulier ceux que l’on peut qualifier de « non conventionnels » par les types de roches où ils se trouvent (schistes, …) ou par leur localisation (océan arctique…)

La première condition est de répartir équitablement ces efforts, pour éviter qu’il y ait de manière trop nette des gagnants et des perdants, ou alors que ce soit d’une manière juste. C’est donc un exercice de diplomatie consistant à tirer le meilleur parti des relations internationales et des rapports de force tels qu’ils existent. De fait, la présidence française comporte moult diplomates de métier, le ministère des affaires étrangères est très impliqué, et c’est très bien comme ça. Elle comporte aussi des spécialistes du développement durable en général, pour qui ce sera une première grande expé­ri­ence professionnelle et qui seront la face souriante de la négociation, et surtout des communicants… évidemment, les entreprises sont aussi encouragées à se manifester (elles l’auraient fait de toute façon), mais d’une manière qui oscille entre le greenwashing et ce que l’on trouvait encore récem­ment dans Libé, aux pages « éco-futur » : des idées sympathiques, mais jamais un chiffre sur leur potentiel réel et surtout sur leurs coûts, donc sur leur soutenabilité financière.

 Pour dessiner un monde nouveau, car c’est bien de ça qu’il s’agit, il faut sans doute élargir le spectre de compétences à mobiliser.

On reproche assez à la gauche de ne penser qu’à répartir les richesses avant même de les avoir créées. Pour sauver le climat, répartir les efforts, c’est bien, mais autant le faire en s’assurant qu’ils sont bien les plus faibles possible. Et pour cela, ce sont d’autres compétences que celles des diplo­mates et des communicants qui seront utiles : des économistes, en particulier des spécialistes de l’économie indus­trielle ; des scientifiques ; des prospectivistes …

 Une conférence, c’est enfermer des gens qui ont des intérêts divergents, et ne les autoriser à sortir que quand ils seront tombés d’accord. Ça se termine donc forcément par un psycho­drame, chacun tentant de céder le moins possible en espérant que les autres cèdent à sa place, puis, quand on est enfin au bord du gouffre, un peu d’esprit de coopération peut finir par pointer le bout de son nez. C’est quand les résistances sont usées par la fatigue physique que, aux forceps et sous l’effet de la caféine, on peut accoucher de l’accord. Comment, dans ces conditions, alors que la perte de lucidité de la part des négociateurs est une condition même de la possibilité d’un accord, s’assurer que celui-ci sera un compromis optimal entre exigences climatiques et économiques ?

La réponse, c’est de disposer d’outils d’aide à la décision. Sans doute des petits logiciels, où l’on pourrait rentrer les paramètres essentiels qui sont en discussion, et qui seraient capables de dire que telle solution, qui apparaîtrait équivalente à telle autre aux yeux fatigués des protagonistes, serait en fait meilleure, ou moins bonne.

L’important est que ces logiciels d’évaluation soient reconnus comme objectifs et impartiaux par les négociateurs, mais justement, la période de préparation de la conférence peut servir à cela. Deux ans ont déjà été perdus, mais il reste de l’ordre de huit mois, il est peut-être encore possible d’agir en ce sens.

J’ai parlé, à dessein, de l’intérêt de faire intervenir des « économistes, en particulier des spécialistes de l’économie industrielle ». Pour l’instant, les seuls économistes qui prennent la parole sur la CoP 21 sont les économistes du climat. Ce sont en fait des économistes classiques, qui croient à la main invisible du marché et pour qui tout sera pour le mieux si on donne aux émissions de gaz à effet de serre un prix le plus uniforme possible : ensuite il n’y a qu’à laisser les acteurs économiques s’y adapter au mieux en fonction des données technico-économiques de leurs propres secteurs d’activité.

C’est vrai, en ce sens qu’avoir un prix du CO2 élevé dans un secteur et faible dans un autre (ce qui est trop souvent le cas), c’est accepter des gaspillages dans certains cas et se priver de leviers d’action bon marché dans d’autres. Donc travailler sur l’institution d’un prix uniforme du CO2 est utile, et si, déjà, la présidence française faisait appel à ces économistes du climat pour créer des outils d’aide à la décision pour bien encadrer la négociation finale, ce serait une excellente chose. Mais on peut aussi l’espérer à propos d’autres problématiques économiques.

Par exemple, faut-il que l’accord qui sortira de la conférence prévoie tout de suite une forte réduction des émissions, et ensuite juste de continuer sur cette lancée, ou d’abord des actions préparatoires, sur les infrastructures, sur la mise sur pied d’une industrie puissante dans les renouvelables, etc., et seulement dans un second temps des résultats visibles ? Connaissant la forte propension des hommes politiques à prendre des décisions dont la charge ne pèsera que sur leurs successeurs, et donc la pro­pension des ONG à se méfier de tout renvoi des obligations de résultat à un futur incertain, on voit mal en quoi la théorie du prix uniforme du CO2 suffirait à résoudre cette méfiance réciproque. En revanche, avoir un avis éclairé d’économistes des transports, d’économistes des économies d’énergie dans le logement, d’économistes de l’industrialisation du renouvelable, tout cela pourrait aider à concevoir de tels instruments d’aide à la décision, bien utiles pour éclairer nos futurs négociateurs en plein concours de valises sous les yeux.

 Dans le temps, mais aussi dans l’espace. Pour décider collectivement que l’on laissera beaucoup de richesses énergétiques sous le sol, il faudra forcément trouver des compensations aux pays expor­tateurs. Or, beaucoup d’entre eux ont des ressources intéressantes en soleil, en vent, en biomasse exploitable de manière raisonnable. Par contre, ces ressources sont souvent éloignées des consom­ma­teurs d’énergie. Prévoir de grandes infrastructures de transport d’énergie, et demander aux pays consommateurs de s’engager à acheter ces énergies renouvelables à des prix attractifs, voilà un domaine d’optimisation, mêlant économie, technique, géographie, connaissance fine des conditions météorologiques (corrélations vent / soleil …), etc., où la technocratie à la française pourrait faire la preuve de son excellence … si l’équipe de négociation avait la bonne idée de la solliciter.

Autre limite de la théorie du prix uniforme du CO2 : et si certaines idées, comme de développer le photovoltaïque, étaient des gouffres financiers quand on les envisage de manière trop timorée, sans aller au bout d’une logique d’économies d’échelle seule capable de le rendre vraiment compétitif ?

 

 

 

Stratégies pour projets urbains durables

La plupart des projets présentés dans « Projets urbains durables » sont innovants en techniques mais se caractérisent également par une nouvelle approche de la commande plus à l’écoute du contexte social et des initiatives citoyennes. Cet ouvrage collectif, rappelle les piliers du développement durable : ancrage au territoire, gestion des eaux, économie d’énergie et approche collective des projets? à travers les points de vue de quelques spécialistes comme Jean-Michel Roux, consultant sur l’économie, le montage et la programmation de projets urbains, ou Alain Bornarel, ingénieur, assistant à la maîtrise d’ouvrage, pour qui la complexité est au c?ur du développement durable.

Ariella Masboungi, en charge de la mission « Projet urbain » auprès du directeur général de l’aménagement, a réuni sur le sujet maîtres d’?uvre et maîtres d’ouvrage autour de démarches réalisées ou en cours. Les projets sont exemplaires d’une démarche d’aménagement durable en pleins tâtonnements. Tous posent la question du site – comment s’inscrire dans l’existant et le transformer ? – de l’interdisciplinarité, des nouveaux territoires de projets à la périphérie des villes. La paysagiste Marion Talagrand fait l’éloge du « potentiel périurbain » à travers plusieurs exemples dont le projet de développement économique sud francilien du Val d’Orge : ? au sein du périurbain, l’alternance d’espaces bâtis et non bâtis, la présence dispersée de l’agriculture donnent l’opportunité d’inventer de nouvelles interrelations ? systèmes d’échanges sur le modèle de l’écologie industrielle ? entre des secteurs traditionnellement organisés et gérés de façon autonome. Françoise-Hélène Jourda, parmi les premiers architectes à avoir intégré le développement durable dans sa pratique de l’architecture, en France, défend une remise à plat du système de production des villes s’appuyant sur de nouveaux indicateurs comme la réduction des émissions carbonées, la réversibilité des projets, l’adaptation de l’espace public à l’évolution des usages.

Henri Bava, Olivier Philippe et Michel Hoessler (agence TER), militent en bons paysagistes, pour une appréhension globale des territoires incluant tout particulièrement la dimension géographique et celle du temps, ici illustrées par deux projets de planification : une étude sur le Rhin où sont anticipés les risques d’inondations, intégrés au projet, et l’étude pour le développement urbain du Grand Toulouse plaçant la Garonne au c?ur de l’articulation ville?nature. L’eau, sous toutes ses formes, est un vecteur essentiel de projet durable.

Michel Destot, maire de Grenoble, présente le projet (quasi terminé) de la ZAC de Bonne où avec les opérateurs publics et privés, les architectes et la paysagiste chargés de l’opération, il a fallu inventer de nouvelles façons de travailler et de nouveaux processus de financement. Au delà de quartiers exemplaires comme cette ZAC, il semble urgent d’étendre la notion de développement durable à la cité dans son ensemble (l’écocité) en travaillant sur plusieurs entrées : l’énergie, les espaces publics, les déplacements et l’économie.


Ecoquartiers en France : Grenoble, quartier de… par Ecoquartiers

Jean-Luc Poidevin, promoteur immobilier chez Nexity, déveoppe ses projets en privilégiant le lien transports ? logements ? équipements ; concernant les coûts de construction le groupe Nexity réfléchit à des processus économiques qui faciliteraient le montage des opérations.

Bernardo Secchi (urbaniste, architecte, professeur à la faculté d’architecture de Venise?) insiste sur une approche sociale du développement durable en citant l’exemple de la consultation pour le Grand-Paris, à laquelle il participait, où une cartographie des zones riches et des zones pauvres a révélé que ces dernières étaient généralement difficile à arpenter à pied. Au terme d’urbanisme Secchi préfère «architecture de la ville », concept plus riche pour le développement d’une pensée du cadre de vie.

Daniel Delaveau, maire de Rennes, témoigne de sa ville : « archipel » où la campagne a été très tôt associée au développement de la ville et où les transports s’appuient sur une vision globale du territoire, tout cela grâce à l’élaboration d’un schémas de cohérence territoriale (SCOT). Au delà de ce cadre intercommunal, Rennes réfléchit maintenant à d’autres échelles de développement avec Nantes, Saint-Nazaire et Saint-Malo.

Citons aussi les contributions de l’architecte David Mangin, du paysagiste Michel Desvigne (grand prix national d’urbanisme 2011) et de Sacha Veltz pour le plateau de Saclay, de Thierry Laverne sur le mariage ville et agriculture qu’il teste en tant qu’élu local et paysagiste sur le Triangle Vert, territoire maraîcher préservé près de Paris.

Thierry Madec propose en fin d’ouvrage un « Petit glossaire critique en mode doux » mêlant termes techniques, concepts et réglementation? utiles rappels.

Une autre relation-presse est possible

SORTIR DE LA FILE D’ATTENTE

Avec la multiplication des médias le bruit a augmenté, la communication devient plus difficile. Les journalistes sont de plus en plus sollicités. Les infos leur arrivent par mail et elles disparaissent aussitôt dans la file d’attente au milieu de centaines d’autres. Parce que le monde a changé, le web, les réseaux sociaux, aujourd’hui il ne s’agit plus de +diffuser+ une information mais de la faire vivre. Parce que s’obstiner à vouloir placer des contenus qui passent à la moulinette du formatage journalistique est un peu curieux, lorsque par ailleurs on conteste ce formatage.

C’est l’ensemble de la stratégie de relations presse qu’il faudrait remettre en cause, désapprendre tout ce qu’on a appris à l’école, EFAP ou autre, et inventer autre chose. Tant mieux. C’est l’occasion de penser réseau et donc : écosystème.

Dessiner une architecture vivante.

On travaille avec quoi? Un carnet d’adresses « presse », des mailing-lists? Alors qu’il faudrait une cartographie dans laquelle on trouverait : des journalistes « tradi », mais aussi des organisations proches d’EELV, des partenaires politiques, des institutions intéressées par l’écologie. Et puis : des blogueurs, des sites thématiques, des médias alternatifs…Tiens justement, on défend les principes d’une presse plus indépendante, mais quelle place fait-on aux média alternatifs dans la stratégie presse EELV ? « Vivante », l’architecture. Parce que le réseau, ça ne se décrète pas, ça se co-construit. On propose : « seriez-vous intéressés pour recevoir nos communiqués de presse ? » Et on connecte au fur et à mesure. Il faut sortir du schéma mental : émetteur-message-recepteur. L’enjeu aujourd’hui n’est plus de tenter d’accrocher quelques médias prestigieux. Il est de (co-)construire des contenus pertinents à travers le réseau. Construire durable.

Miser sur le « pull ».

Le « push », c’est l’info qu’on envoie, le « pull », celle que l’utilisateur vient chercher. Etonnant, ce qui se passe quand on est du côté « journaliste ». Les attachés de presse se livrent à un véritable harcèlement quand ils-elles ont des informations à « vendre », mais en dehors de ces périodes, si un journaliste les sollicite parce qu’il a besoin d’une info, il n’y a plus personne. Les relations presse, c’est aussi le service rendu à la presse. On pourrait peut-être l’organiser. Du côté du pull, les sites internet proposent généralement des anciens communiqués de presse classés par ordre antichronologique. Et c’est tout? Quand on pense à toutes les infos, études, dossiers, qui passent entre les mains d’EELV et qui ne demanderaient qu’à être valorisées…Pour des journalistes, mais aussi des blogueurs, des étudiants, des militants, des acteurs sociaux…Autant de gens susceptibles d’utiliser ces infos et de les diffuser. Avantage du pull : les contenus qui sont en ligne vivent leur vie et elle n’est pas éphémère. Avec un peu de chance, ils sont repris, échangés, re-routés, ils s’inventent chaque jour un nouveau public. Alors qu’une info qu’on a réussi à caser dans Le Monde « papier » part à la poubelle dès le lendemain.

En faire un outil de pilotage.

En général on mesure l’efficacité des relations presse par les retombées : combien de médias ont repris l’info ? Lesquels? On fait du quantitatif. Du rétroactif. Mais les médias sont une mine de renseignements, un véritable outil de pilotage qu’on n’exploite pas ou peu. On y trouve tout. Les thèmes sur lesquels EELV est identifiée, les mots-clefs avec lesquels elle entre dans le jeu, ses zones de crédibilité ou de non-crédibilité, ses réussites et ses échecs de communication, les éléments constitutifs de son image perçue par le public : journalistiques, militants, citoyens…Bref, les médias, surtout interactifs, sont un formidable instrument de veille permanente, pourvu qu’on mette en place des tableaux de bord et des outils d’analyse sémiologique permettant d’écouter au jour le jour les bruissements de la toile.

Loos-en-Gohelle : la ville écolo qui a bonne mine

DES RESULTATS IMPRESSIONANTS

De la création d’une ceinture verte autour de la ville à une pépinière d’éco-entreprises, d’un programme ambitieux de construction de logements en habitat social à la (re)plantation de haies avec les enfants des écoles, d’un centre de ressources sur le développement durable (Cerdd) à un grand centre de test sur l’énergie photovoltaïque, d’un centre culturel joliment nommé « Culture commune » (scène nationale) à une association consacrée à la mémoire de la mine, Loos-en-Gohelle semble s’attaquer avec gourmandise à tous les sujets de front. Mais le plus impressionnant a été pour moi la qualité de la relation que la commune entretien avec ses habitants grâce à ce qu’ils nomment une « gouvernance agglomérante »

Ils ont par exemple inventé un principe qu’ils appellent fifty-fifty : un groupe d’habitants, une association, une école saisit la commune pour une action d’amélioration du cadre de vie. La commune soutient financièrement et techniquement le projet, mais la réalisation ou la gestion est effectuée par (ou avec) les demandeurs. Par exemple, une association de quartier souhaite améliorer le fleurissement de sa rue. Elle saisit la commune qui fournit les jardinières et les fleurs, l’association se chargeant de l’arrosage et de l’entretien.

Mais les ambition de cette ville étonnante ne s’arrêtent pas là et la ville vise même à atteindre un jour l’autonomie énergétique.

CLES DU SUCCES

Si ce projet est un succès, c’est bien grâce à la détermination et à l’habileté d’un homme, Jean-François Caron, maire et homme de conviction et de dialogue, mais c’est aussi grâce à une méthode qui doit être reproductible ailleurs, pour peu que l’on prenne la peine d’en transposer les principes sous-jacents. Parmi ces principes, je vous en propose cinq qui m’ont frappé et qui me semblent transposables dans d’autres contextes.


1 ? S’appuyer sur les contraintes pour devenir créateur du futur

Accepter la mine pour dépasser la mine où comment faire d’un passé douloureux une source de renouveau. Ce qui m’a paru juste, est cette façon de regarder la réalité en face et de combattre le déni qui pousse à vouloir faire table rase du passé. Depuis la fin de l’exploitation minière, des citoyens se sont battu pour la reconnaissance de ce patrimoine. Démolir les installations minières aurait privé ce territoire d’une partie de son histoire et de sa fierté et c’est justement ce que les autorités envisageaient. Aujourd’hui, le bassin minier est inscrit au patrimoine mondial par l’Unesco, ce qui est en soi un formidable succès, et Loos-en-Gohelle n’y est pas pour rien !

2 ? Considérer la ville (le projet) comme un écosystème

Au-delà de toutes les réalisations qui sont déjà intéressantes séparément, c’est la qualité de l’approche globale qui est pratiquée qui permet d’aboutir à une qualité de vie améliorée. On pourrait appeler cela une approche systémique, la commune affirme « considérer la ville comme un écosystème ». C’est ce modèle qui guide de nombreux choix et qui permet de créer des liens durables entre les gens dans un environnement urbain qui s’enrichit en permanence d’initiatives vivantes. On touche ici du doigt la notion d’intelligence collective. Une des clés de la réussite selon Jean-François Carron est de parvenir à un bon agencement des acteurs sur le territoire, en direction d’un but commun, c’est-à-dire avec cette capacité de se donner un cap.

3 ? Un cap : une vision forte, partagée et ouverte.

A partir d’actions éparses, la vision s’est peu à peu clarifiée d’une ville qui pourrait devenir « ville pilote du développement durable » et contribuer à inventer un nouveau modèle de développement. Cette ambition est aussi devenue un moteur intense et une motivation pour progresser. Aujourd’hui, Loos-en-Gohelle attire des visiteurs du monde entier (et même des groupes de directeurs du ministère du développement durable, comme celui que j’accompagnais). A travers des circuits d’interprétation, elle donne à voir comment elle s’approprie et concrétise le développement durable. J’ai aimé cette idée qui considère le développement durable comme une partition, que chacun doit interpréter, en fonction de ses richesses, de ses contraintes, de son histoire, en un mot, de son contexte. L’ouverture nourrit l’ambition qui renforce l’ouverture.

4 ? Répondre à un besoin latent

Jean-François Caron nous a expliqué qu’il ne parle (presque) jamais de développement durable aux habitants. Il leur parle économie d’énergie, qualité de vie, école, santé, boulot? en bref, il parle de leurs préoccupations et les replace dans un contexte plus large. Il tente surtout de répondre à un besoin profond de la société qui aspire à une politique appliquée de développement durable, même si cela ne s’exprime jamais avec ces mots là.

5 ? Intégrer la dimension du temps et se donner le droit à l’erreur

Jean-François Caron nous a présenté des réalisations, mais il a surtout insisté sur les notions de trajectoire et de dynamique vertueuse qu’il essaie d’initier, de maintenir, d’encourager ou même parfois simplement de « laisser vivre », ce qui n’est pas forcément le réflexe de tous les élus. Par ailleurs, il revendique des cafouillages, des erreurs, des échecs et propose d’en parler de façon transparente afin d’éviter à d’autres les mêmes erreurs. C’est là que la dimension de laboratoire du développement durable prend tout son sens.

Retrouvez toutes les contributions d’Olivier sur son blog : http://experiencedurable.fr/

Un diner avec « l’écolo de service »…

Comme toujours, j’arrive le dernier. Le temps que je ferme la librairie, l’apéro est déjà bien entamé. Autour de la table : des avocats, des consultants, un vétérinaire, quelques profs et un agent immobilier. La conversation débute sur un mode plutôt badin, et puis la première question fuse : « Alors comme ça, t’es militant écolo ? », lance le vétérinaire sur un ton goguenard, sourire en coin.

MILITANT ECOLO ?

Petit bréviaire écoloC’est vrai que je suis membre des Verts et maintenant d’Europe Écologie depuis une quinzaine d’années ; comme je suis élu au conseil régional de Bourgogne depuis 2004, on voit régulièrement ma tête sur des affiches, dans le journal local ou à la télé ; difficile de passer inaperçu, difficile de passer une soirée tranquille sans revêtir la cape de Super Écolo? Une convive avocate enchaîne : « Moi, je trouve ça super-important l’écologie, mais tout le monde devrait être écolo, et puis vous ne devriez pas faire de politique » ? Avec en sous- titrage : parce que la politique, c’est dégueu…

Ouf, la soirée s’annonce périlleuse? L’expert en finance enchaîne : « De toute façon, vous n’avez aucun programme économique. » La jeune institutrice cloue la dernière planche du cercueil : « Si je votais, je crois que je voterais pour vous, mais je ne suis pas inscrite sur les listes électorales, et puis vous ne serez jamais élus, alors… »

Alors j’ai passé la soirée à tenter d’argumenter, avec la vague impression d’être au milieu d’un cirque ou d’une arène. Avec le sentiment désagréable d’être une caricature de moi même. Une soirée à devoir me justifier, aussi, sur mes modes de vie : « Tu dois être végétarien ; et donc tu manges tout bio ; bien sûr, tu n’as pas de voiture ; quoi ! Tu fumes ? En plus, tu es libraire, mais on coupe des arbres pour faire des livres ! » Moi qui n’ai que peu d’appétence pour le rôle de l’agneau sacrificiel, j’aurais préféré passer la soirée à plaisanter, boire du vin, parler des derniers films à l’affiche, de quelques bouquins, et faire mieux connaissance avec la jolie brune aux yeux marron qui était venue toute seule. Soupir ?

Cornelius Castoriadis

Ce n’est pas ce qui est mais ce qui pourrait et
devrait être qui a besoin de nous.

Cornelius CastoriadisPhilosophe

LES ECOLOS A LA QUESTION

Qui aime bien châtie bien ? On aime bien les écolos… et on aime bien les mettre sur le gril, sans doute parce que leurs idées viennent remettre en cause une certaine vision du monde, de l’économie, du progrès, de la science.

L’écologie peut être anxiogène : on prédit des catastrophes terribles, on explique qu’on ne peut continuer à vivre comme ça, que les ressources de la planète ne sont pas infinies, que le capital est sérieusement entamé.

Des choses pas toujours agréables à entendre. D’où le succès de ceux qui nous expliquent que tout ira bien, que le réchauffement climatique n’est pas si grave, que l’on peut être écolo en roulant dans un 4×4 avec la clim’ à fond et en dégustant un bon burger aux OGM.

ECOLOGIE + INTIMITE

L’écologie touche aussi à l’intime : il ne s’agit pas seulement d’une nouvelle philosophie, d’une nouvelle vision d’un monde, c’est une idée qui a un impact direct sur nos modes de vie, qui vient questionner les habitudes, la façon de se déplacer, de se nourrir ? bref, notre vie quotidienne et privée. Les écolos sont sympathiques mais aussi irritants. L’écologie, ça gratte. L’écologie, ça culpabilise : si la planète et surtout ses habitants sont en danger, alors pourquoi est-ce que je ne change pas ma façon de consommer ? On sait de plus en plus ce qu’il faudrait faire, et bien souvent on ne le fait pas. Alors on a mauvaise conscience de prendre sa voiture, de manger des fraises en hiver, de se faire installer la climatisation?

L’écologie, et plus encore l’écologie politique, n’est apparue sur la scène publique qu’assez récemment. Ses idées, ses concepts, son histoire demeurent floues pour une large part de la population. Elle occupe une place particulière dans le champ politique : le parti qui la représente aux élections a des modes de fonctionnement assez exotiques, voire nébuleux ; ses porte-parole, souvent des scientifiques ou des intellos, ont tendance à parler un sabir d’initiés. Allez, qui peut donner une définition de : « décroissance », « empreinte écologique », « autonomie contractuelle », « responsabilité sociale et environnementale des entreprises » ? En deux minutes !

En conséquence, les questions se bousculent, même le samedi soir. Il y a celles de mauvaise foi, les agressives, mais il y a aussi toutes les autres. Quelques années de militantisme m’ont permis d’établir le Top Ten des questions récurrentes et de tenter d’y répondre. Alors, avec mon ami Erwan Lec?ur, qui connaît bien les écolos et leurs difficultés depuis des années, et qui a aussi passé quelques soirées du même genre, nous avons eu l’idée de ce petit livre utile, à l’usage de ceux et celles qui se reconnaissent comme des écolos et se font interpeller régulièrement en tant que tels. Pour les curieux, les sceptiques, les militants, les nouveaux venus à l’écologie, pour ceux qui ont envie d’affûter leurs arguments? Comment répondre en quelques phrases et deux ou trois arguments aux questions les plus courantes qu’on pose aux « écolos
de service » ?

A lire d’urgence !

Petit bréviaire écolo par Wilfrid Séjeau et Erwan Lecoeur, aux éditions Les petits matins.