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Des origines physiques et écologiques de la crise

LA CRISE EST ECOLOGIQUE DES SON DECLENCHEMENT

Mais, avant de voir comment l’écologie peut être une source de sortie de la crise, il est utile de confirmer de manière indépendante que celle-ci est bien de nature énergétique et écologique. Cela se vérifie dès son déclenchement.

Les subprimes reposaient sur le postulat, bien vérifié pendant quelques temps, que la valeur des maisons ne pouvait que s’accroître, et que cela rendait solvables de nouveaux acheteurs à qui leurs employeurs pouvaient ainsi se dispenser de payer des salaires décents. Cependant, quand la très forte hausse des prix du pétrole en 2007 (manifestation du fait qu’il commençait à ne pas y en avoir pour tout le monde) frappa de plein fouet les États-Unis (mal préparés car n’ayant pas vécu plusieurs décennies avec une très forte TIPP), Général Motors lui-même frôla la faillite. Ceci signifiait la fin du modèle urbain dans lequel les franges les plus éloignées des villes n’étaient éloignées des centres et des emplois que d’un ou deux dollars. Une telle aberration étant définitivement rejetée dans les poubelles de l’Histoire, la valeur des maisons les plus périphériques ne pouvait plus prétendre continuer sa croissance exponentielle, et le château de cartes des subprimes s’effondra.

Entretemps, les prix des céréales avaient suivi ceux du pétrole, car la raréfaction de ce dernier avait rendu crédible la perspective d’une Amérique largement propulsée à l’éthanol de maïs, avant qu’on s’aperçoive que cela réduirait d’autant et très significativement la part disponible pour l’alimentation humaine ou animale. Émeutes de la faim, retour à la seule régulation possible à court terme : que les occidentaux roulent moins.

Régulation est d’ailleurs un bien grand mot, tant se vérifie la prédiction déjà énoncée, en 2005, dans le livre de Jean-Luc Wingert, « La vie après le pétrole », et selon laquelle, à la suite du Peak Oil, nous vivrions des crises prenant la forme de successions rapides de coups de freins dus à la compétition pour des ressources en pétrole limitées, suivies de reprises dues à des prix modérés du fait de la réduction de la demande à la suite de ces coups de frein, etc., et qu’il « faudrait avoir le c?ur bien accroché ».

Ce qui n’y était pas décrit en détail, c’est que cette succession de coups de frein et d’accélérateur allait générer des situations (2009 en France) dans lesquelles les banques ne prêtaient plus même aux entreprises qui étaient jusque là leurs meilleurs clients, ceux-ci différaient (au mieux) leurs projets d’investissements, et en fin de compte ces employés de banque, ces responsables de projets et leurs fournisseurs étaient à leur travail mais ne produisaient pas grand-chose. Par la force des choses, nous continuions à consommer (chinois, indien ou Opep) mais en allongeant notre ardoise, et la crise de l’euro se rapprochait.

C’est, en termes keynésiens, sans doute un miracle, mais nous consommons toujours à peu près autant, peut-être pour oublier notre anxiété, et il y a de quoi : des déficits budgétaires qui ne peuvent être réduits de manière non suicidaire (cercles vicieux des politiques de rigueur) que grâce à une reprise de la croissance, laquelle, à supposer qu’une nette baisse des prix du pétrole la déclenche, serait immédiatement brisée dans l’?uf par une remontée automatique des mêmes prix, du fait du peak oil et du partage toujours plus serré avec les puissances montantes.

(Sur ce dernier point, l’idée de mener à nouveau une guerre pour le pétrole – dans l’hypothèse, heureusement improbable, où nous l’estimerions juste – n’est sans doute pas très enthousiasmante, si l’on se remémore l’expérience irakienne).

Les causes physiques de notre dépression – aux deux sens du terme – pouvant ainsi être assez précisément localisées dans notre dépendance à un pétrole en voie de raréfaction, ce dont les écologistes nous avaient avertis depuis un temps certain (ils avaient d’autres motivations, par exemple liées à l’urgence climatique, et ceci ne fait que renforcer la prégnance de cette question), est-il exact qu’en soignant ces causes, on résoudra le problème ?

Les arguments de campagne que l’on entend en ce sens sont bels et bons : relancer les économies d’énergie, notamment dans le bâtiment, est une telle évidence qu’il n’y aura sans doute que Marine Le Pen pour ne pas le mettre dans son programme. Il risque d’y avoir moins de consensus autour de l’idée de construire un peu partout des éoliennes et des panneaux solaires et d’en attendre des emplois non délocalisables par centaines de milliers. Si on les paye (comme aujourd’hui) assez généreusement, c’est une relance keynésienne comme une autre, mais il serait utile d’y rallier les candidats les plus prudents en arrivant à prouver que développer les énergies renouvelables n’est pas le gouffre financier que certains décrivent.

LE DIFFICILE CHEMIN DE « L’AUTRE MODELE »

Un premier élément en ce sens est que le modèle de croissance principalement fondé sur les hydrocarbures ne peut être poursuivi qu’à la condition de développer les seuls champs pétrolifères et gaziers encore en suspens, ceux que l’on appelle « non conventionnels » et qui sont très coûteux (forages très profonds ou en haute mer, procédés d’extraction eux-mêmes très énergivores et polluants, etc.). Sauf si la crise s’aggrave encore, le niveau de prix du pétrole restera donc durablement élevé, puisque sans ressources alternatives, la pénurie d’énergie ne peut que s’étendre.

Or, parmi ces ressources alternatives, il y a les énergies renouvelables qui sont infiniment plus souhaitables que ces hydrocarbures non conventionnels et qui, dans leur recherche de compétitivité, seront comme eux très nettement encouragées par un pétrole cher.

Mais le modèle écolo totalement décentralisé, hostile aux lignes à haute tension qui symboli-sent le centralisme nucléocrate, implique d’importants besoins de stockage (lui aussi décentra-lisé) de l’énergie produite de manière intermittente. Et, malheureusement, le stockage coûte assez cher, et le stockage décentralisé encore bien plus (sauf synergie très sioux avec une flotte importante de voitures électriques dont les batteries seraient mises en réseau pour assu-rer ce stockage). Ce n’est donc probablement pas le bon chemin vers la parité de coût au kWh.

Pire que cela, quand nous aurons à peine multiplié notre production photovoltaïque par 10 et notre production éolienne par 3 ou 4, le coût de ce modèle va devenir difficile à défendre alors que, pour atteindre la parité grâce aux économies d’échelle et pour que tout cela ait un effet sensible de stabilisation du climat et de substitution aux énergies fossiles, il resterait, pour chacune de ces énergies, deux multiplications identiques à réaliser, bien plus coûteuses.

Intégrer ces ordres de grandeur fait partie de la solution. Savoir qu’il faudra sans doute renoncer à la vision traditionnellement décentralisée des énergies renouvelables, aussi. Et nous devrons apprendre à appeler de nos v?ux de grands réseaux à très haute tension permettant de mutualiser les conditions de vent et de soleil à des milliers de kilomètres de distance, ainsi que des usines hautement automatisées seules capables de produire à des coûts acceptables, c’est-à-dire en très grande série, les éoliennes ou les panneaux solaires de demain.

Certes, dépeindre ces milliers d’usines équipées de robots eux-mêmes produits en grande série, ça ne colle pas trop avec l’image d’Épinal des énergies renouvelables créatrices de milliers et de milliers d’emplois ? encore qu’il y aura de l’installation et de la maintenance à assurer derrière. Et pourtant cette perspective serait sans doute bonne pour l’économie.

Car celle-ci n’est pas, par essence, condamnée à la désespérance des plans de rigueur ou à la perte irrémédiable du triple A, sur fond d’impuissance de toute politique à produire de la croissance. Comme l’enseigne la théorie, dans un monde où l’on sait raisonnablement bien par quelles transformations techniques il se modernisera, quelles qualifications seront utiles demain, quels débouchés les entreprises trouveront, et avec un prêteur en dernier ressort (la banque centrale) qui accorde les crédits nécessaires, une croissance régulière est possible ([Et il n’y a pas de raison que la démocratie ne puisse l’aider à déterminer un optimum social entre compétition ou réduction des inégalités, entre gestion par le stress ou par la sérénité, bref, entre droite et gauche.)].

Voilà pourquoi on a rappelé plus haut les effets de la crise sur l’économie réelle, ces moments où de la valeur est détruite, simplement parce que les banquiers ne prêtent plus et que les projets ne sortent plus des cartons, car personne ne sait de quoi demain sera fait.

Ces situations anxiogènes pour les individus et pour la société en tant qu’organisme supra-individuel, nous avons vu qu’elles sont liées à la logique dépressive propre à la crise économique, mais aussi à la menace que la contrainte énergétique fait peser sur tout mouvement de sortie de crise. C’est là qu’avoir des perspectives sérieuses de désintoxication des énergies fossiles, de levée de la menace climatique, et de renoncement au mythe des énergies renouvelables artisanales (qui ne pourraient se développer au-delà d’une clientèle de quelques bobos), peut changer radicalement nos perspectives pour le futur.

L’apport de l’écologie à la sortie de crise est donc sans doute dans la remise de l’économie sur un chemin de croissance normale, et par la levée des hypothèques qui aujourd’hui l’entravent. Et l’important est que cela peut être défendu par tous les partis.

Ensuite, que sur cet arrière-plan consensuel en faveur d’un modèle globalement tout-renouvelable à l’horizon 2050, il y en ait certains qui prônent un développement à marche forcée immédiate en considérant que les technologies sont prêtes et que l’urgence commande de ne pas attendre la poursuite de leur baisse des coûts, tandis que d’autres insisteront sur l’intérêt qu’il peut y avoir à continuer à investir dans la recherche-développement avant de passer à une production en très très grande série et à coût réduit, c’est le débat démocratique normal.

L’ANTI MODELE CALIFORNIEN

Une raison objective de ne pas se précipiter immédiatement dans le tout-photovoltaïque en France est que son chemin de croissance naturel (et donc à l’abri des critiques sur ses importants surcoûts) pourrait d’abord passer par la Californie du Sud, où il est déjà rentable car le pic de demande correspond à l’après-midi, en été, quand les climatiseurs tournent à fond concomitamment à l’ardeur des rayons du soleil (et où, à plus long terme, on peut envisager des exportations vers la côte Est des États-Unis en profitant du décalage horaire pour fournir la pointe de demande du soir).

Ceci ne veut pas dire que les États-Unis soient un modèle de développement soutenable. La France, et plus généralement l’Europe restent de « meilleurs élèves » de Kyoto, grâce par exemple à notre urbanisme traditionnellement pas trop étalé et à nos bonnes habitudes de ne pas trop prendre l’avion. Mais cette autosatisfaction est contre-productrice quand chaque citoyen ou entreprise qui place des panneaux solaires sur son toit se félicite de faire le maximum pour la planète, alors qu’il ne fait que répondre rationnellement à un dispositif incitatif très généreux (Ces dispositifs ne sont pas sans fondements : toute industrie naissante a besoin d’être accompagnée à son démarrage (y compris si elle est mondialisée, et les matériels de production d’énergie renouvelable ont besoin d’économies d’échelle à taille mondiale), et plus encore quand une partie de ses avantages, ici la protection de l’environnement, peut difficilement être prise en compte automatiquement par des mécanismes de marché (la taxe carbone est en panne, n’oublions pas de la mettre au débit des promesses non tenues par notre président sortant). Il est cependant inquiétant qu’il y ait si peu de personnes qui, à la fois, défendent l’intérêt à long terme d’un déploiement massif des énergies renouvelables, et se demandent si les dispositifs incitatifs sont calibrés au plus juste, de manière à tenir la route quand on passera aux choses sérieuses, c’est-à-dire à des volumes de l’or-dre de cent fois plus grands. Ce devrait pourtant être le pain quotidien d’une bonne proportion des responsables ou simples militants de tous les partis, qu’ils soient de droite, de gauche, ou écologistes.).

Avec, à la fois, leur bilan carbone désastreux et leur modèle californien toujours d’accord pour essayer de convertir les utopies en cash, les États-Unis sont dans une fuite en avant. Si jamais, par malchance, toutes les solutions techniques respectueuses de l’environnement échouaient à devenir compétitives et que nous étions condamnés à la décroissance, ils le vivraient encore bien plus mal que nous. Mais ils ont un dynamisme dans la création de véritables innovations, qui est encourageant.

Les grosses entreprises de l’Internet investissent dans ces innovations dans un authentique esprit de capital-risque, au début elles espéraient des retours sur investissement en deux ou cinq ans, durées extrêmement courtes dans le secteur de l’énergie, donc il a fallu qu’elles apprennent à oublier cette façon de faire qui passait pour purement spéculative, mais on peut espérer que leur dynamisme finira par faire émerger une ou deux technologies vraiment intéressantes et que nous en sortirons par le haut.

Par comparaison, quand on lit, dans un récent n? de Science et Vie consacré au thorium (l’ « autre nucléaire » dont tout le monde parle depuis Fukushima), que, malgré toutes ses qualités intrinsèques, cette alternative a peu de chances de succès car l’industrie nucléaire est comme un paquebot qui met des décennies à se réorienter (Ces dispositifs ne sont pas sans fondements : toute industrie naissante a besoin d’être accompagnée à son démarrage (y compris si elle est mondialisée, et les matériels de production d’énergie renouvelable ont besoin d’économies d’échelle à taille mondiale), et plus encore quand une partie de ses avantages, ici la protection de l’environnement, peut difficilement être prise en compte automatiquement par des mécanismes de marché (la taxe carbone est en panne, n’oublions pas de la mettre au débit des promesses non tenues par notre président sortant). Il est cependant inquiétant qu’il y ait si peu de personnes qui, à la fois, défendent l’intérêt à long terme d’un déploiement massif des énergies renouvelables, et se demandent si les dispositifs incitatifs sont calibrés au plus juste, de manière à tenir la route quand on passera aux choses sérieuses, c’est-à-dire à des volumes de l’ordre de cent fois plus grands. Ce devrait pourtant être le pain quotidien d’une bonne proportion des responsables ou simples militants de tous les partis, qu’ils soient de droite, de gauche, ou écologistes.) , et que d’ailleurs « dans le nucléaire cela fait bien longtemps que tout le monde s’est arrêté de penser », on est bien forcé de se demander si cet immobilisme ne serait pas spécifiquement français ?

Énergies renouvelables, bonne gestion dans une perspective de long terme, regard vers l’étranger à la recherche de raisons de retrouver notre dynamisme, et sortie de la sinistrose, sont donc loin d’être incompatibles.

Sous les pavés, le design

 LE DESIGNER : CONCEPTEUR MILITANT

Le métropolitain de Paris est né en 1900, avec la signature de l’architecte Hector Guimard. Comme la tour Eiffel, ces entrées symbolisent Paris. Aujourd’hui les designers vont encore plus loin dans la réflexion. Les espaces publics qu’ils soient sous terre comme le métro ou en surface doivent être au service du plus nombre. Laurent Dutheil, Directeur du Lieu du Design où a lieu cette exposition nous explique que le rôle du designer est fondamental pour un  » vivre mieux  » et que les PME devraient s’en inspirer un peu plus.

Placée sous le commissariat de Yo Kaminagai, délégué à la Conception au Département des Espaces et du Patrimoine de la RATP, l’exposition présente aux décideurs politiques, aux maîtres d’ouvrage et au grand public, le designer, véritable concepteur militant, sous 8 postures complémentaires : humaniste, créateur inspirateur, innovateur, agent économique, acteur responsable et engagé, solveur de problème, médiateur et révélateur d’identité.

Yo Kaminagai a parcouru le monde pour comparer les métros et leurs espaces. Les « architectes d’art » qu’on n’appelait pas encore designers en 1900 montraient la voie. Les 140 fameuses entrées de métro de Guimard, ont donné à la ville de Paris une cohérence dans le mobilier urbain. Cet « Art nouveau » a même inspiré les architectes et les designers d’aujourd’hui, tels que Norman Foster qui a conçu en 1995 le métro de Bilbao.

A l’époque, le fonctionnel rejoignait le confort, comme ces carreaux blancs biseautés qui ont été choisis pour habiller les voûtes des stations. Elles étaient facilement lavables, mais aussi diffusaient un éclairage faible : une ampoule de 25 watts tous les 5 mètres qui devaient éclairer toute la station. Ces carreaux sont devenus par la suite un « geste artistique ».

Nous sommes passés de 50 000 passagers en 1900 à plus de 4 millions et demi par jour. Et pour le métro de Tokyo, c’est plus de 8 millions ! Il faut donc gérer les foules et faire en sorte que les transits, les attentes, les orientations satisfassent le plus grand nombre.

Cette vie souterraine peut également devenir le refuge des sans-logis qui viennent trouver un peu de chaleur. Mais les installer ou faciliter leur « hébergement » est incompatible avec le flux des voyageurs, et une étude a montré qu’au-delà de 3 jours, il y avait une désorientation complète des personnes qui ne distinguent plus la nuit du jour, avec une horloge biologique totalement dégradée. Bien sûr, ce n’est pas de gaieté de c?ur que le designer a conçu des sièges « faits pour se reposer, pas pour s’installer », car le problème est ailleurs, et les gens du bas ne peuvent résoudre tous les problèmes des gens du haut.

Le rôle du designer est aussi dans la présence de la publicité, qui participe au financement des transports publics, qui peut être distractive et informative, notamment les programmes culturels, mais ne pas être agressive comme les écrans de télé ou les sons dans les voitures.

Pour que ces espaces soient un lieu de vie, ou l’on se parle, ou le temps du transport parait moins long, il y a des initiatives intéressantes, telles ces stations thématiques comme le Louvre, ou Arts et Métiers, mais leur nombre ne dépassent pas les 10% sur les 301 stations que compte le réseau de la RATP.

Transporter plus, plus vite et mieux est le souci permanent des opérateurs, mais ils doivent prévoir l’avenir car les voyageurs changent eux aussi : ils sont de plus en plus connectés avec l’extérieur via leur Smartphone, facteur nouveau dont il faut tenir compte pour les années qui viennent.

Voyageurs connectés, publicité maitrisée, animations ciblées, volumes et mobiliers adaptés sont autant de défis pour accueillir chaque année ce milliard et demi de voyageurs sous Paris.

Du sublime métro de Moscou, de Stockholm, ou de Barcelone en passant par Tokyo, les architectes et designers tentent de faire rimer, identité, originalité et efficacité.

Serge Gainsbourg, célébrait le poinçonneur des Lilas qui faisait des trous dans les tickets à longueur de journée, mais il y avait une présence humaine. Aujourd’hui, il a été remplacé par un tourniquet et les caméras ont remplacé le surveillant du quai.

Les designers tentent de faire de ces lieux de passage des lieux de vie et de convivialité.

Retrouvez les chroniques de Gérard Feldzer sur France Info, le samedi à 6h20, 12h55, 14h20, 21h15, 23h50

L’économie verte aux couleurs marocaines dans « Economia »

LOCALISER L’ECONOMIE VERTE

Pour nous, l’économie verte, et notamment dans sa dimension sociale et solidaire, n’est ni une mode ni une hérésie et encore moins un luxe de riches. Au contraire, c’est une nécessité eu égard aux défis qu’elle se propose de relever : dérèglement climatique, réduction accélérée de la biodiversité, raréfaction des ressources naturelles, virage énergétique, croissance démographique,? La mondialisation de l’écologie en même temps que celle de l’économie pose des conditions majeures et inédites pour l’humanité. Au plan international, les négociations sont d’une telle complexité qu’il est difficile d’espérer des avancées significatives. Reste l’action locale pour adapter nos villes et nos territoires au monde qui est entrain de naître.

La ville est probablement la forme d’établissement humain la plus bénigne pour l’environnement. Il est beaucoup plus économique en effet, de fournir des services en ville, avec un impact écologique réduit. Mais la ville verte comme l’économie de la même couleur appelle une pensée nouvelle de notre système de production et de consommation. Le chantier est immense : quelle richesse produire, comment la produire et comment la redistribuer ? Comment nos villes, qui demeurent dépendante de l’extérieur pour une grande partie de leurs ressources, peuvent-elles produire des biens?

UNE TROP FAIBLE PRISE EN COMPTE

Il faut bien le reconnaître, la prise en charge de ces nouveaux enjeux par les élu-es locaux est faible. Les raisons sont multiples. Elles sont connues et ne rien faire serait irresponsable. Nous espérons beaucoup dans la dynamique de changement que connaît le Maroc et dans les nouveaux espaces de liberté démocratique apportés par la nouvelle constitution. Encore faut-il que tout le monde s’y mettent, à commencer par les autorités de tutelles, les administrations déconcentrées, les agences d’urbanismes, les universités, les architectes, les aménageurs et les opérateurs économiques, les associations,?.

Mais, être en responsabilité, c’est être en mesure d’apporter des réponses. Dans « responsabilité », il y a « réponse ». Nous pensons qu’il ne suffit pas de poser des questions pertinentes, mais qu’il est souvent plus compliqué d’essayer d’apporter des réponses et de les traduire en politique. C’est tout le sens de l’action de l’association marocaine pour des eco-villes, première association de communes urbaines et rurales au maroc, dédiée au développement durable. Nous tentons d’apporter des réponses qui visent l’économie et la gestion responsable des ressources, l’implication des citoyens et une intégration de la culture populaire.

L’INACTION COUTE CHERE!

Au Maroc, le coût de l’inaction coûte cher. La gestion déficiente des ressources naturelles, leur surexploitation ou leur dégradation ont un prix exorbitant estimé à 16,27 milliards de DH, soit 4,6 % du PIB. Ce coût est considéré comme supérieur 1,5 fois à celui des pays développés. Nous ne pouvons plus ignorer les externalités négatives de notre système productif, les excès de pollution, les dégradations que subissent nos communes et qui ont atteint des seuils, parfois de non retour. C’est le sens de l’action de la Ville d’Agadir qui a décidé de s’attaquer aux dégradations causées à l’environnement par la gestion déficiente de certains déchets qui ne sont pas de la responsabilité de la commune.

Tout le monde comprend qu’on ne traite pas de la même manière, les déchets ménagers, les déchets industriels ou les déchets hospitaliers. C’est un principe de base, que la loi 28/00 relative à la gestion des déchets, consacre et explicite de manière claire et sans ambiguïtés. Le décret d’application de la loi publié fin 2006, donne 5 ans à l’ensemble des acteurs de la filière, et en premier lieu les collectivités territoriales, pour se conformer à l’esprit et aux dispositions de la Loi. Quelle est la situation aujourd’hui ?

L’EXEMPLE D’AGADIR

Le traitement différencié des déchets est déficient et cela coûte beaucoup d’argent aux communes et à leurs regroupements. A Agadir et dans toute sa grande région, l’absence d’un plan régional qui fixe, réglemente et finance le traitement, l’élimination ou le stockage des déchets industriels fait toujours défaut. Résultat, les déchets de la zone industrielle d’Agadir finissent à la décharge intercommunale de l’agglomération, exclusivement pensée à l’origine pour le stockage des déchets ménagers et assimilés. C’est tout le fonctionnement de la décharge qui se retrouve aujourd’hui en danger. Les procédures et les solutions envisagées par exemple lors de l’aménagement de la décharge pour le traitement du lixiviat sont caduques. Ce liquide communément appelé « jus de poubelle » est dangereux, et sa production massive engendre des risques de pollution des sols, des rivières et des nappes phréatiques. En termes économiques, ces dysfonctionnements se payent et au prix fort. Etre sobre et économe des ressources, c’est d’abord refuser cette hémorragie.

Une réponse écologiquement responsable et économiquement soutenable ne peut pas se concevoir dans la réaction, au coup par coup et dans l’urgence. Pour ces raisons, et suivant les recommandations du séminaire de l’amev consacré au sujet des déchets, la Ville d’Agadir et la commune d’Oulmès sont les premières collectivités au Maroc qui veulent se doter d’un plan de gestion communal des déchets ménagers (article 16 de la loi 28/00). Avec le concours de la ville de Paris, la Ville d’Agadir travaille sur un Plan qui sera avant tout, un outil mobilisateur, protecteur du cadre de vie, de l’hygiène publique, facteur de redéploiement économique et porteur d’emploi, d’équité et de justice sociale.

ECONOMIE VERTE ET CULTURE POPULAIRE!

A Oulmès, le contexte est différend et les réalités aussi. Mais l’objectif du conseil communal est le même : agir pour changer. On ne peut pas transformer nos grandes villes si on n’arrive pas à le faire dans les plus petites communes. A Oulmès, l’autre enjeu de l’élaboration du plan communal de la commune est l’adhésion réelle, pleine et entière de chacun. Il est vain d’espérer une technologie miracle sans que les gens ne soient dans une réforme profonde de leur vie. Le pari de la commune et de l’amev, est que la réussite du plan dépendra de l’appropriation, de la participation et de l’apport de la population.

C’est le sens de la première journée de l’environnement et de la citoyenneté organisée par un collectif d’associations locales avec le concours de l’amev.

A partir de l’idée d’un nettoyage collectif des rues de la commune, c’est toute une dynamique portée par les associations locales qui a permis d’apporter des réponses concrètes, originales et culturellement locale. Sur une journée, le collectif associatif a réussi par exemple à récolter, une tonne et demi de matières organiques (des épluchures de bonne qualité, préalablement triés et mis de côté par les femmes essentiellement !). Cette quantité n’a pas été transportée, ni stockée à la décharge, ni transformée en composte. Au contraire, elle a servi à nourrir le bétail des petits éleveurs de la commune qui fournissent d’habitude, les bouchers de la commune !! L’enjeu donc, est de faire que cette expérience d’un jour devienne une politique de tous les jours. Le concours de l’amev consiste à accompagner la commune à concevoir un plan élaboré par et pour la population.

Cet exemple montre qu’il est inutile d’aller chercher des solutions ailleurs, lorsqu’il est plus facile de s’appuyer sur la culture locale pour fabriquer des solutions originales, réalistes et à faible coût. Ces solutions ont l’avantage aussi de construire une économie à circuits courts, beaucoup plus proche des besoins des gens et plus responsable dans l’utilisation des ressources.
Une économie nouvelle au service du développement humain.

Le temps est venu en effet, de changer de regard sur nos déchets et de considérer mieux et les femmes et les hommes qui concourent vaillent que vaille, à la propreté de nos villes. Cette reconnaissance doit viser en premier lieu, à mettre en valeur l’utilité sociale et environnementale des travailleurs les plus faibles, comme les chineurs ! Ces travailleurs sans droits sont en réalité, les vrais artisans de toute la filière de recyclage du Maroc. Leurs conditions de travail sont épouvantables et leurs conditions de vies aussi. Mais les nuisances qu’ils causent dans les villes pendant leurs activités sont réelles et génèrent de plus en plus de plaintes de la part de nos concitoyens : collecteurs renversés, sacs éventrés sur la voie publique, nuisances olfactives, risques sanitaires, altercations et violences urbaines,? nous pensons qu’il sera très compliqué de faire changer les choses, mais ne rien faire coûtera à notre avis plus cher.

Consacrer une partie du futur plan communal de gestion des déchets à la dimension sociale, c’est rappeler que l’économie verte, c’est d’abord une économie au service du développement humain. A notre avis, le rôle de la commande publique, puisque le plan communal de gestion des déchets comportera aussi des dépenses, doit être un levier de construction de politiques publiques plus solidaires, plus efficaces et plus écologiques.

Plus d’informations sur l’association marocaine pour des éco-villes, consulter le site : www.amev.ma

En photo de « une » : le « busway d’Agadir.

La Commune Urbaine d’Agadir et Nantes Métropole ont renforcé aujourd’hui à Agadir, leur coopération par la signature d’une convention de partenariat relative au Projet d’une ligne de Bus à Haut Niveau de Service (BHNS) dans la capitale du Souss. Ce projet vise à doter la Ville d’Agadir de la première ligne de bus en site propre, qui sera conçue et exploitée de manière à offrir un service performant et régulier proche de ce que peuvent offrir d’autres systèmes de transports en commun tels que, les tramways ou les métros mais à un coût moindre, et en offrant des possibilités de réaménagement plus souples .

La Ville d’Agadir sera ainsi la première ville au Maroc à se doter d’une telle infrastructure qui vise à offrir aux usagers des transports publics, un service à haute fréquence de passage, un temps de trajet garanti et des passages réguliers ; une vitesse relativement élevée ; une amplitude horaire de fonctionnement étendue et un système d’information de qualité : temps de parcours, attente, fréquence, etc.

La Transition : par où commencer ?

Angoissés à l’idée de manquer d’essence, les automobilistes se précipitent dans les stations-service pour faire le plein. Les files s’allongent, les prix à la pompe flambent. Quant au ministre de l’Ecologie, qui se voit paraît-il déjà à Matignon, il en est réduit à diffuser un communiqué qui a un petit air de sauve-qui-peut : il y a encore assez de kérosène pour faire décoller les avions !

Dans quelques jours, lorsque le blocus des dépôts sera levé et qu’une issue sera enfin trouvée à une réforme des retraites aussi injuste qu’inefficace, que retiendrons-nous de cette parenthèse ? Qui osera enfin se poser la question qui fâche : que va effectivement devenir notre société, quand les puits de pétrole d’Arabie et d’ailleurs seront définitivement à sec ?

Un livre, sorti la semaine dernière sans faire de bruit, s’attaque à cette question bille en tête : le « Manuel de la Transition – de la dépendance au pétrole à la résilience locale »([ (éd. Ecosociété, avec la revue S!lence))]. Sous une couverture qui fait un peu penser aux aimables villages des albums pour enfants de Tomi Ungerer – avec des potagers urbains et des éoliennes en prime – le propos est implacable : le pétrole, dont nous dépendons pour presque tous nos actes de la vie quotidienne, va devenir tellement cher qu’il faudra trouver des moyens de s’en passer. Cumulé aux risques que pose le réchauffement climatique planétaire, le « pic pétrolier » nous oblige à nous organiser collectivement pour sortir de la dépendance aux carburants fossiles, ou au moins pour en amortir les effets. L’âge du pétrole bon marché est terminé.

Dans ce manuel, on ne trouvera pas les habituelles listes d’éco-gestes, ou encore la litanie de fantasmes à base d’innovation technologique et de capitalisme vert. Chiffres à l’appui, l’auteur, Rob Hopkins, affirme que ni la décroissance individuelle ni le progrès technique ne suffiront pour encaisser sereinement les futurs chocs pétroliers.

Alors, que faire ?

Ne revient-il pas à nos gouvernants de prendre les décisions qui s’imposent ? Le « Manuel de la Transition » apporte une réponse déconcertante au lecteur français, habitué à attendre des décisions qui viennent d’en haut. « En règle générale, les gouvernements ne mènent pas, ils se contentent de réagir », écrit Rob Hopkins. Faute de décisions nationales ou internationales à la mesure de l’enjeu, c’est à l’échelle locale qu’il faut commencer à s’organiser pour sortir de ce que Rob Hopkins qualifie d’« addiction » au pétrole : une ville, un quartier, même un immeuble peut se lancer dans la « transition », affirme-t-il.

Véritable manuel, l’ouvrage propose un plan de « descente énergétique » en douze étapes, un vade-mecum pour l’organisation de débats publics, et même des groupes de soutien psychologique – comme pour les alcooliques et les accros au tabac. Au fil des pages, on découvre des photos de citadins anglais qui plantent des arbres fruitiers, on apprend qu’une aire de stationnement a été convertie en pépinière urbaine, et qu’il existe des ateliers pour (ré-)apprendre la couture ou la construction avec des matériaux locaux.

Pour les plus sceptiques, rétifs à l’aspect un peu « boy scout » de l’approche, et qui rêvent encore d’intervention gouvernementale, des groupes en transition n’ont pas hésité à créer un nouveau ministère : « The ministry of trying to do something about it ». Cela pourrait être traduit par : « Le ministère de ceux qui essaient de faire quelque chose ». La transition n’empêche pas de garder le sens de l’humour.

Les écolos sont-ils nuls en com’ politique ?

LES RAVAGES DU STORYTELLING

Depuis cinq ans on a vu une équipe présidentielle enfermée dans une bulle avec ses communicants, passant son temps à se raconter une histoire sur la geste sakozienne, de plus en plus déconnectée de la réalité. Il suffit de regarder la presse étrangère pour voir quelle crédibilité on peut accorder à des scénarios comme : Sarkozy rétablissant la paix en Georgie, Sarkozy sauvant l’euro, Sarkozy jugulant la crise etc. Le malheur est qu’à force de raconter ces histoires, l’équipe a fini par les croire.


Manipuler les médias est un jeu dangereux.

En fin de campagne toute la Sarkozie s’est déchaînée contre le monde journalistique supposé lui être hostile, oubliant au passage le début de l’histoire. Celle d’un candidat qui avait fortement courtisé les médias jusqu’à 2007, jouant le copinage à fond. Celle de médias qui à cette époque jouaient le jeu, fascinés par la capacité du Ministre de l’Intérieur à produire quotidiennement de la matière étincelante, la fameuse théorie du : une carte postale par jour. Mais il est devenu président. Et les journalistes ont repris leur distance critique. Et le président ne l’a pas supporté. Aucun autre que lui n’aura intenté autant de procès à la presse, effectué autant de pressions sur les rédactions. Cette hostilité, c’est lui qui l’a déclenchée.

Rien compris aux réseaux sociaux

En 2007, les réseaux sociaux politiques n’étaient déjà pas au point. Quelques initiatives intéressantes du côté de la Ségosphère, on essayait quand même de dialoguer, il fallait contourner l’appareil du PS. Mais en 2012 retour en arrière. Les Tweeter, Faceboofk, SMS ne servent plus que de chambre d’écho à la propagande officielle, du push, du décervelage traditionnel. Elle est où l’interactivité ?

Le grand retour de la propagande

Une grande partie de la campagne s’est faite par la course aux meetings, 100 000? 200 000? Et tout le monde a voulu y voir un nouvel élan. Enfin on contourne les médias, enfin de la communication directe ! On n’avait jamais vu ça ? Oh que si on l’a déjà vu. Dans les années 30. C’est le moment de relire «?Le viol des foules par la propagande politique?», écrit par Tchakhotine en 1938. Il explique comment un tribun peut canaliser sur lui l’énergie d’une foule et lui faire faire n’importe quoi. Travaux pratiques : Hitler. Est-ce vraiment une bonne nouvelle, le retour de cette forme de communication qui vise à l?’abolition de tout sens critique ?


Echec cuisant du côté des écolos

Ce n’est pas tant le score d’Eva Joly qui est en cause. Il n’est pas pire que celui de ses précécesseur-e-s. C’est l’incapacité à imposer des thèmes liés à l’écologie. La comparaison avec 2007 est terrible. Nicolas Hulot avait créé l’évènement autour de son pacte, justement parce qu’il n’était pas candidat. Cette année, l’écologie a disparu des écrans radars. Il y aura bien quelques députés, quelques ministres, mais pour faire quoi? EELV aurait sans doute des questions à se poser sur sa manière d’envisager la communication politique, c’est à dire sur sa politique de communication (ou son absence)

Il est grand temps pour les écolos et pour les politiques en général de reconstruire la communication politique de la re-concevoir sur de nouvelles bases. Et d’abord se poser la question de ses finalités. Est-ce qu’on cherche seulement à «?vendre le produit?» ? A convaincre, à faire adhérer? Mais qui croit encore aux promesses? La surenchère du toujours + d’illusions conduit à celle du toujours plus de désillusion. A quoi doit servir la communication politique? A mon avis, à faire vivre la politique dans le monde des idées et dans le monde de l’action.

Dans le monde des idées les corpus sont à peu près cohérents, mais les écolos échouent à les partager. Les socialistes ont-ils évolué sur le nucléaire? Dommage Mélenchon l’a fait. Dommage ce n’est pas lui qui a gagné. Et sur les OGM? Et sur la politique de transports?

Dans le monde de l’action de multiples initiatives sont prises partout dans le monde, depuis le maçon jusqu’à l’épicier en passant par le maire de village ou le président de conseil général, même de droite. On ne peut pas dire que les écolos politiques y soient vraiment pour quelque chose, qu’ils soient là ou non les choses se font quand même plus ou moins. Et se feront. Ils ne sont pas l’élément moteur.

Il y a urgence, parce que les écolos vont faire partie d’une majorité nationale et parce qu’ils ont des ministères à gérer.


Générique de la série Mad Men (Opening Credits) par HollywoodInside

DEUX AXES DE LA COMMUNICATION POLITIQUE

-# Produire une parole officielle, labellisée qui rende compte de l’action et des propositions politiques. En « push », mais surtout en « pull », la mettre à disposition, la partager.
-# Faire vivre et animer les réseaux On Line et IRL , dans un esprit d’interaction, c’est à dire en ne cherchant pas à tout contrôler mais écouter, rendre service, à prendre en compte le point de vue de l’autre autant qu’à défendre le sien. Ce sont les nouvelles règles du jeu de la communication et il serait grand temps que la politique s’en préoccupe.

En plus de la réflexion sur les finalités, cela suppose de définir une stratégie mais surtout de commencer par tracer une architecture, celles des écosystèmes sociaux avec lesquels on communique : les médias, les militants, les partenaires… Bref d’écologiser la communication politique.